2e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Braun Stéphane
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Nous avons tous notre histoire, nous avons tous vécu des évènements, nous avons entendu, vu, rencontré, découvert. Nos histoires sont toutes différentes, sont chacune uniques et ne sont pas comparables. Il n'y en a pas de plus belles que d'autres, de plus tristes que d'autres, de plus grandes que d'autres. Il y a nos histoires, tout simplement, qui font ce que nous sommes aujourd'hui.

C'est parce que nous sommes uniques que nos histoires sont uniques, que notre relation à dieu est aussi unique, qu'elle évolue dans le temps comme notre histoire. Mais Dieu aujourd'hui n'est pas celui de mes 20 ans. Mes convictions évoluent, changent. Elles ne sont jamais certitudes.

Je suis veuf depuis cinq ans et demi. Ce fut l'occasion pour moi de me poser beaucoup de questions sur le sens de la vie, de la mort. Qu'est-ce qu'on fait ici sur terre, à quoi sert-on ? qu'est-ce qui disparaît avec la mort ? Qu'est-ce qui continue à vivre ? Qu'est-ce qui rend vraiment heureux ? Qu'est-ce qu'aimer et à quoi cela sert-il finalement ? etc...

Et c'est alors que, paradoxalement, le vide m'a fait découvrir l'importance du plein, l'absence m'a fait découvrir l'importance de la présence. La cassure de la relation m'a fait découvrir l'importance du pardon. Et le mot " aimer " prend de plus en plus de sens, il prend même tout son sens.

Ma seule certitude c'est que l'amour n'a pas disparu avec la mort ! L'amour de ceux, et avec ceux, qu'on a aimé continue à vivre et faire vivre. C'est amour qu'on a en nous, cette part de Dieu qu'on a en nous est transmissible et continue à faire grandir.

J'ai enfin compris pourquoi j'avais si difficile à prier, à me tourner vers ce Dieu que je ne trouvais pas. Je cherchais trop loin, dans l'infini, alors que je le découvre en moi comme source de ce qui rend vraiment heureux, de cet amour né de la relation aux autres. Je me souviens d'un voyage au Pérou : dans une échoppe de marché, je découvre une affiche (comme on en trouve dans les église d'Amérique Latine), une affiche représentant un Christ de douleur hyper-réaliste, une couronne aux épines plus longues que nature, des coulées de sang sur le visage et les yeux tournés vers le ciel. le tout, bien sûr, avec une auréole des rayons dorés.

En dessous, il y avait en espagnol cette phrase de la première lettre de Saint Jean " Celui qui ne connaît pas l'amour ne connaît pas Dieu car Dieu est amour ".

L'illustration du texte, par cette image, m'a vraiment choqué, interpellé et, par l'absurde, m'a poussé à mieux découvrir le Dieu Amour qui de plus en plus m'enthousiasme. M'enthousiasme par la folie de ce Dieu, qui ne pouvant s'aimer lui-même, a créé l'homme pour que l' Amour puisse exister, pour que lui-même, Dieu, puisse continuer à vivre. Dieu n'aurait-il alors de sens que par l'homme et l'homme que par Dieu ? L'homme capable d'aimer serait-il la concrétisation de Dieu ? La folie de Dieu ?

Car il ne s'agit pas, bien sûr, de cet état amoureux qui peut faire du bien, mais de cette relation à l'autre qu'il faut toujours décider et redécider, de cette relation qui fait grandir, de cette relation qui fait vraiment de la place en soi pour l'autre, qui rend vraiment heureux, que l'on peut appeler Amour avec " A "...que l'on peut aussi appeler Dieu.

Dieu en nous, dès la naissance aurait alors pris le risque de sa propre vie en nous laissant libre d'aimer ou de ne pas aimer... Folie de Dieu ! Folie de faire confiance en l'homme. Mais il n'y a pas d'amour sans liberté et pas de liberté sans confiance !

Et nous voilà au c½ur de cette dualité qui fait l'homme : à la fois, depuis sa naissance, détenteur de ce trésor, détenteur de ce Dieu qu'il n'a pas demandé et dont il ne peut se débarrasser, et à la fois libre, libre d'ouvrir ou ferme le coffre au trésor qu'il a en lui, libre d'aimer ou de ne pas aimer, libre de faire vivre ou non ce Dieu qui nous a créé.

Cette liberté est la clé de notre bonheur et ce bonheur est sacré car il vient de Dieu, car il est Dieu. En ce temps de l'Avent, Jean-Baptiste nous invite aujourd'hui à rentrer dans une démarche, une dynamique : " préparez, aplanissez les chemins du Seigneur ", c'est-à-dire : reconnaissez, acceptez ce Dieu en vous pour pouvoir, à la suite de Jésus-Christ, apprendre à aimer et rentrer dans l'infini de Dieu ! " Produisez du fruit " Vous en êtes responsables et votre responsabilité est grande.