Le maître-mot des lectures de dimanche passé était : « Veillez ». Le maître-mot de ce 2° dimanche de l'Avent pourrait être : « Préparez-vous », préparez, à travers le désert, le chemin du Seigneur.
Le fait que l'évangéliste Marc commence son évangile par cet appel lancé, près de 600 ans avant, par Isaïe, n'est pas sans signification. Dans la bouche d'Isaïe, il s'agissait d'annoncer la fin de l'exil à Babylone et la possibilité de retourner à Jérusalem. Dans la bouche de Marc, il s'agit aussi de quitter un exil mais un exil intérieur, celui du péché, et de se tourner résolument vers la Jérusalem nouvelle, non plus une patrie géographique mais une patrie spirituelle, ce Royaume de Dieu que va inaugurer Jésus.
Quand Isaïe lançait son message, il était à Babylone avec les Juifs déportés. Le désert n'y était pas qu'une image : il y avait bien près d'un millier de km de désert entre Babylone e t Jérusalem. A l'époque de Jean-Baptiste, le peuple juif habite à Jérusalem et pourtant l'évangéliste reparle d'un chemin à travers le désert ! Jean-Baptiste n'aurait-il pas pu prêcher à Jérusalem même, là où se trouvait le peuple ? Non, expressément, il s'éloigne de la ville et va prêcher dans le désert de Juda (en fait, à peine à quelques dizaines de km de Jérusalem). L'évangéliste ne pouvait pas être plus clair pour exprimer que, pour se préparer à accueillir le Messie, il y a toujours à prendre distance par rapport à l'artifice et à l'affairisme de la « ville » et qu'il y a toujours un chemin d'épuration à faire, un désert à traverser.
La symbolique biblique du désert est double. Le désert symbolise certes la désolation, le risque de mort. Mais il est aussi le lieu où, précisément parce que l'homme s'y sent petit et démuni, il peut y faire l'expérience de l'intimité avec Dieu. C'est cette expérience-là qui est proposée par Jean. Mais pour rencontrer le Christ, il ne s'agira plus de faire des milliers de km, ni de se vêtir de poils de chameau et de manger des sauterelles, il s'agira de « faire désert » : de se débarrasser des artifices, de retourner à l'essentiel, bref de se convertir. Jean-Baptiste a sans doute permis à bien de ses contemporains de faire cette expérience. D'autre part, ce récit sur Jean-Baptiste a inspiré des générations d'ermites, de mystiques et de moines mais ce n'est là qu'un chemin qui ne garantit d'ailleurs pas d'aboutir à la disposition d'esprit nécessaire. Préparer la venue du Sauveur, c'est nous préparer pour que sa parole porte du fruit en nous. Il s'agit, par notre comportement évangélique, d'incarner à notre mesure le message de salut qui nous fait vivre. A ce moment là d'ailleurs, nous deviendrons nous-mêmes des Jean-Baptiste pour tous ceux qui nous entourent et participerons à notre tour à cette ½uvre de préparation.
L'épître de St Paul nous explique d'une autre manière ce que peut signifier cet exercice de conversion, de retournement intérieur. Les images de destruction apocalyptique qu'il emploie doivent nous faire penser « à l'humain que nous devons être », à ce que nous devrions être « quand il n'y a plus ni cieux, ni terre », c'est-à-dire quand nous serons seuls face à Dieu, amenés à faire la part entre l'essentiel et l'accessoire. Quand on aura fait ce discernement, on aura quelque chance de devenir un « homme nouveau ». Nous serons alors dans les conditions pour comprendre ce que peuvent être ces « cieux nouveaux et terre nouvelle » inaugurés par la venue du Christ-Messie.