29ème dimanche, année A

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 19/10/14
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

Voilà la question piège : faut-il payer l’impôt à l’empereur romain ? Il ne s’agit pas de savoir si on accomplit son devoir de citoyen, mais il s’agit de savoir si on se soumet à l’autorité brutale et barbare d’un occupant impie et voleur. Le peuple saint, le peuple élu est pillé par l’occupant, car - -ou- le sait, et notre pays l’a vécu – quand une nation étrangère occupe un territoire, c’est aussitôt pour l’obliger à supporter l’effort de guerre et enrichir les occupants. Mais la situation est plus grave encore pour les Juifs de l’époque. Les Romains sont des païens. Rien que par leur présence ils souillent le sol sacré de la Terre Promise. Il ne faut pas oublier que quelques générations plus tôt c’était la révolte des Macchabées et que quelques années plus tard ce sera la première Guerre juive qui durera deux ans et aboutira à la destruction du Temple de Jérusalem. La question de l’impôt n’est pas une question d’honnêteté, mais une question de fierté nationale. Et la poser à Jésus, c’est le placer devant un dilemme : ou bien dire oui, et ce sera pour les pharisiens l’occasion d’accuser Jésus d’encourager la collaboration, non seulement reconnaître l’occupation injuste de la Terre Saine par l’ennemi, des païens, mais aussi encourager les Juifs à soutenir financièrement cette occupation impie, cette destruction de la sainteté nationale ; au contraire, dire non serait aussitôt considéré comme un appel à l’insurrection, à la désobéissance civile. Et ce serait alors avec un immense plaisir que les pharisiens iraient dénoncer ce Jésus aux autorités romaines. Et ce serait avec la satisfaction du devoir accompli que ces pharisiens iraient ainsi détruire un homme pour le bien de l’Etat, de l’Eglise et de la foi.

Et cela pose à chacun d’entre nous la question de savoir comment nous interpellons Dieu devant les situations tragiques de notre vie et du monde. Nous avons parfois envie d’interpeller Dieu et de lui demander des comptes : comment se fait-il que des peuples entiers se font massacrer ? Comment cela se fait-il que tant d’hommes et de femmes meurent de faim ? Et nous interpellons Dieu, confortablement installés dans notre fauteuil, un verre de whisky à la main et un gros cigare en bouche.

Mais le Christ n’est pas venu hurler sur les pécheurs. Il est venu les appeler et les sauver. Il a appelé Zachée, le percepteur d’impôt malhonnête. Il a invité Matthieu, cet autre percepteur d’impôt, tout aussi magouilleur. Il a aimé Marie-Madeleine, la pécheresse publique. Et Pierre, lui-même, ira baptiser Corneille, le centurion romain, païen et pillard. Et tout cela parce que Dieu ne cherche pas des gens parfaits, qui ne se sont pas salis ou contaminés par le monde, mais parce que Dieu cherche des hommes plongés dans l monde, avec leurs faiblesses et leur grandeur. Il n’y a pas d’un côté le règne de César avec ses turpitudes et de l’autre le royaume de Dieu avec sa pureté. Il y a le royaume de Dieu qui transforme et transfigure le monde déchu de nos orgueils et de nos égoïsmes. Laissons donc Dieu nous transformer afin que nous puissions avec tous nos frères chanter la beauté de son Incarnation et de son infini amour pour chacun d’entre nous.