Quand j'étais étudiant aux Facultés à Namur, aux alentours de la saint Nicolas, le père jésuite recteur envoyait toujours une note à lire dans les auditoires pour rappeler aux étudiants que la mendicité était interdite par la loi dans les rues et les lieux publics. Il nous faisait également savoir qu'il avait prévenu les autorités de police pour qu'elles fassent respecter cette loi car il ne voulait pas que nous donnions une mauvaise réputation à l'institution dont il avait la charge. La loi ayant changée, je ne sait pas ce que l'actuel recteur fait aujourd'hui. Face à la mendicité de la rue, nous pouvons avoir différentes réactions. Toutefois, souvent, dans un pays comme le nôtre où diverses allocations peuvent être obtenues, nous pouvons avoir une attitude d'énervement face à celles et ceux qui quémandent quelques pièces dans nos rues. Les mendiants peuvent nous irriter.
Heureusement pour nous que Dieu n'agit pas de la même manière à notre égard. En effet, ne nous arrive-t-il pas trop souvent de mendier, de lui demander sans cesse d'obtenir ce que nous désirons recevoir ou posséder. Un peu comme si nous étions devenus des mendiants de Dieu. Notre prière se réduirait à cette dimension, tout en oubliant lorsque nous avons obtenu ce que nous avions demandé, de prendre le temps de remercier.
Sans pour autant être un enfantillage, la prière c'est enfantin et elle conduit à un enfantement. Je m'explique.
La prière ne peut effectivement se réduire à des enfantillages, c'est-à-dire à devenir un moment d'exigences matérielles ou autres comme si nous étions des enfants gâtés. Les exemples sont nombreux : Seigneur, faites que les questions d'examen soient faciles alors que je n'ai pas eu le temps d'étudier ; Seigneur, faites que je puisse m'offrir cette Ferrari ; Seigneur, faites que ma commande arrive une semaine plus tôt ; ou encore, Seigneur faites qu'il ou elle me remarque même si je reste dans mon coin.
Toutes ces demandes sont d'une certaine manière des enfantillages car elles réduisent Dieu à un grand magicien qui accepterait ou refuserait d'entendre nos demandes et de les exaucer. Je nous invite pour autant à ne pas les nier, voire à les nommer dans la rencontre intime pour désencombrer notre esprit et nous permettre de revenir à une relation plus essentielle. La prière ne se réduit donc pas à des enfantillages et pour autant, c'est enfantin de prier. Qu'est-ce à dire ? Il y a tant de traditions ou d'écoles de prière que nous avons parfois l'impression qu'elle demande un ensemble d'exercices spirituels pour arriver à prier convenablement. Un peu comme si elle était réservée à quelques professionnels de l'intimité avec Dieu. Il n'en est pourtant rien. J'insiste : prier, c'est enfantin. En fait, c'est comme aimer. Il n'y a pas qu'une seule façon de le faire, c'est à chacune et chacun de nous de trouver notre manière de prier, de chercher nos lieux de prière également.
Et tout cela variera également au cours de nos vies. Parfois, nous nous adresserons à Dieu, d'autre fois au Père ou au Fils ou encore à l'Esprit. Parfois encore nous passerons par Marie pour revenir à Dieu. Pareillement, les personnes aimées sur terre et vivant par delà la vie éternelle nous serviront de courroie de transmission dans notre rencontre divine. Dans cette perspective, prier c'est enfantin puisque c'est à nous de voir comment rencontrer Dieu et comment lui parler dans l'intime de notre c½ur. Il est cette présence qui ne se lasse jamais de nous attendre, de nous entendre et surtout de nous comprendre. Il cherche à nous rencontrer non pas avec des mots appris par c½ur mais avec les mots de notre c½ur. Et ces derniers sont éminemment personnels. Personne ne peut nous dire comment faire. A nous de trouver et de tracer notre voie dans ce désert de silence où Dieu se laisse dévoiler.
Vous voyez, comme je vous le disais, sans pour autant être un enfantillage, la prière c'est enfantin. Mais ce n'est pas tout. La prière n'est pas neutre. Elle nous transforme. En fait, elle nous enfante. En effet, lorsque je prie, je prends d'abord un moment pour moi, un moment sur moi. Ce temps est une pause dans la course de la vie. Nous lâchons nos préoccupations quotidiennes pour nous tourner vers Celui qui inhabite au plus profond de nous. Et cela ne peut se faire qu'en prenant le temps. La prière nous permet ainsi de nous retrouver en nous. Elle est cette merveilleuse occasion pour Dieu de nous mettre et nous remettre au monde, à nous-mêmes et à Lui en revenant de la sorte à l'essentiel, à l'existentiel. C'est pourquoi, avec force nous pouvons reconnaître que sans pour autant être un enfantillage, la prière c'est enfantin et elle conduit à un enfantement. Un enfantement vers la vie. Mais surtout un enfantement vers la vie éternelle puisque c'est en Dieu qu'elle se réalise.
Amen.