Permettez moi de commencer cette homélie ce matin (soir) par une petite fable inspirée de l'Orient. Et comme toutes les belles histoires, celle-ci aussi commence par un « il était une fois ». Il était une fois un homme qui possédait un superbe anneau. Quiconque portait ce bijou devenait tellement doux et vrai que tout le monde l'aimait. L'anneau était signe d'une foi intérieure profonde qui s'exprimait avec tant de bonté. Durant des siècles, il passa de générations en générations sans jamais faiblir de douceur, de vérité et de foi. Jusqu'au jour où un homme eut trois fils. Il ne savait à qui transmettre l'anneau puisqu'il aimait chacun d'eux d'un amour égal. Ce père fit donc faire deux copies à ce point identiques qu'il était impossible de reconnaître le vrai. Sur son lit de mort, il remit un anneau à chacun, leur dit quelques mots d'amour. Lorsque les trois enfants découvrirent qu'ils en avaient chacun un, ils se disputèrent violemment pour savoir quel était celui qui était le détenteur du vrai bijou. Ne pouvant se mettre d'accord, ils s'en remirent à la sagesse d'un juge. Celui-ci examina chacun des anneaux et leur dit, qu'il était dans l'impossibilité de dire lequel était l'anneau magique mais l'un d'entre vous pourra le prouver, conclut-il, car l'anneau véritable donne douceur, vérité et foi à celui qui le porte et tous les habitants du village reconnaîtront le porteur de l'anneau véritable par son comportement de bonté. Allez alors par vos chemins, soyez bon, vrai, ayez la foi. Celui qui sera capable de vivre cela sera le porteur de l'anneau magique. Morale de l'histoire, ce sont nos attitudes découlant de notre fond intérieur qui donnent sens à notre vie, vie à laquelle Jésus nous invite.
Aujourd'hui par les lectures entendues, chacune et chacun nous sommes conviés à devenir prophètes, témoins. C'est vrai, il y a celles et ceux qui ont été institués par les autres, reconnus comme tel soit par leur fonction ou leur aura. Je pense entre autre à Mère Thérèsa. Et puis, il y a nous, avec nos balbutiements, nos craintes, nos pudeurs, nos peurs d'apparaître ridicules, pas ou peu compris. Alors un superbe chemin de fuite s'offre à nous, la foi c'est quelque chose de personnel, ça ne regarde que moi, c'est chacun pour soi. Cependant, notre regard ne change-t-il pas vis-à-vis de l'autre que nous connaissons peu lorsque nous découvrons dans une assemblée chrétienne, un membre de son unité guide ou scoute, des étudiants de son auditoires, un collègue de travail, des voisins. Cette découverte nous fait prendre conscience qu'au plus profond de nous-mêmes nous partageons la même foi. Quelque chose nous lie et nous dépasse. La foi n'est plus une option individuelle, une honte intérieure qu'il faut enfouir. Elle se révèle comme lieu de parole, de communication et non plus dans le pli d'un silence.
Oui, ce matin (ce soir) nous sommes toutes et tous conviés à être des prophètes. Et ce qui est merveilleux dans ce qui nous est proposé, c'est qu'il y a de multiples façons de pouvoir vivre sa prophétie. Eldad et Médad dans la première lecture prophétisent par la parole aux foules, (soir : dans la deuxième lecture par un témoignage d'amitié autour d'un verre attablé à une terrasse et) (matin : alors que) dans l'évangile le quelqu'un dont parle les disciples prophétise en chassant des esprits mauvais. Il y a donc diverses manières de prophétiser, l'une n'est pas meilleure que l'autre, à chacune et chacun de trouver la sienne. J'ai la conviction profonde que l'annonce de la foi peut se vivre dans des gestes de tendresse, un regard, un sourire, dans les mots d'une poésie, dans le langages des fleurs ou de la musique tout autant que dans le témoignage de notre croyance en Dieu. Cervantes faisait un jour remarquer que « nombreuses sont les routes par lesquelles Dieu conduit les siens au Ciel ». Aujourd'hui nous pouvons aussi proclamer que nombreuses sont les voies de la prophétie. Nous sommes toutes et tous prophètes à notre manière. La source de cette annonce se trouve d'abord en nous là où se vit la rencontre avec le Ressuscité, Celui qui nous conduit au Père mais également dans chaque communauté où Dieu se révèle à nous. A nous de lire les signes, de les reconnaître et puis d'oser les faire découvrir à celles et ceux qui nous entourent.
Alors être prophète, est-ce vraiment une notion de l'ancien temps, complètement dépassée. Oui, si nous l'enfermons dans les images d'hier. Non si nous acceptons, avec ce que nous sommes, de prendre le temps de découvrir en nous les chemins de nos propres prophéties. Il ne me reste qu'à nous souhaiter : bon travail intérieur pour que la Parole continue à être proclamée.
Amen.