28e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

"Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle?"
D'emblée, la question est mal posée mais elle est très représentative de la mentalité de ce genre de personnes. La vie éternelle ( on pourrait traduire "la vie en Dieu") n'est pas quelque chose qui se capitalise et qui se transmet par héritage comme des titres bancaires ! Ensuite, la vie en Dieu ne se gagne pas, ni au Lotto, ni par une course aux mérites, ni par le respect scrupuleux d'une liste de prescriptions. Enfin, il ne sert à rien d'entamer la négociation à ce propos par de la flatterie.
Dans sa réponse, Jésus annihile d'abord l'effet de la flatterie. Ensuite, Jésus renvoie son auditeur à quelque chose qu'il "possède" déjà, la Loi. De cette Loi, Jésus ne rappelle à son auditeur que les préceptes de morale sociale horizontale (et non les devoirs envers Dieu !). Peut-être se dit-il que son auditeur (dont on va apprendre qu'il avait de grands biens) ne devait pas être très sensible à la dimension verticale (et, en effet, c'est souvent le cas quand on a trop à s'occuper de choses matérielles). Mais Jésus change tout d'un coup de regard. Il abandonne son regard de docteur de la Loi (dans lequel son interlocuteur l'avait installé) et il reprend le regard du coeur. Celui-là lui dit: aucun humain n'est jamais perdu; à Dieu tout est possible.
Jésus lui propose alors un traitement de cheval: "Va, vends tout ce que tu possèdes...". Pour le sauver, il fallait lui réapprendre le détachement par rapport aux choses, par rapport au fait de "posséder", par rapport à l'instinct d'accumulation sans fin et sans limite (puisqu'il voulait aussi "avoir" la vie éternelle). La pointe du message ne porte pas sur le fait de "donner aux pauvres": on ne voit pas en quoi ce serait une solution structurelle au problème de la pauvreté (au contraire !). De toute façon, ce n'est pas l'objet de cet enseignement mais bien la nécessité du détachement comme attitude personnelle. Et, en effet, le détachement est difficile quand on est attaché à de grands biens (ne sont-ce pas eux qui, finalement, nous attachent...?).
De grands biens ? De grands maux, puisqu'ils font de nous des esclaves ! Voilà comment le matérialisme ambiant arrive à infléchir le sens des mots et à faire croire, comme par évidence linguistique, que des choses matérielles acquises (ktèmata en grec) sont des biens avec, donc, une connotation morale positive. Là où ce mot du Français peut être utilisé adéquatement, c'est à propos de la Sagesse. Et celle-là, précisément, ne s'acquiert pas comme une chose (pierre précieuse, or ou argent). Elle ne se possède pas quelque part dans un coffre. Elle ne se monnaie pas pour acheter autre chose. "J'ai prié et elle m'a été donnée; j'ai supplié et son esprit est venu sur moi": elle est affaire de prière, de supplication, de préférence, d'amour, ... et de don. Et sous sa conduite, quand c'est elle qu'on a préféré plus que toute chose, alors, même les choses de la terre peuvent devenir des "biens" (des agatha comme dit le grec, et non plus des ktèmata).
Seigneur, tu nous as permis d'avoir part aux biens les plus précieux, ceux que tu nous donnes. Change notre regard sur les biens de ce monde afin d'être libéré de tout esclavage et de pouvoir te suivre dans l'allégresse.