Des lépreux, il y en a peu dans les rues de Bruxelles, heureusement... mais des gens qui se sentent mal dans leur peau, il y en a partout. La question qui me préoccupe est non seulement celle de la guérison des lépreux du récit mais surtout celle de la source, de l'origine, de la cause de cette guérison, qui pourrait nous aider nous aussi. Qu'est-ce qui peut nous réconcilier avec nous-même, nous remettre dans notre assiette, nous guérir vraiment ? Qu'est-ce qui peut nous soulager de tout ce qui nous gratte, nous défigure, nous met à l'écart, nous fait percevoir comme repoussants ?
La guérison est probablement de retrouver la source même de la vie et de la santé. Etre relié à l'essentiel et donc à tout ce qui nous entoure, vivre en lien, vivre une authentique religion, parce que dans le mot religion il y a le mot relier. Etre guéri, ici, c'est être relié à ce qui est le plus important.
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Cet éclairage peut nous aider à répondre aux nombreuses questions qui émaillent ce récit, passons-les en revue :
- Première question:
10 lépreux demandent à être guéris. Ils ne sont pas encore guéris mais Jésus les envoie déjà rencontrer les prêtres. Pourquoi les prêtres ? Parce que c'est eux qui sont chargés d'authentifier les guérisons. C'est eux qui procèdent à la réintégration sociale des anciens lépreux. Le problème est, qu'à ce stade, ils ne sont pas encore guéris. Jésus leur demande d'anticiper. Souvent, dans l'Evangile, il faut être prophète, comprendre ce qui va venir, voir ce qui ne se voit pas encore et s'y préparer. En quelque sorte, Jésus dit aux lépreux : « faites comme si ! ». Faites comme si vous étiez purifiés et allez le faire reconnaître par les autorités.
Pour actualiser ce propos, je dirais aujourd'hui ne regardez plus vos petits boutons, votre surcharge pondérale, vos problèmes d'identité. Soyez confiants, mettez-vous en marche et vous verrez déjà le début de la solution de vos soucis. « Aide-toi et le ciel t'aidera ! » « Prends ton grabat et marche ! » « Ta foi t'a sauvé !»
- Ceci nous introduit à la deuxième question
Les dix lépreux entrent dans cette dynamique. C'est déjà en soi un miracle, le miracle de la foi. Ils croient Jésus sur Parole. Ils appliquent à la lettre ses recommandations. Ils acceptent ce défi. Ils se mettent en route pour aller voir les prêtres à Jérusalem et voilà qu'en chemin, ils sont purifiés. Le « faites 'comme si' » a fonctionné.
Alors que faire maintenant? Aller voir les prêtres pour faire constater la guérison officiellement? C'est logique et obéissant, c'est donc ce que font les 9 lépreux guéris, ceux qui sont juifs... Mais le samaritain qui est parmi eux n'a pas cette référence religieuse. Les cultes de Jérusalem lui sont étrangers. Il hésite. Tant qu'il était lépreux, il faisait partie du groupe, il suivait le groupe, il partageait la même exclusion. Comme paria, il n'était ni juif ni samaritain. Une fois guéri, son identité ressurgit. La lèpre ne cache plus sa peau de samaritain. Il fait demi tour pour remercier Jésus.
Ce faisant, par delà les religions établies, il identifie Jésus comme son prêtre à lui. Il se trouve au-delà des querelles de religion entre juifs et samaritains. Il adopte la même logique de Jésus quand il dit à la Samaritaine : ce n'est plus ni à Jérusalem ni sur le mont Garizim mais en esprit et en vérité qu'il faut adorer. Et Jésus lui dit : « ta foi t'a sauvé ! ». Il n'en fait ni un juif ni un chrétien. Etre disciple de Jésus va au-delà des rites religieux, il s'agit avant tout de vivre la foi.
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Dans les multiples querelles qui divisent nos communautés, écoutons et méditons ce récit. Trouvons des voies nouvelles, anticipons les guérisons. Allons au fond des choses et nous serons guéris, en paix. C'est là que nous trouverons notre plus authentique identité.
28e dimanche ordinaire, année C
- Auteur: Van Aerde Michel
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : C
- Année: 2012-2013