27e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

A l'approche de la grande fête de la Pâque, Jésus, comme d'habitude, est monté à Jérusalem avec ses disciples mais, cette année-là, au lieu de rester un simple pèlerin qui suit les cérémonies, il se révèle comme un prophète virulent qui dénonce les dysfonctionnements du système religieux organisé autour du Temple.

D'emblée, par trois paraboles, il critique l'hypocrisie des grands dignitaires : après celle des deux fils, voici aujourd'hui celle des Vignerons homicides dont le thème est repris du prophète Isaïe.

LA PARABOLE DE LA VIGNE DE DIEU

( 1ère lecture)

 

Au 8ème siècle avant notre ère, le Proche-Orient avait connu une longue période de paix : les affaires prospéraient, des fortunes s'édifiaient...mais la fracture sociale s'élargissait entre le luxe de certains et la masse des pauvres. Au nom de Dieu, Isaïe se dressa pour dénoncer l'injustice. Non que l'on n'ait pas le droit de réussir en affaires. Non que tout le monde doive gagner la même chose. Non qu'il faille encourager la paresse et décourager l'esprit d'entreprise. Mais le peuple qui a conclu une alliance avec Dieu doit impérativement appliquer sa Loi basée sur l'amour de Dieu et l'amour du prochain - ce qui entraîne le soutien avec les plus démunis...et sans se satisfaire des splendeurs du culte !!....

Isaïe compare Israël à une vigne dont Dieu, le propriétaire, attend de bons fruits : or elle ne donne que de mauvais raisins :

Dieu en attendait le droit et c'est l'iniquité ;

il en attendait la justice et ce sont des cris de détresse

LA PARABOLE DES VIGNERONS

Jésus reprend l'idée d'Isaïe mais il la développe en une longue allégorie de l'histoire.

Un homme était propriétaire d'un domaine ; il y planta une vigne, l'entoura d'une clôture et y bâtit une tour de garde..

Puis il la donna en fermage à des vignerons et partit en voyage.

Quand arriva le moment de la vendange, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de la vigne. Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l'un, tuèrent l'autre, lapidèrent le 3ème. De nouveau, le propriétaire envoya d'autres serviteurs, plus nombreux que les premiers, mais ils furent traités de la même façon

Si Dieu a libéré les Hébreux de l'esclavage en Egypte et les a installés sur une terre, c'est bien pour qu'ils vivent selon sa Loi d'amour, de solidarité, de partage. Ces fruits constituent une exigence de la grâce reçue et les dirigeants - rois, conseils d'Anciens, prêtres, théologiens- sont responsables de la mise en application des commandements en vue d'une vie de fidélité et d'obéissance. Or ils manquent à leur mission.

C'est pourquoi périodiquement Dieu envoie des prophètes pour rappeler ses préceptes et les engagements pris, dénoncer les dérives, redresser la vie sociale. Hélas, sans cesse la Bible rapporte que ces hommes se heurtent à une résistance opiniâtre et se voient repoussés et combattus.

Finalement il leur envoya son fils en se disant : " Ils respecteront mon fils". Mais voyant le fils, les vignerons se dirent : " Voici l'héritier : allons-y, tuons-le, nous aurons l'héritage".

Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent !

En dernier lieu, Jésus vient dans la lignée des prophètes, il assume et prolonge leur mission mais il est un personnage exceptionnel : LE FILS - donc quelqu'un = dont on peut être sûr qu'il transmet exactement la Volonté de son Père. Mais lui aussi sera rejeté. Jésus sait ce qui l'attend : à plusieurs reprises, sur le chemin de Jérusalem, il l'a dit aux apôtres.

En interactivité, Jésus prie ses interlocuteurs de donner leur avis :

Eh bien ! quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ?". Ils lui répondent : " Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il donnera la vigne en fermage à d'autres vignerons qui en remettront le produit en temps voulu.

Lorsque Matthieu rédige son évangile dans les années 80, on est encore sous le choc de la récente tragédie : Israël s'est soulevé contre l'occupant romain mais, après une guerre atroce, en 70, Rome a pris Jérusalem, l'a détruite ainsi que son temple tout neuf. Les chrétiens voient dans cet événement le châtiment du meurtre de Jésus. Ce n'est pas Dieu qui a châtié la ville mais puisqu'elle n'a pas voulu accepter de se convertir au programme des Béatitudes, puisque l'on a opté pour Barabbas (partisan de la violence) contre Jésus le non-violent, n'était-il pas fatal que la catastrophe survienne ? Jésus l'avait prévue et il en a pleuré.

Jésus leur dit : N'avez-vous jamais lu dans les Ecritures :.

"La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C'est là l'½uvre du Seigneur, un merveille sous nos yeux"(Psaume 118)

Aussi je vous le dis : Le Royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit

Aussi le Royaume de Dieu - l'humanité qui se décide, par grâce, à vivre selon les volontés de Dieu - n'est plus sous le ressort du système religieux d'Israël qui a trahi sa mission. Non qu'Israël soit rejeté et condamné (Jésus, ses apôtres, S.Paul et combien d'autres sont juifs). Le nouveau peuple n'a pas de frontières, il ne se confond pas avec une nationalité, une ethnie. Il est le Nouveau Temple, fait d'hommes et de femmes, et la pierre angulaire en est le Fils qui fut méconnu et rejeté par les premiers vignerons mais qui est désormais Jésus ressuscité.

Dans cette nouvelle Demeure de Dieu, la Vigne qui s'étend par tout l'univers portera des fruits que Dieu attend...à moins que nous ne répétions les errements de jadis ! Car hélas, la parabole peut se réaliser à nouveau...si nous refusons de nous laisser convertir et si nous restons sourds aux appels des prophètes d'aujourd'hui et de l'Evangile.

On peut prolonger la lecture du jour par la finale omise par le lectionnaire :

En entendant ces paraboles, les grands prêtres et les pharisiens comprirent que c'était d'eux qu'il parlait. Ils cherchaient à l'arrêter mais ils eurent peur des foules car elles le tenaient pour un prophète.

Les gens n'ignorent pas que certains de leurs dirigeants abusent de leur situation, se sont attribués des privilèges indus, sont compromis par les jeux politiques, tirent un profit juteux du commerce du temple tout en restant indifférents à la misère du petit peuple. Aussi ils reconnaissent que Jésus est un envoyé de Dieu, ils applaudissent ce prophète qui, enfin, ose dire la vérité en face. Les responsables religieux enragent...et ils vont effectivement réaliser la parabole ! On se condamne quand on refuse de se laisser remettre en question.