27e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

" Il ou elle d'ailleurs aura bien mérité son ciel ". Ce genre de phrase, il m'est déjà arrivé de l'entendre sur le parvis de notre église après la célébration de funérailles. Il est évidemment difficile de défier de telles affirmations surtout au moment où nous disons au-revoir à quelqu'un pour la dernière fois. Mériter son ciel comme si ce dernier ce méritait. Le ciel ne se mérite pas, il se donne à vivre éternellement. Nous pourrions passer toute notre vie à faire le bien, à répandre la bonne nouvelle, à prendre le temps pour les autres, à offrir le meilleur de nous mêmes à chaque instant. Malgré tout cela nous ne mériterons rien. Nous resterons à jamais aux yeux de Dieu des serviteurs quelconques, des êtres inutiles n'ayant fait que ce que nous avions à faire. Face à de telles affirmations de l'évangile, notre ego en prend un sacré coup. Notre image de marque est attaquée. Nous faire traiter de la sorte alors que nous pensons ½uvrer pour le royaume de Dieu. C'est dur à entendre mais tellement vrai. Tout simplement parce que dans le champ de la foi, Dieu attend de nous d'être avant tout des semeurs. Le reste il s'en occupe lui-même. Cela ne nous appartient pas. Nous nous semons et si Dieu est vraiment Dieu, il prendra la relais. Tout simplement parce que par l'amour et dans l'amour Dieu agit en nous.

Or l'amour n'est jamais une question de mérite, de calcul. Si nous nous mettons à comptabiliser nos sentiments, nous risquons de les perdre à jamais. Même s'il est vrai que c'est plus facile à dire qu'à réaliser. " Un je t'aime " prononcé qui ne reçoit en écho qu'un silence, peut parfois faire mal, très mal. Et pourtant c'est trois mots offerts ne devraient être que l'envol de notre lumière intérieure dans l'astre de l'autre. Ils deviennent ainsi étincelle dans notre ciel étoilé de tous ces " je t'aime " reçus. En ce sens, ils sont eux aussi inutiles, quelconques. Nous ne faisons que dire ce que nous ressentons. Il n'y a aucun mérite. Les sentiments naissent d'une émotion sur laquelle nous n'avons aucune prise, aucun contrôle. Ils surviennent en nous et nous submergent comme une lame de fond prenant tout sur son passage. S'il en va ainsi de l'amour, il en va de même pour Dieu qui est Amour. Dans l'amour, comme dans la foi, nous sommes conviés à faire confiance. Et pour avoir confiance en l'autre qu'il soit humain ou divin, je dois d'abord devenir monde pour moi pour l'amour d'un autre. Il y a donc tout ce travail sur soi, ce désir de se connaître pour mieux aller à la rencontre de l'autre, cette capacité, découverte d'avoir confiance d'abord en soi pour pouvoir mieux se laisser apprivoiser par l'autre. C'est ce chemin tout intérieur d'oser croire en ses propres ressources, se reconnaître apprécié et reconnu pour ce que je suis. Tout inutile que je sois d'ailleurs. En ne me niant pas pour toi, je deviens plus moi et je découvre ainsi la beauté. La mienne, la tienne. Je peux alors lâcher prise, m'abandonner, refuser de tout contrôler et t'offrir ainsi mes fragilités à toi Dieu ou être aimé. Je commence alors à voir la vie par tes yeux et ce, toujours dans l'amour ou la foi. C'est pourquoi, je ne me suffirai jamais à moi-même. La rivière de ma destinée se détourne de son propre cours pour se perdre au coeur de nos images où chaque pensée, chaque acte vaut un royaume. A ce moment précis, nous sommes enlevés de nous-mêmes. Nous découvrons un espace plus grand que nous : où l'amour infiniment dépasse l'amour, où la foi infiniment traverse la foi. Il nous suffit de vivre alors de cette confiance. Une confiance, comme dans l'extrait de notre évangile de ce jour. Un confiance qui permet à la vie de jaillir en nous et autour de nous dans l'amour. Car comme l'écrivait une amie, comme on ose la vie quand on vient au jour, on ose l'amour quand on vient à la vie. L'amour, la vie, la foi, trois dimensions essentielles de nos existences qui s'enracinent au plus profond de nos êtres. Elles trouvent leurs sources en nous. Et toutes les trois sont gratuites. Elles nous sont offertes. Nous n'avons aucun mérite. Puissions-nous chacune et chacun découvrir que c'est dans cette inutilité-là que réside notre bonheur. Oui, toutes et tous, nous sommes des serviteurs inutiles. Et c'est tant mieux. En confiance, réjouissons-nous d'avoir reçu la vie, l'amour et la foi. Amen.