26e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Il y a trois jours, j'ai vécu une expérience évangélique merveilleuse. Je suis allé mangé dans un McDonald. J'étais au premier étage de ce genre d'établissement et de l'autre côté de la rue, au même étage, se trouvait un restaurant hyper-chic. Je me suis alors mis à méditer sur l'évangile de ce jour. Moi mangeant avec mes mains ce McChicken et ces frites et de l'autre côté, des gens se délectant de petits mets. Je ne me suis cependant jamais imaginé être à la place de Lazare. Le lien qui m'était venu à l'esprit était le suivant. Au McDo on mange avec ses doigts, il n'y a pas de couverts. Comme à l'époque de Jésus d'ailleurs. Ce Fast-food n'a donc rien inventé. Par souci de propreté aujourd'hui nous recevons des serviettes. Dans l'évangile, les gens s'essuyaient les mains avec des mies de pain. Nous voyons alors la désolation de Lazare. Ce ne sont donc pas de simples miettes tombées de la table qu'il attendait. Pire, il espérait au moins pouvoir bénéficier des déchets du nettoyage des mains du riche et de ses convives. Nous retrouvons ici donc le style de l'évangéliste Luc où chaque détail est important.

Arrêtons-nous un instant sur ce riche. Un riche parmi tant d'autres. Un riche qui n'était pas mauvais. Il était simplement riche. Riche d'argent et riche de lui-même. Un riche se suffisant à ce point qu'il n'a même pas besoin de recevoir un prénom. Un riche tellement riche qu'il pouvait festoyer tous les jours. Un riche se prélassant de la richesse et du luxe. Un riche qui tout simplement s'est endormi à la vie. Ce texte nous dérange par la dureté de ses propos, par cette condamnation sans appel de quelqu'un qui n'a pas fait le mal si ce n'est qu'il ignorait tout ce qui était différent de sa condition. Il ne voyait pas. Il ne voyait plus. Il se suffisait à lui-même ayant oublié ce principe premier que nous sommes des êtres de relation puisque nous sommes nés et nourris de celles-ci. Seul nous ne pouvons pas exister. Nous avons besoin les uns des autres pour vivre dans la foi et l'amour, la persévérance et la douceur, rapporte saint Paul. Par ces lectures nous sommes conviés à ne pas nous aveugler de ce qui nous entoure, à ouvrir les yeux sur les réalités de notre monde non pas pour nous en apitoyer mais pour participer de manière positive à la réalisation de la création. Rien de plus. Rien de moins. C'est exigeant et tout nous a été donné dans les Ecritures pour saisir l'ampleur de notre tâche. Nous n'avons pas d'excuse selon l'évangéliste. Tout est là et nous sommes partagés entre l'urgence du royaume et l'urgence de l'instant présent. Nous sommes un peu dépassé par le courant de la vie. Tout va tellement vite, trop vite. Et nous cherchons des circonstances atténuantes, justifiant nos choix, nos options. Dans notre logique, nous restons d'ailleurs souvent cohérent et en harmonie avec nous mêmes. Nous avançons à tâtons, nous reculons, nous trébuchons mais nous marchons aussi et nous avançons à notre rythme, avec ce que nous sommes. Telle est la vie terrestre.

Conscient de notre propre réalité, nous pouvons être indignés devant le comportement de Dieu au travers des mots d'Abraham. La facture est plutôt salée : le riche n'a même pas droit à une petite goutte d'eau qui apaiserait sa langue de feu. Pire encore, alors que notre riche se soucie de ses propres frères restés sur terre, implorant pour qu'ils puissent changer d'attitude, Dieu fait la sourde oreille. Pas de miséricorde. Pas de pardon. Un jugement, une condamnation. Où est notre Dieu d'amour ? Où est-celui qui nous rassemble ce soir (matin) ? Est-il vraiment un Dieu vengeur, le sourci plissé, la foudre entre les mains ? Un Dieu se délectant dans la souffrance ? Dieu nous punit-il éternellement ? (On ne peut pas croire que Dieu va laisser son enfant dans le coin indéfiniment constatait un de ceux qui a préparé cette eucharistie). Et nous voilà revenir au mystère de la mort avec son enfer ou son purgatoire pour les plus optimistes. Je n'ai pas le souvenir d'avoir déjà traversé cette mort, il m'est donc très difficile de l'aborder. Je ne sais pas si ces lieux que je considère comme horribles existent. Mon seul espoir est que s'ils existent, ils seront vides à la fin des temps. Avec John Hick, philosophe anglais, je partage l'idée que l'enfer serait l'échec de Dieu puisque certains ne seraient pas sauvé. Quoiqu'il en soit nous pouvons passer des heures à en parler, sans pour autant trouver de solution. Acceptons la dureté des propos de l'évangile de ce jour non pas comme un événement historique mais plutôt comme une invitation faite à chacune et chacun d'avoir la simplicité de se remettre en question et de se demander : " mes actions et mes paroles sont-elles véritablement enracinées dans la foi qui m'habite ? ". A nous d'y répondre. Amen.