2e dimanche de Carême, année C

Auteur: Eggensperger Thomas
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Chers s½urs et frères,

Dans le dépliant de cette liturgie vous trouverez un petit texte d'Arthur Rimbaud :

« La charité est cette clef. - Cette inspiration prouve que j'ai rêvé ! Tu resteras hyène, etc... », s'écrie le démon qui me couronna de si aimables pavots. « Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme et tous les péchés capitaux. » Ah ! j'en ai trop pris : - Mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irrité ! et en attendant les quelques petites lâchetés en retard, vous qui aimez dans l'écrivain l'absence des facultés descriptives ou instructives, je vous détache ces quelques hideux feuillets de mon carnet de damné. » (Arthur Rimbaud, Une saison en enfer)

Pour le moment il y a ici à Bruxelles une exposition sur le poète français Arthur Rimbaud. Dans le « Bozar » on présente à l'occasion du 150e anniversaire de la naissance de Rimbaud une série de pièces autour de l'homme aux semelles de vent. On voit des photographies, estampes, documents d'archives, lettres et poèmes autographes. Autour de l'exposition il y a aussi un programme complémentaire culturel.

A mon avis c'est une bonne raison pour réfléchir un peu sur Arthur Rimbaud. En lisant ses poèmes et textes j'ai trouvé ce passage qui vient de l'introduction de sa collection de poèmes « Une saison en enfer ». Rimbaud a écrit ses textes en 1873 et il a publié la collection comme livre à Bruxelles. C'est aussi une bonne raison pour faire attention à ces lignes...

Le contexte de cette publication est dramatique : En voyant la biographie de Rimbaud on doit dire que toute la vie de Rimbaud était très dramatique, très exagérée, très bohémienne. La collection « Une saison en enfer » est très influencée par l'amitié d'Arthur Rimbaud avec Paul Verlaine, un poète plus âgé. Verlaine était ami de Rimbaud, inspirateur, père, amant...

La rupture de cette relation a eu lieu aussi à Bruxelles. L'histoire parle de « L'Episode de Bruxelles » : Pendant une dispute entre le deux hommes, en combinaison avec beaucoup d'alcool et d'absinthe, Verlaine tire sur Rimbaud avec un pistolet. Rimbaud est blessé et Verlaine est condamné á deux ans de prison. Cette épisode a eu lieu en juillet 1873 et Rimbaud a ensuite commencé à préparer cette collection avec le titre « Une saison en enfer ».

Les lignes que nous avons lues avant montrent la situation personnelle de Rimbaud en ce moment : « La charité est cette clef », écrit Rimbaud, mais c'est pour continuer : « Cette inspiration prouve que j'ai rêvé. »

La conversation avec Dieu dans ce texte est plus un combat, une lutte qu'une prière.

C'est le moment de comparer un peu les deux textes bibliques que nous avons entendus :

Dans le livre de la Genèse il y a Abraham qui souffre. Il fait tout le possible pour être obéissant à Dieu. Dieu lui a fait de grandes promesses - une nombreuse descendance, un nouveau pays. Abraham fait tout, mais il doit attendre très longtemps avant de recevoir ce que Dieu a promis. Il ne lui était pas facile de bien comprendre la volonté de Dieu.

C'est la même situation avec les disciples témoins de la Transfiguration de Jésus. La transfiguration n'était pas seulement un « show » pour montrer à ses amis une chose étonnante. La transfiguration était bien plus : C'était le message témoignant d'un Jésus qui est proche de Dieu parce que Jésus est le fils incarné de Dieu le père.

C'est la réalité de la souffrance. Quand je souffre - peu importe les raisons concrètes- je lutte avec Dieu. Mais ce combat n'est pas une attaque définitive pour repousser Dieu. Au contraire. Le combat a pour but de comprendre mieux ce qui se passe ou ce qui se passait et la raison de ma souffrance.

Je voudrais comprendre pourquoi il en est ainsi. Malheureusement il n y a pas de réponses à chaque demande. Il faut déchiffrer le code secret et c'est le motif de la lutte.

Déchiffrer ce sens était le motif pour Abraham, pour les disciples et aussi pour notre jeune poète Arthur Rimbaud.

L'introduction de sa collection est très dure, très forte, peut-être très brutale. Mais elle vient du c½ur. Et il y a du sens parce que au long de son discours littéraire il y a aussi une certaine conversion, une certaine « transfiguration » :

À la fin de son texte il y a un chapitre qui est intitulé « Matin »

Je voudrais citer les lignes de Rimbaud :

« Pourtant, aujourd'hui, je crois avoir fini la relation de mon enfer. C'était bien l'enfer ; l'ancien, celui dont le fils de l'homme ouvrit les portes. / ... / Le chant des cieux, la marche des peuples ! Esclaves, ne maudissons pas la vie. » (Arthur Rimbaud, Une saison de l'enfer) Amen !