28e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Son cynisme était connu de tous. Il faut dire qu'il avait toujours eu un esprit très vif. Certains en arrivaient même à avoir un peu peur de lui car souvent, voire trop souvent, ses paroles étaient comme des flèches acérées. Il pouvait faire mal, très mal et ne s'en rendait pas compte. Il était même étonné lorsque quelques uns se risquaient à le lui faire savoir. Quant à lui, rien ne semblait le toucher. On pouvait tout lui dire. Et lorsque des paroles étaient dures, elles semblaient glisser sur une carapace invincible. Puis un jour, tout a basculé. Il a rencontré sa douce et heureuse moitié. En quelques mois, celle-ci l'a littéralement transformé. Il en était presque méconnaissable tellement il était devenu attentif, aux petits soins. Le ton sec avait quitté ses propos pour faire place à la douceur des mots. Les changements furent profonds et si vous le croisez aujourd'hui, vous vous émerveillerez de la manière dont il se comporte avec ses propres enfants. Un papa attentionné, calme et doux.

Si une femme a pu opérer un tel miracle sur un homme. Je me dis que dans l'Esprit, Dieu doit pouvoir faire de même avec tous les êtres humains. Permettez-moi d'insister, à l'instar des lectures de ce jour, sur le « tous » : « le Seigneur Dieu de l'univers prépara pour tous les peuples », « il enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples et le linceul qui couvrait toutes les nations », « Le Seigneur essuiera les larmes sur tous les visages ». C'est frappant de voir à quel point le salut est proposé à tout être humain, quel qu'il soit, quelle que soit sa condition sociale, intellectuelle, émotionnelle. Les mauvais comme les bons sont invités au repas de noces, à la fête éternelle. Un peu comme si Dieu se refusait de perdre son temps à faire des listes, à se demander qui il invitera à la réception, au dîner ou à la soirée. En lui, il n'y a pas de différence, tout être humain de par le simple fait de sa condition est invité à prendre part au repas de noces. Toutes et tous sans exception, nous y sommes invités.

L'éternité n'est pas un lieu de présence divine où quelques êtres exceptionnels, des saints connus et inconnus, auront le plaisir de passer tout leur temps avec Dieu. Il semble donc qu'au Ciel, il n'y aura pas une « business class » pour celles et ceux qui auraient accompli au mieux leurs vies terrestres. Selon la parabole de l'évangile, il n'y a qu'une seule et unique grande salle où toutes et tous nous avons notre place mais seulement si nous acceptons de répondre à cette invitation unique qui nous est faite. Dieu nous prend tels que nous sommes. Dieu nous aime tels que nous sommes. Il n'a pas besoin de sacrifices et d'oblations. Il attend le don de nous-mêmes au projet qu'il s'est fixé pour son humanité : le salut de tout être humain. Rien de moins que cela. Dieu a de l'ambition pour nous. Il souhaite que nous nous réjouissions, que nous exultions, que nous nous réalisions pleinement dès maintenant. En lui, nous espérons et lui, il nous sauve. Telle est la promesse de l'Incarnation déjà annoncée en Isaïe. Dans le Christ Jésus, nous sommes toutes et tous sauvés. Le salut de Dieu est un salut d'accomplissement de l'être en Lui. Nous sommes déjà sur ce chemin. Il ne s'agit pas quelque chose qui se vit à l'instant de notre mort, passage de la vie terrestre à la vie éternelle. Non, c'est aujourd'hui que se vit le salut de Dieu : dans la manière dont nous nous comportons les uns avec les autres, dans la façon dont nous nous laissons transformer dans nos relations d'amour et d'amitié, dans le temps que nous prenons pour vivre une relation personnelle avec le Père et le Fils dans l'Esprit.

Une rencontre divine ne s'improvise pas. Elle se prépare dans le silence de notre être, dans l'amplitude de notre c½ur. L'Esprit de Dieu ½uvre en chacune et chacun de nous. Il ne fait pas de différence. Toutefois, Dieu respecte à ce point notre humanité, qu'il ne s'autoriserait pas à s'imposer à nous en allant contre notre liberté intérieure. C'est sans doute la raison pour laquelle, le Fils parle d'un repas de noces auquel nous sommes conviés. Dieu ne s'impose pas, il s'invite en nous invitant à le rejoindre là où il se révèle à toutes et tous de manière permanente. Ayons alors l'audace et l'humilité de nous laisser transformés par le Christ dans l'Esprit pour que nous participions pleinement à notre salut. Ainsi, nous pourrons chanter avec Isaïe : « exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! ». Amen.