29e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Dans ce passage d'Evangile, Jésus veut nous dire comment prier. En particulier, il nous invite à prier sans cesse et sans désespérer. Comme modèle à suivre, il nous présente une veuve qui demande justice. Elle s'adresse au juge - un type antipathique -. Malgré les silences de refus du juge, elle insiste et s'accroche. Finalement, le juge en a ras-le-bol et consent à exaucer la veuve. L'attitude de cette femme est faite de patience et de persévérance. Il doit en être de même entre nous et Dieu. Ce n'est pas parce que Dieu semble faire la sourde oreille qu' il faut tout arrêter.

Nous exprimons des demandes à Dieu. Cela constitue une part plus ou moins importante de la prière selon les personnes. Les demandes ne portent pas toujours sur des besoins matériels ou égoïstes. Elles sont souvent en faveur des autres. Il y a le "seigneur, fais que je réussisse mon examen" tout comme il y a le "Seigneur aide mon ami a trouver son chemin dans la vie". Bref, il y a une richesse et une variété dans nos prières. N'oublions pas un point essentiel : La prière où l'on demande n'est pas toute la prière. Il y a aussi la prière de remerciement ou encore le simple silence dans lequel je me remets en question. C'est donc une réalité plus large et plus mystérieuse qu'on ne pense. Les demande que nous adressons à Dieu ne sont pas toujours exaucées comme nous l'attendions. Dans la culture de l'immédiateté qui est la nôtre, nous voulons tout tout de suite, y compris avec Dieu. Certaines mauvaises langues diraient que c'est quand cela va mal qu'on se met à prier. Quand Dieu ne répond pas à nos besoins, nous nous posons des questions. Du genre : "Est-ce qu'il y a quelqu'un qui m'entend quand je prie ?". Parfois, on peut même perdre la certitude d'être écouté. Notre relation à Dieu est alors mise à l'épreuve de notre cri. "Réponds, si tu es là", "Fais quelque chose, bon sang". On passe par un moment de révolte, voire une phase de désespoir. A quoi bon, finalement croire et prier un Dieu qui ne fait rien pour moi. Si Dieu n'est d'aucune utilité, je peux m'en passer. Notre prière n'est pas toujours calme et joyeuse. Il arrive qu'on traverse des zones de silence. Dieu est alors le vide de nos prières, le grand absent. Nous vivons une attente qui exige patience et persévérance. C'est peut-être le temps de découvrir notre besoin essentiel, le désir profond de vivre pleinement l'amour qui vient d'en haut. En tout cas, cela nous conduit au combat. C'est le temps de la lutte, quand on a envie de secouer Dieu comme un prunier. "Montres que tu existes, descends et viens à mon secours". Bien souvent, ce combat avec Dieu mène à l'abandon. Vous l'avez deviné : c'est Dieu qui est le plus fort. L'abandon ne signifie pas le désespoir. L'abandon, c'est reconnaître que Dieu est plus grand que moi. C'est cesser de me fabriquer ma prière sur mesure et découvrir que la prière de Dieu coule au fond de moi. Le bavardage s'estompe alors pour laisser place au silence. A ce moment, on lâche prise et on remet à Dieu le gouvernail de son existence. Je rejoins alors Dieu dans l'abandon, je m'ouvre à son accueil silencieux.

Nous espérons qu'il nous exauce. Cependant, c'est peut-être lui qui veut être exaucé par nous ? Quel paradoxe ! Ce Dieu inutile ne serait pas totalement inactif mais aurait besoin de nous. Il nous prie, du fond de son mystère. Il nous prie de prendre soin de nos semblables et de faire jaillir l'éclat de la charité, cet amour qui est plus que de l'amour. Il nous appelle à faire triompher la vie dans les lieux de mort qui nous entourent. Il y a tant de gens qui cherchent un chemin de vie, un chemin de bonheur sans artifice.

A l'image de la veuve, nous devons nous armer de patience, de persévérance, de courage et de ténacité. Du coup, ce n'est plus de la petite bière que la vie de prière. Pour que la vie devienne prière et que la prière devienne vie, nous pouvons garder une vision simple de la prière tout en travaillant un peu sur nous-mêmes. Cela peut s'avérer inconfortable et fatigant. La fatigue, signe de notre humanité, pèse sur la prière. Même les meilleurs élans de générosité finissent par retomber. Il ne faut pas s'en faire car la Bible nous dit quelque part que "Dieu comble son bien-aimé quand il dort ". Un mystique tel que Tauler pense qu'on peut aussi prier sur son lit. Alors, pas de panique !

Il est parfois difficile de prier seul, c'est pourquoi notre prière a besoin de fraternité. Dans la première lecture, nous avons entendu le récit de Moïse priant sur la montagne, les bras levés au ciel. Il prie pour que la bataille se termine bien pour son peuple. Il prie et se fatigue. C'est alors que deux hommes de sa communauté viennent lui soutenir les bras. Donc, vous voyez, même les grands prophètes ont besoin d'un soutien dans la prière. Cela peut nous rassurer.

La prière avec les autres est importante, surtout quand on a de lourds fardeaux à porter. Prier pour autrui et avec autrui est une chance que nous avons. Ainsi, nous gardons espoir et courage comme Moïse et la veuve de l'Evangile. Nous savons qu'ils ont été entendus. Alors, bien que Dieu n'ait pas la même notion du temps que nous, osons croire que notre désir le plus sincère trouvera son accomplissement en Dieu. Amen.