« Rien n'est impossible à Dieu » dit Jésus. Parole à méditer ! Nous aimerions aussi que tout nous soit possible, à nous ! Et pourquoi pas, si nous faisons alliance avec ce Dieu Tout Puissant !
Jésus parle du centuple, non pas seulement « un de perdu, dix de retrouvé » mais « un de donné, cent de retrouvés » ! En cette période de crise, voilà un investissement qui semble intéressant. Qu'en pensez-vous ? Si l'on essayait ? Je donne un, et je reçois cent, je donne cent et je reçois combien ? Cent fois cent, c'est-à-dire 10 000, et quand je donne dix mille, je reçois cent fois dix mille, c'est-à-dire un million. Je sens que vous commencez à être intéressés ! Ce qui est mis en commun n'est pas ajouté mais multiplié, c'est vrai. Et ce qui est donné aux pauvres est tout de suite consommé, c'est-à-dire réinvesti dans l'économie qui s'en trouve stimulée. Cette affaire n'est pas pour rire, Jésus a les pieds sur terre, même s'il a la tête dans le ciel !
Ces perspectives encourageantes se trouvent pourtant comme bloquées dans ce récit. Cela finit mal : « le jeune homme s'en alla tout triste, car il avait de grands biens ». Mais permettez moi une question : est-ce que cela vous rendrait tristes, vous, d'avoir de grands biens ? Vous souriez mais seriez-vous capables de donner aux pauvres le peu que vous avez ?
Ces questions montrent le pas qu'il faut savoir poser, le saut qu'il faut effectuer, le geste radical de conversion qui nous est demandé. Changer de vie mais aussi changer de mentalité, découvrir une autre façon de compter, une autre façon d'être heureux, une autre respiration, de nouveaux horizons, une autre amitié, tout ce que le jeune homme riche a pressenti mais n'a pas choisi.
Pourtant ce jeune homme est quasiment parfait : il observe tous les commandements, et il a l'intention de faire mieux encore, pour accéder à la vie avec un grand « V », la vraie vie, celle-là même de Dieu !
Jésus semble surpris de rencontrer un tel type d'homme, tellement normal et réussi que c'en est exceptionnel. « Jésus se mit à l'aimer ». Cette remarque est belle, magnifiquement humaine. Jésus éprouve de l'affection. Il admire et il aime : le jeune homme est charmant, il a quelque chose d' « attachant ». Mais l'affection psychologique est souvent déçue, Jésus aimerait bien qu'il fasse partie de ses disciples et nouer avec lui une véritable amitié. Cela le reposerait peut être des malades et des pécheurs... cela le reposerait peut être de ces apôtres qui ne comprennent jamais rien et qu'il a peut être choisis, faute de mieux... mais le jeune homme est riche, il est peut être « attachant », mais il est lui-même « attaché », il n'écoute pas... Et Jésus le laisse aller, il reste discret, sans dire un mot de plus, sans chercher à séduire par quelques promesses pourtant vraies, sans chercher à culpabiliser par quelque reproche que ce soit.
Ce jeune homme n'a pas de nom, c'est peut-être nous, que Jésus aime spontanément, et qu'il laisse à notre liberté. Sa volonté, c'est que nous ayons une volonté, l'Eglise n'est pas une secte et Jésus n'est pas un recruteur. Son choix, c'est que nous puissions faire des choix, même celui d'un égoïsme étroit. Mieux vaut un homme libre qu'un disciple conditionné.
Je n'insiste pas sur la séduction de la richesse, nous la comprenons très bien. Le choix ne peut être que radical. Ce qui n'est pas donné est perdu et il n'y a pas moyen de donner un peu seulement, celui qui n'a pas tout donné, n'a rien donné. Il s'agit d'un absolu. Dieu est à ce prix. C'est parfois crucifiant, un choix « crucial » comme on dit. Il y a un carrefour déterminant et tous les carrefours ont une forme de croix ! Il faut accepter de mourir pour vivre ressuscité... et l'on ne peut pas mourir un peu seulement pour vivre pleinement.
Faut-il pour autant désespérer ? Les disciples se posent franchement la question. Mais Jésus ouvre une voie, il relance l'espérance : « rien n'est impossible à Dieu ». Une brèche s'ouvre sur le ciel. Un rayon de soleil perce notre ciel plombé. Ce qui est impossible à l'homme, Dieu peut s'en charger. Mystère de l'alliance, mystère du désir de Dieu qui n'abandonne pas même si nous l'avons abandonné. Dieu ne renonce jamais.
Mais que signifie « rien n'est impossible à Dieu » si chacun n'y met pas du sien ? Si je ne donne pas même un petit pain à multiplier par cent, qui le donnera pour moi afin qu'il y en ait assez ? Si je n'aide pas les autres, qui le fera pour moi afin que le monde ne s'enferme pas dans un véritable enfer du chacun pour soi ? Si je ne me mets pas au service des pauvres, qui le fera ? Qui se fera le serviteur de tous ?
« Rien n'est impossible à Dieu » ne veut pas dire qu'il soit un magicien capable de nous transformer comme le ferait une fée d'un coup de baguette magique. Dieu ne nous manipule pas mais, par nos refus, il devient lui-même pauvre, humilié, victime, exclu ... solidaire des humiliés, des pauvres, des exclus du monde entier. Un Dieu crucifié... dont l'amour ne renonce jamais, dont la fidélité est indéfectible, un Dieu qui nous aime à en mourir et qui finit par l'emporter comme le disait Maxime le Confesseur : « L'homme ne cède que sous le poids de l'extrême humiliation de Dieu ».
A la fin, le jeune homme riche, après bien des mésaventures, des errances et des changements de cap, finit par craquer. Marc, l'évangéliste, est le seul à nous conter cette histoire amusante finalement, le seul à nous dire que lorsque Jésus est arrêté, un jeune homme suit de loin, vêtu d'un simple drap. On le saisit, mais il lâche le drap et il s'enfuit tout nu. La tradition chrétienne en a déduit qu'il s'agissait du même jeune homme, il a un nom : Marc, l'évangéliste. « Rien n'est impossible à Dieu » !