27e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

TERRIBLES EXIGENCES !

Jésus a accepté le titre de Messie confessé par ses apôtres : oui, il  vient en effet ouvrir le royaume de Dieu sur terre. Mais rejetant toute perspective de violence, il montre peu à peu par quelles exigences (par quelles morts !) ce salut messianique va se réaliser. D'emblée il a prédit que lui-même serait contredit et supprimé par les autorités de la capitale et il a prévenu ses disciples que le suivre, c'était se renoncer et donner sa vie pour la trouver (Marc 8, 31-38). Cette annonce commande toute la suite.
A la 1ère étape de sa montée vers Jérusalem (symbole de la dureté de la marche chrétienne), il a obligé ses disciples à renoncer à leurs rêves de grandeur et à leurs rivalités mesquines (dimanche passé).
Aujourd'hui (2ème étape) il énonce une exigence aussi radicale à l'endroit des gens mariés.

Des pharisiens abordent Jésus et, pour le mettre dans l'embarras, ils lui demandent : «  Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? ». Jésus dit : « Que vous a prescrit Moïse ? ». Ils répondent :    «  Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d'établir un acte de répudiation ». Jésus réplique : «  C'est en raison de votre endurcissement qu'il a formulé cette loi. Mais au commencement du monde, quand Dieu créa l'humanité, il les fit homme et femme. A cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu'un. Ainsi ils ne sont plus deux mais ils ne font qu'un. Donc ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas ».
Le livre du Deutéronome (attribué à Moïse) disait qu'un mari « qui trouvait en sa femme quelque chose qui lui fait honte et qui cesse de la regarder avec faveur » devait « rédiger un acte de répudiation et le lui remettre en la renvoyant de chez lui » (Deut. 24, 1). Le divorce était donc une pratique autorisée mais il n'était le fait que du mari (société patriarcale). Toutefois les rabbins débattaient sur le sens de « honteux » : l'école de Shammaï enseignait qu'il fallait une raison très grave pour répudier tandis que l'école de Hillel estimait que tout motif était bon (mauvaise cuisinière, rencontre d'une femme plus jolie,... !!??).
On questionne donc Jésus mais « pour le piéger » : qu'il donne une réponse laxiste ou rigoriste, de toute façon, il aura des gens contre lui. Il refuse d'entrer dans cette casuistique.  Le divorce n'est pas une loi mais une concession due à l' « endurcissement du c½ur humain », expression qui ne vise pas l'affectivité mais l'aveuglement de l'esprit, le refus de comprendre et d'accepter le dessein de Dieu.
Et Jésus remonte « au commencement », au fondement du mariage : dans le récit de la création, Dieu est présenté comme l'auteur d'une humanité à deux sexes. Donc lorsque Adam et Eve (figures prototypiques de tout couple) s'aiment et s'unissent, les deux deviennent un et c'est Dieu lui-même qui a créé la sexualité bonne et qui scelle leur alliance. L'amour des c½urs et des corps est une « alliance » qui réalise l' « image de Dieu », qui devient l'épiphanie, la réalisation visible de l' « alliance » entre Dieu et l'humanité.
Il n'y a qu'un Dieu : ce n'est pas une Force, une Transcendance, une Loi mais Quelqu'un qui est capable d'amour, qui n'est qu'amour. Et il n'y a qu'une humanité dont tout membre est revêtu d'une égale dignité. Déclarer que le mariage n'est pas polygamique, c'est défendre la femme dans sa dignité d'être humain égal à l'homme et c'est confesser l'unité de Dieu. Déclarer que le mariage est indissoluble n'est pas une loi disciplinaire, une contrainte imposée par une autorité cléricale mais une façon de dire que Dieu veut, lui aussi, s'unir à l'humanité non comme un créateur, un maître, un seigneur, mais en l'aimant jusqu'à ne plus jamais vouloir se séparer d'elle. Dieu s'allie, épouse et ne divorce jamais. Il ne dira jamais ce que l'être humain peut lui dire : «  Je ne t'aime plus, tu n'existes plus pour moi ». Le mariage fidèle est signe du monothéisme aimant.

Tout de suite évidemment cette exigence paraît trop énorme, invivable, inobservable, ne tenant pas compte des aléas de l'existence, des variations du c½ur, des difficultés caractérielles. Les apôtres eux-mêmes réagissent - en quoi sans doute ils anticipent les réticences et les objections des premières communautés de Rome (où Marc écrit et où le divorce par la femme était possible)
De retour à la maison, les disciples l'interrogent sur cette question ; il leur répond : «  Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d'adultère envers elle. Si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre, elle est coupable d'adultère ».
Ainsi Jésus ose contredire la Loi pour édicter un enseignement qui ne cessera jamais de susciter stupéfaction, dénégation, refus catégorique. Les débats sur le sujet cesseront-ils jamais ? On sait que les évêques sont submergés de demandes, que des théologiens creusent le texte et la tradition des Eglises. Une interprétation nouvelle se fera-t-elle jour ?  L'Eglise catholique continuera-t-elle à opposer un refus à toute demande de « remariage » ? Le dialogue ½cuménique permettra-t-il des ouvertures ?... Grand sujet de prière en tout cas pour nous aujourd'hui. Il y a tant de souffrances.

ETRE COMME UN ENFANT QUI ACCUEILLE

On présentait à Jésus des enfants pour les faire toucher mais les disciples les écartaient vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : «  Laissez les enfants venir à moi. Ne les empêchez pas car le Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n'accueille pas le Royaume de Dieu à la manière d'un enfant n'y entrera pas ».
Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.
Jésus a près du peuple renom de grande personnalité spirituelle : aussi les mères se pressent-elles à sa rencontre, lui demandant de toucher leurs petits afin de leur obtenir la bénédiction de Dieu. Mais en ce temps, on n'a pas le culte de « l'enfant-roi » et les apôtres, énervés, s'interposent : « Rentrez avec votre marmaille ! Nous, les hommes,  sommes occupés à une affaire essentielle ! ». Alors qu'ils croient empêcher Jésus de perdre son temps à des futilités, au contraire celui-ci se fâche - ce qui est très rare, donc preuve de l'importance du sujet - car précisément c'est ressembler à un enfant qui est essentiel. 
Attention, il ne s'agit pas d'infantilisme, de babillage, d'airs niais, de goût des contes de fées, de fausse innocence. L'enfant, à cause de sa faiblesse, est obligé de faire confiance : il écoute, il suit ses parents, il se fie à eux parce qu'il est lui-même en tension vers l'avenir. Ainsi le vrai disciple ne décrète pas qu'il sait : il fait confiance à Jésus qui tient des propos jugés exorbitants par « les grandes personnes », qui a des comportements qui scandalisent les « adultes ».
Car le Royaume n'est pas une réalité que l'on construit avec héroïsme, un chemin dont on trace l'itinéraire avec bonne volonté, une morale bien-pensante, un vernis religieux pour consoler des ennuis de l'existence.
Nous ressemblons à ces braves apôtres : pleins d'idées et d'initiatives, nous nous imaginons en train de bien faire, sûrs de nos mérites. Mais nos discours, sont-ils ceux que Jésus tenait ? Nos attitudes correspondent-elles à l'Evangile ? Ne sélectionnons-nous pas les enseignements qui nous agréent, prétextant que « Dieu n'en demande pas tant » ?
Par son élan vers les enfants, Jésus apprend aux disciples que le Royaume s'accueille, qu'ils n'ont pas, et n'auront jamais, les connaissances et les forces suffisantes pour le faire advenir.
Aussi le disciple peut être plein de joie : il ne désespère plus de n'être jamais à la hauteur, il ne s'étonne plus de ses chutes et de ses craintes, il rit de ses balourdises, il abandonne sa « dureté de c½ur », il reste ouvert à la nouveauté, il court vers l'avenir de Dieu sans demander de garanties.
Comme les mamans priaient Jésus de « toucher » leurs petits, le disciple demande à l'Eglise de lui permettre un contact avec Jésus afin de recevoir sa bénédiction et ainsi être rendu capable d'accueillir ses paroles et de le suivre sur des chemins réputés inaccessibles.
De sorte que la confiance de l'enfant le fait, paradoxalement, devenir adulte dans la foi.