27e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012


Lorsque j'étais adolescent, au cours de religion, le professeur nous invitait à débattre sur des questions éthiques telles que la peine de mort, l'avortement, la pauvreté, la sexualité, la fécondation in vitro etc.  Au terme de chaque débat, il nous demandait de nous classifier en deux groupes : ceux qui étaient « pour » et ceux qui étaient « contre ».  Nous vivions des débats passionnés où les nuances n'étaient pas de mise.  En quête d'authenticité, nous entrevoyions la vie comme étant partagée entre ceux « en faveur » et ceux « en défaveur ».  Il n'y avait pas de voie moyenne possible.  Il est vrai que le fait de conclure toujours les débats de cette manière nous conduisait immanquablement à une mauvaise vision de la vie.  Nous étions un peu comme les pharisiens de l'évangile de ce jour.
En se limitant à la dynamique du « pour » et du « contre », nous en arrivions à soutenir une morale du permis et du défendu.  « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? », cette question des pharisiens conduit à une impasse si nous choisissons de ne pas élever le débat et de la replacer là où il doit être.  C'est ce que le Christ fait d'ailleurs en refusant d'y répondre abruptement si ce n'est par une question fondamentale.  Vu les progrès des sciences, nous sommes aujourd'hui confrontés tous les jours à des questions d'éthique.  Ces dernières sont devenues de plus en plus complexes et l'absence de nuances conduit bien souvent à des débats passionnés et tellement peu passionnant car nous manquons de rigueur dans notre argumentation.  Certains programmes de télévision nous enferment souvent dans ce type d'analyse quelque peu caricaturale.  Le Christ nous indique la voie à suivre.  Par ce dialogue avec les pharisiens, il nous rappelle que tout débat éthique doit contenir trois dimensions à articuler toujours ensemble : l'universelle, la particulière et la singulière.  La dimension universelle est fondamentale car elle nous invite à réfléchir au projet de Dieu sur notre humanité : « au commencement de la création, il les fit homme et femme ».  Revenons donc toujours à la compréhension que nous pouvons avoir de la finalité du projet divin.  Cherchons à découvrir ce que signifie le Royaume de Dieu et voyons comment y participer chacune et chacun là où nous sommes.  Il est vrai que nous pourrions tomber dans un faux prophétisme en nous limitant à cette conception d'un idéal utopique de notre humanité.  Ce n'est pas par des simples déclarations aussi belles puissent-elles être que nous pouvons changer le monde et ses mentalités.  Aujourd'hui encore, nous devons reconnaître que nous ne sommes pas à même de vivre en permanence à la hauteur des exigences évangéliques nécessaires à la construction du Royaume de Dieu.  C'est pourquoi, à cette dimension universelle, il faut y adjoindre une dimension particulière.  Cette fois nous ne recherchons plus l'idéal, nous ne nous enfermons plus dans le rêve de notre perception de ce royaume mais nous essayons de voir ce qui est effectivement possible dans notre société d'aujourd'hui et nous nous donnons des lois qui veilleront à apporter le plus de paix, d'amour et d'épanouissement.  « C'est en raison de votre endurcissement que Moïse a formulé cette loi », souligne Jésus. Ces lois ne tombent donc pas du ciel même si elles le concernent.  Elles sont élaborées au fil des siècles par des êtres humains et elles sont là pour nous aider à éclairer notre conscience.  Toutes les lois tant civiles que religieuses cherchent à donner chair au précepte premier  de l'amour.  Et c'est parce que l'amour brille encore trop souvent par son absence que des lois sont nécessaires pour régir les rapports entre les humains.  En effet, lorsque l'amour est présent, nous n'avons plus besoin de lois.  Toutefois, n'énoncer que les lois risque de nous enfermer dans un légalisme desséchant car une loi ne peut pas toujours prendre toutes les situations en considération et de plus, nous assistons parfois à des conflits de normes qui ne peuvent être toutes exercées en même temps.  C'est pourquoi, il nous faut une troisième et dernière dimension : la singulière.  « Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu'un », nous dit le Christ.  Cette dernière dimension tient compte de l'unicité de chaque situation et de chaque personne.  Nous cherchons cette fois à voir ce qui est effectivement possible dans ce cas précis. Nous accompagnons les personnes sur leur chemin de vie sans pour autant chercher à acquiescer à leurs conclusions.  Nous veillons à ce que leur conscience ait été éclairée par les deux autres dimensions afin que leur décision soit la plus vraie et la plus libre possible.  Nous ne sommes plus, comme les pharisiens, dans la dynamique du « permis » et du « défendu ».  Nous sommes entrés dans la force de l'évangile qui cherche toujours la solution qui apportera le plus d'amour.

Amen