En revenant de la clinique, lorsque le premier enfant est entré dans sa nouvelle chambre, quelques jours après sa naissance, il s'est émerveillé devant tant de belles choses. Dans sa petite tête de nouveau-né, il ne savait pas si c'était la couleur paille de mur, la frise décorée de petits Winnie l'Ourson ou encore son lit qui semblait déjà ancien et qui venait sûrement d'être repeint par papa dans les tons soleil. Il s'étonnait d'être entouré d'autant de peluches et aimait son petit carrousel musical qui jouait des petits airs de comptines pour l'aider à s'endormir tandis que le regard tendre de maman se penchait sur lui. Il se sentait vraiment bien dans son nouveau petit royaume et il espérait que chaque enfant du monde aurait autant de chances que lui. Le second enfant quant à lui, lorsqu'il ouvrit les yeux, comprit que la vie sera sans doute plus dure pour lui. Les mûrs n'avaient sans doute jamais été lavés, le sol était de terre ferme, les animaux qui l'entouraient n'étaient pas des peluches mais étaient bien vivants. Il ne pouvait pas en douter vu l'odeur qui régnait dans la pièce. Son petit lit de paille était malgré tout confortable. Et pourtant, il était heureux, car auprès de lui se trouvaient ses deux parents et quelques bergers qui passaient par là. Le premier enfant est né récemment dans notre région. Le second, l'enfant-Dieu, est né il y a un peu plus de deux mille ans. C'est étonnant lorsque nous comparons ces deux situations. Nous aurions pu nous attendre au contraire. L'enfant-Dieu aurait quand même pu naître dans le meilleur hôpital de la région, entourés des meilleures infirmières accoucheuses et du plus réputé gynécologue. Et voilà que l'histoire s'est passée tout autrement. Et c'est sans doute tant mieux pour nous. Je m'explique.
Lorsqu'un enfant est annoncé, au-delà de la joie qu'un tel événement procure, les jeunes parents prennent le temps de préparer sa venue. La chambre est prêtre, bien en ordre pour l'accueillir. Un peu à l'instar d'autres moments de l'existence où nous invitons des proches à rejoindre notre table. Nous mettons notre maison en ordre pour les recevoir. Tout est prêt pour que l'environnement soit le plus agréable possible à nos hôtes. Nous soignons les moindres détails, heureux de pouvoir les accueillir. D'ailleurs, je me souviens, lorsque j'étais enfant, chez ma grand-mère, à table, il y avait toujours une chaise vide alors que le couvert était dressé. C'était, disait-elle, la place de la Vierge Marie. Il fallait qu'elle soit prête au cas où Marie viendrait se joindre à nous à l'improviste. Un peu comme Dieu qui vient Lui aussi toujours nous rendre visite à l'improviste. Comme s'il n'aimait pas que nous ne restions que dans l'attente en oubliant de vivre notre vie tout simplement. Dieu semble aimer s'inviter chez nous au moment où nous nous y attendons le moins dans le brouhaha de nos existences. Or il n'est pas facile de mettre de l'ordre dans notre désordre intérieur permanent. Nous sommes pris par le tourbillon de la vie, par une immédiateté de plus en plus grande, par les soucis réels causés par l'injustice de la souffrance, par le temps douloureux du deuil et de l'expérience de la séparation de celle ou celui qui nous avons tant aimé sur cette terre. Parfois, nous pouvons avoir le sentiment que notre vie a des relents apocalyptique et nous ne voyons plus que le chaos qui existe, voire subsiste contre vents et marées. Puissions-nous alors découvrir, à l'image de l'évangile de ce jour que derrière chaque chaos, à un moment où nous nous y attendons le mois, nous pourrons voir le Fils de l'homme dans la gloire. Alors, s'il est vrai que notre c½ur n'est sans doute pas l'endroit le mieux rangé tellement nous pouvons avoir le sentiment d'être bouleversés par la réalité de la Vie, ne nous laissons toutefois pas encombrer par cette réalité. En effet, même si notre c½ur nous donne parfois le sentiment d'être une étable, pourtant des choses merveilleuses peuvent se vivre. Alors, heureux sommes-nous de nous dire que le Christ Jésus est né dans une crèche et que c'est dans un tel lieu qu'il a commencé sa vie d'homme. Oui, heureux sommes-nous car, c'est sans crainte, que nous pouvons aujourd'hui encore l'accueillir au c½ur de notre c½ur, crèche vivante et parfois chaotique où Dieu vient inhabiter. Car c'est dans un c½ur comme le nôtre que Dieu a choisi de venir vivre. Il se repose en chacune et chacun de nous et rayonne de sa divinité lorsque nous la laissons transparaître dans tous les actes de douceur et de tendresse que nous posons. S'il en est ainsi, que le Christ Jésus vienne alors nous surprendre chacune et chacun, à l'improviste, sur la paille de nos vies.
Amen.