25e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Qui donc est le plus grand ?

Les disciples de Jésus n'étaient pas très fiers, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus important.

A priori, nous aurions nous aussi peut-être tendance à les blâmer, parce qu'ils se disputent pour les premières places. A y regarder de plus près, il faut bien admettre que la compétition a quelque chose de positif Avancer, grandir, chercher à devenir meilleur, à acquérir plus de connaissances, à être plus compétent, réussir, gagner, tout cela est important . Cela fait partie de notre vouloir vivre, de la mise en valeur de nos capacités. Cela donne du dynamisme et de l'enthousiasme. Et aujourd'hui, dans notre monde de battants, c'est même nécessaire pour se faire une place au soleil.

Seulement, voilà, il arrive parfois que cette lutte nécessaire, s'accomplit au détriment des autres, au prix de l'écrasement de celles et ceux qui nous entourent . E y a là souvent un aspect mortifère, à la compétitivité. Pour gagner, pour être le premier et le plus grand, le plus fort, il faut absolument anéantir les autres concurrents. Cela ne s'accorde pas très bien avec l'esprit de Jésus qui nous déclare "Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le serviteur de tous !"

Il arrivent que des personnes, parfois célèbres, accomplissent des oeuvres de bonté et de solidarité, Tout en réussissant leurs croisades du coeur, elles mettent en évidence et en lumière les grandes carences de l'organisation de nos sociétés, et l'incapacité des gouvernements d'enrayer les ravages de la grande pauvreté et de la misère. Comme pour se défendre, ou pour justifier une situation, on colportera volontiers les critiques vis à vis de ces actions humanitaires et l'on mettra en lumière les limites de leur efficacité. A l'occasion du décès de Mère Thérésa, les médias nous ont beaucoup parlé de son oeuvre, de la façon dont elle a permis à tant de malheureux de Calcutta de mourir, non pas dans la rue, mais d'une manière plus humaine et plus digne. Mais en même temps, d'autres ont essayé de dénigrer son action, lui reprochant d'agir uniquement sur les conséquences de la pauvreté en Inde, et de ne jamais remettre en question les causes de cette immense misère. D'autres lui ont reproché même de glorifier la souffrance de ces pauvres, comme si celle-ci avait en soi une valeur importante et rédemptrice. Et nous-mêmes, ne nous arrive-t-il pas de nous irriter lorsqu'à côté de nous d'autres réussissent. Nous éprouvons du dépit devant les initiatives d'autrui. Nous sommes irrités quand quelqu'un s'oppose à nous, n'a pas la même pratique ou les mêmes opinions. Nous avons un inconscient plaisir à humilier les autres, surtout s'ils réussissent. Il nous est facile d'accuser et d'écraser l'autre quand nous sommes soi-disant supérieurs.

C'était déjà pareil au temps de Jésus. E avait jusqu'ici accomplit une oeuvre admirable, en guérissant de nombreux malades, en chassant les mauvais esprits et en accueillant les pécheurs. E s'était donc taillé un grand succès. Par ces nombreuses guérisons, ils s'opposaient aux autorités religieuses de son temps, qui prétendaient que la maladie ou l'infirmité était une punition de Dieu. Si quelqu'un était boiteux ou aveugle, c'est parce qu'il avait péché. Il ne fallait donc pas le soulager ni le guérir pour ne pas s'opposer à la vengeance de Dieu. C'est pourquoi les prêtres, les scribes et les pharisiens se voyaient remis en question par le succès du Nazaréen. Ils le critiquaient volontiers. "C'est par le prince des démons qu'il chasse les démons" disaient-ils. Ce prophète ne pouvait pas venir de Dieu puisqu'il accueillait les pécheurs. Jésus n'est pas dupe de ces pensées mortifères des juifs pieux de son temps. Il annonce clairement l'intention de ses adversaires de le faire disparaître. 'Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront, mais trois jours après il ressuscitera" En cela il réalise ce que l'auteur de la Sagesse disait du Juste : 'Attirons le juste dans un piège, car il nous contrarie et s'oppose à notre conduite. Condamnons-le à une mort infâme puisque quelqu'un, dit-il, veillera sur lui. " Jésus qui croit en la force du bien, annonce le relèvement, la puissance de la vie plus forte que toutes ces critiques. Il prédit la résurrection.

Pour fortifier ses disciples, Jésus fait un geste symbolique. Dans la maison,, il appelle un enfant, le place au milieu d'eux et l'embrasse. Appeler un enfant, c'est peut-être un geste émouvant, touchant voire même merveilleux. Pour les apôtres, c'est un rude coup de point sur la table. Ils ont discuté pour savoir qui était le plus fort et Jésus leur donne en leçon un petit enfant. Car Dieu ne se retrouve pas chez ceux qui veulent être grands au mépris des autres. C'est dans le petit qu'il se reconnaît.

L'attitude de Jésus apparaît comme radicalement neuve. S'il voit dans l'enfant celui qui est sans défense, il voit surtout un être disponible et ouvert à l'avenir. C'est vers lui que s'adresse la tendresse du Maître. Il l'embrasse. Il s'identifie à ce tout petit puisqu'il affirme que celui qui "accueille un enfant comme celui-la, c'est lui-même qu'il accueille et donc le Père qui l'a envoyé.

Aujourd'hui, Jésus ne va pas renouveler ce geste au milieu de nous, mais sa parole nous invite à accueillir l'enfant qui est en nous, qui demeure en nous. C'est une invitation à retrouver ce petit être qui sommeille en chacun de nos coeurs, cet enfant que nous avons été qui était ouvert à l'avenir, au progrès, à l'émerveillement devant la nature et le monde, dans le coeur duquel il n'y avait aucune violence, aucune agressivité, mais un désir d'aimer et de se donner tout entier dans la tendresse envers ceux qui l'entourent.