Luc ouvre son récit du ministère de Jésus presqu'à la manière des grands historiens de l'Antiquité en mentionnant l'année du règne de l'empereur romain en exercice. Mais, dès la seconde ligne, on sent que sa préoccupation est déjà tout autre. Les personnages de référence qu'il cite (Pilate, Hérode, Anne et Caïphe, ...) sont ceux qui interviendront dans la Passion du Christ et donc la préfigurent déjà. Avec la mention, en 3° ligne, d'un certain Jean, fils d'un certain Zacharie, criant dans le désert, on a l'air de décrocher tout à fait par rapport à l'histoire universelle. Du point de vue de la dynamique du récit évangélique lui-même, si l'on veut préparer le terrain pour annoncer une nouvelle capitale, est-ce bien malin de confier une telle mission à un de ces prédicateurs hirsutes de grand chemin ? Si l'on veut qu'une nouvelle se propage au plus vite, est-ce bien malin de commencer par le désert plutôt que par les villes et les marchés ? Il y a bien sûr un message dans cette manière de présenter les choses (et dont elles se sont vraisemblablement passées). La référence à ce Jean « proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés » manifeste l'ancrage dans la grande tradition prophétique « rebelle », celle d'Isaïe, de Jérémie, d'Ezéchiel (Baruch relevant de la tradition de Jérémie). La référence au désert fait lointainement allusion à ce temps de préparation que constitua l'expérience de l'Exode, temps d'intimité avec Dieu, loin des soucis et préoccupations des affaires courantes du monde. Elle fait plus directement allusion, avec Isaïe et Baruch, à une autre expérience fondatrice du Peuple de Dieu, celle de l'Exil. Il s'agit là, après 70 ans à Babylone, de revenir à Jérusalem, ce qui est une perspective propre à remplir de joie, d'enthousiasme et donc d'entrain. La distance entre Babylone et Jérusalem est cependant grande (plus encore au sens symbolique qu'au sens géographique) et le désert à traverser n'est qu'un parcours d'obstacles. Dans l'enthousiasme d'un retour proche, ces obstacles ne devraient n'avoir rien d'infranchissables. C'est au niveau de leur sens moral qu'ils pourraient se révéler plus difficiles à franchir. Ce sont en effet nos comportements qui creusent les ravins, grossissent les montagnes, rendent les chemins tortueux. Ce ne serait d'ailleurs pas non plus la peine de retrouver Jérusalem si c'était pour y refaire ce qu'on y faisait avant, si c'était pour se laisser ré-accaparer par les affaires courantes et en oublier Dieu. Retrouver Jérusalem, retrouver le vrai culte dans le vrai Temple, suppose d'y retourner converti, avec un autre regard, dans de nouvelles dispositions. Il va sans dire que le sous-entendu de l'évangile est celui-ci : cette fois, c'est Jésus qui va être cette nouvelle Jérusalem, ce nouveau Temple. C'est en lui « que tout homme verra le Salut de Dieu ». Il faut s'y préparer. Cela demandera un effort de conversion. Mais c'est une grande joie qui nous attend.
La communauté des chrétiens de Philippes avait été, à cet égard, exemplaire. Paul les félicite et les encourage à faire toujours de nouveaux progrès. L'attente du « jour où le Christ Jésus reviendra » constitue le nouvel horizon. Il faudra un certain temps à la jeune Eglise pour comprendre en quel sens « le Christ viendra ». La tension entre le « déjà là » et le « toujours encore à venir » est la condition même du chrétien et fait la spiritualité de ce temps d'Avent.
2e dimanche de l'Avent, année C
- Auteur: Sélis Claude
- Temps liturgique: Avent
- Année liturgique : C
- Année: 2012-2013