« Il faut toujours prier sans se décourager » nous dit Jésus.
C'est facile à dire. Comme si l'on obtenait toujours ce qu'on demande !
Et j'entends les prières des malades qui ne guérissent pas, de tous ces infirmes qui vont à Lourdes ou à Banneux dans l'espoir d'une guérison et qui reviennent aussi handicapés qu'avant ! J'entends les demandes de ces jeunes ou moins jeunes qui subitement sont atteints par un cancer ou arrivent en face terminale ! J'entends la plainte de tous les malades du Sida !
J'entends le cri de révolte des parents devant leur enfant mourant tout jeune, à la suite d'une leucémie ! J'entends l'appel au secours de toutes celles et de tous ceux qui ne trouvent plus de sens à leur vie et sont tenté de se supprimer !
J'entends aussi la détresse de tous ceux que les guerres ou les restructurations d'entreprises et les délocalisations, laissent pour compte au bord des routes, de tous ceux qui n'ont plus de place dans la société, pas d'emploi, pas de toit et sont sans abri !. J'entends la plainte de ceux qui luttent pour plus de justice, pour la liberté et dont le combat est toujours à recommencer !
Comment ne pas laisser tomber les bras quand Dieu ne répond pas ? quand il semble rester sourd à nos cris et à nos supplications ? Quand Dieu se tait ! C'est déjà une vieille histoire que celle du silence de Dieu ! Déjà, tout au long de l'Ancien Testament, les croyants s'étonnent de son mutisme. Les prières et les psaumes sont l'écho de cet étonnement : « Jusques à quand, Seigneur, nous oublieras-tu ? jusqu'à la fin ? N'entends-tu pas le cri de ceux qui te supplient ? Resteras-tu sourd à notre appel ? » Ps 12. Ou encore « Est-ce que Dieu oublie d'avoir pitié, ou de colère ferme-t-il ses entrailles » Ps.76.
Pour justifier le silence apparent de Dieu et rendre compte, malgré tout, de sa foi et de sa confiance, la tradition biblique a forgé le thème du « Jour du Seigneur » Le croyant doit rester patient et garder courage car Dieu va intervenir, sans tarder, pour établir son règne. Il va même régner sur les nations païennes et le monde entier, d'où le « jour du Seigneur » sera aussi le « jour du jugement »
Au temps de Jésus, cette question du silence de Dieu était aussi bien présente dans la pensée des juifs pieux. Beaucoup attendaient une intervention divine, qui ne semblait pas venir, beaucoup espéraient la venue d'un « messie » qui chasserait les romains et établirait un règne de Dieu ! Comme souvent, Jésus répond à cette question en racontant une histoire, une parabole, celle des démêlés d'une veuve avec un juge, peu pressé à rendre la justice.
Malgré la mauvaise volonté du juge, une faible femme obtient justice par son opiniâtreté. Dans la pensée juive, la veuve est le symbole de la faiblesse. Par sa ténacité, elle a gain de cause auprès d'un juge véreux. A plus forte raison ceux qui sont aimé de Dieu, lui qui est Juste, se feront-ils écouter dans leur prière.
Un temps de crise est donc évoqué ici. Les élus crient vers Dieu, sans comprendre le retard pris par Dieu à rendre justice. C'est donc de la part de Jésus un enseignement non seulement sur la prière mais aussi sur l'avènement du règne de Dieu.
Comme la veuve, il faut sans cesse revenir à la charge. Et puisque Dieu est bon, qu'il exauce sans tarder ses élus, le croyant ne doit pas se lasser de demander. Même s'il y a retard dans l'exaucement de la prière.
« Il faut donc toujours prier. » C'est Jésus qui parle comme si cela allait de soi ! Mais je l'ai vu partir au jardin de Gethsémani. A l'approche de la mort, il se mit à demander : « Père, fais donc que ce supplice s'éloigne de moi » Il n'eut pas de réponse et partit vers la croix Et quand il fut pendu au bois du supplice sa prière se fit plainte : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Il n'eut pas de réponse. Il mourut. Ainsi donc lui aussi s'est heurté au silence de Dieu. Plus tard, Luc a repris cet enseignement du Maître comme paroles d'encouragement à sa communauté chrétienne, ne comprenant pas que l'attente du retour du Seigneur soit si longue. Si, au bout d'un certain temps la veuve a réussi à se faire entendre par le juge malhonnête, à plus forte raison les croyants persécutés se feront-ils entendre, sans tarder, par le Père qui les aime. Il voulait par là ranimer l'espérance des chrétiens, malgré le silence apparent de Dieu. Le fidèle doit inclure dans sa prière l'acceptation du délai que Dieu s'octroie. Même s'il se heurte au silence divin, le disciple attend le Seigneur dans la foi. Alors, aujourd'hui je me suis souvenu de Moïse qui priait, au haut de la colline, les mains levées au ciel, pour avoir la victoire. Quand il levait les mains son peuple était le plus fort et quand il les baissait, ses ennemis l'emportaient. Mais, avec la fatigue, ses mains s'alourdissaient. Alors ses compagnons lui soutinrent les bras jusqu'à la fin du jour.
Et je me suis dit que, dans la prière, on ne peut parvenir à persévérer seul. Mais qu'ensemble, qu'en communauté, qu'en Eglise on peut se soutenir mutuellement les bras, pour les élever vers le Père jusqu'à ce qu'il nous aide.