26e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Un principe fondamental de notre droit belge, c'est que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'a pas été condamnée. En lisant les journaux et périodiques, j'ai plutôt l'impression que toute personne est présumée coupable. Et peu importe si elle est innocentée après. Il reste pour se justifier les dictons tels que : il n'y a pas de fumée sans feu, je reste sur ma première idée et je refuse de changer d'avis. Ces phrases sont pour moi signes d'imbécillité entendue au sens de manque d'intelligence. Il y a des innocents qui restent condamnés toute leur vie parce qu'un jour, ils ont été accusés de quelque chose qu'ils n'avaient pas fait ; il y a des coupables qui ont vécu un moment d'égarement et se sont repentis mais ils restent coupables quoiqu'ils fassent ensuite. Puis il y a cette nouvelle catégorie de personnes : les victimisés. Ces derniers ne sont pas des victimes. Les vraies victimes suscitent un profond respect, elles demandent compassion et accompagnement. Les victimisés quant à eux, ils sont ceux qui se mettent en situation de victimes alors que, le plus souvent, ils sont les responsables de ce qui leur arrive. Ils ont manqué de jugement, ils ont triché et ils perdent, à l'image du second fils de l'évangile. Alors plutôt que de reconnaître leur erreur, ils se victimisent car ils ont compris qu'en agissant de la sorte d'autres se tourneront vers eux, les prendront en pitié et plus personne ne se souciera de savoir où se trouve la vérité.

En utilisant ce type de procédé, les victimisés créent de vraies victimes, des gens innocents qui sont accusés par ces autres de quelque chose dont ils ne sont pas responsables. La victimisation est dès lors un processus lâche qu'il y a lieu de dénoncer. Il est possible de trouver de belles caricatures de victimisés aux Etats-Unis : ce sont ces gens qui après avoir fumé pendant trente ans attaquent les fabriquants de cigarettes, c'est cet homme qui poursuit McDonalds, Burger King et Kentucky Fried Chicken parce qu'il est obèse aujourd'hui. Ces exemples peuvent nous faire sourire. Mais des victimisés, il en existe aussi autour de nous. Ils sont parfois très proches.

S'il y a lieu de les dénoncer, c'est parce que la victimisation est contraire à l'esprit de l'évangile. Ce dernier, dans les lectures entendues, nous invitent à vivre en cohérence avec nous-mêmes. Il est évident qu'en chacune et chacun de nous cohabitent des " oui " et des " non " dans cette zone obscure de vulnérabilité, de fragilité, voire même de faiblesse. Il y a de la nocturnité en chaque être humain mais il est essentiel de ne pas se mettre à dériver. Si nos paroles s'enracinent dans nos pensées, dans notre c½ur, elles doivent alors être en cohérence avec nos actes.

C'est de cette manière que nous pouvons déjà, ici sur terre, goûter au bonheur qui nous est promis. Le bonheur est à la portée de tout un chacun. Il trouve sa source dans cet esprit de vérité qui nous anime. Il permet ainsi d'être en harmonie avec soi-même. Etant bien avec moi-même, je peux l'être avec les autres et surtout avec le Tout-Autre. Et c'est vrai, sur ce chemin, il peut m'arriver de trébucher par fatigue, par surcharge, par mauvaise volonté. Les raisons sont innombrables. Soit nous nous victimisons, mias nous aggravons notre cas car nous entrons dans le champ du mensonge, soit nous intégrons ces moments de notre passé pour mieux construire notre présent afin de vivre un futur possible et heureux. Et ce qui est prodigieux dans le message du Christ, c'est que pour Dieu, il n'y a pas de fatalité.

Nous autres, êtres humains, nous pouvons figer nos contemporains en leur collant des étiquettes sans aucun appel possible. Elles ont été données une fois pour toute. Nous les jugeons, les condamnons et les enfermons dans un passé à jamais révolu. Agir de la sorte c'est pécher car notre attitude est synonyme de manque d'amour. Dieu, quant à lui, porte sur chacune et chacun de nous un tout autre regard. Son espérance est infinie. Il ne nous enferme pas, il nous tend toujours une main que notre repentir peut saisir en toute liberté. Puissions-nous à jamais vivre en cohérence avec nous-mêmes et lorsque nous trébuchons, prenons la main que Dieu nous tend pour assumer nos actes et non pas tomber dans la lâcheté de nous victimiser. Dieu nous offre l'espérance et la vie, ne choisissons pas la mort.

Amen.