2e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Six semaines avant Pâques, nous acceptions de recevoir le signe cendré de la croix et nous engagions sur le chemin du carême. On nous exhortait à la conversion, aux renoncements, aux sacrifices tandis que l'Eglise nous interpellait par le chant-programme :

« Changez vos c½urs, croyez en la Bonne Nouvelle ! changez de vie, croyez que Dieu vous aime ! ».

Enfin, la joie de Pâques a éclaté et les Alléluias ont retenti. Avons-nous tenu nos bonnes résolutions ? Nos pénitences ont-elles été réalisées ? Nos familles et nos paroisses sont-elles devenues meilleures ? Nos c½urs et nos vies ont-ils changé ? Notre joie pascale ne viendrait-elle pas simplement d'être débarrassés d'un impératif de privations ?

Quelle présomption de croire que l'on peut par soi-même accomplir sa vocation chrétienne ! Souvenons-nous des premiers Apôtres : ils avaient cheminé longtemps derrière le Maître, avaient écouté ses exhortations- « Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive ! » - ; ils s'étaient engagés à donner leur vie pour lui en montant à Jérusalem. Et, patatras ! ces enseignements, ces belles résolutions s'étaient écroulés comme château de cartes à l'approche du danger menaçant. Comme il le leur avait annoncé, Jésus s'était retrouvé seul à Gethsémani et à la croix. Absolument seul !

Mais c'est alors, au c½ur même de leur échec, qu'allait éclater la merveille de Pâques. Loin de condamner ses disciples pour leur lâcheté, loin de rejeter ses faux amis, Jésus, dans l'élan de sa Vie nouvelle de ressuscité, les retrouve et les accueille avec amour :

C'était après la mort de Jésus, le soir du 1er jour de la semaine.. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient car ils avaient peur des Juifs. JESUS VINT et il était là au milieu d'eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous » et il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous. De même que le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Il envoya sur eux son souffle : « Recevez l'Esprit-Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus ».

Le Ressuscité ne donne plus des enseignements : il communique la force de les réaliser. Il ne condamne pas des traîtres : il leur pardonne pour qu'ils puissent, à leur tour, offrir ce pardon à quiconque voudra bien croire en lui.

Ainsi donc, pour saint Jean, le don de l'Esprit est effectif le jour même de Pâques. Or la liturgie nous a habitués à suivre la chronologie de saint Luc qui reporte la descente de l'Esprit à la fête de Pentecôte, 50 jours plus tard. Y a-t-il contradiction ? Pas du tout. Chaque évangéliste veut exprimer une facette essentielle du mystère.

JEAN ET LUC : DEUX THEOLOGIES DE L ' ESPRIT

Saint Jean nous met en garde de ne pas séparer "Croix-Résurrection-Don de l'Esprit". La Paix est offerte à partir des plaies de Jésus, d'un Jésus qui est vivant et qui communique l'Esprit à ceux qui le contemplent. Le danger existe en effet de parler de « spiritualité » en gommant la croix, de se croire chrétien en étant « zen » ou « cool », de s'imaginer être dans le souffle de l'Esprit en vibrant dans une transe collective, en jubilant d'un enthousiasme infantile ou en se blindant dans une sérénité imperturbable. Cette Energie divine ne peut venir qu'au sein d'une communauté qui fait mémoire de la Passion de Jésus : c'est pourquoi Thomas ne la reçoit pas tant qu'il n'accepte pas de rejoindre ses frères « huit jours après ». Nous avons ici une attestation primitive de la valeur centrale du DIMANCHE. Thomas, l'un des Douze, n'était pas avec eux quand Jésus était venu.. Les autres lui disent : « Nous avons vu le Seigneur ». Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l'endroit des clous, ni la main dans son côté, non, je ne croirai pas » Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison et Thomas était avec eux. Jésus vient - portes verrouillées - il était là au milieu d'eux. Il dit : « La paix soit avec vous ». Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt, vois mes mains, avance ta main. Ne sois pas incrédule : sois croyant ». Thomas dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Jésus lui dit : « Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».

Oui, « heureux » celui qui n'exige pas d'apparition mais qui, avec ses s½urs et ses frères, partage l'Eucharistie du dimanche en y voyant le corps et le Sang d'un Jésus qu'il peut confesser comme « Mon Seigneur et mon Dieu ». Alors l'Esprit lui est accordé.

Saint Luc, lui, reporte le don de l'Esprit à la fête de la Pentecôte. Sept semaines après la Pâque, l'antique fête des Moissons était devenue la commémoration du don de la Loi au mont Sinaï. Mais si cette Loi de Dieu - la Torah - était la fierté d'Israël, celui-ci reconnaissait qu'il avait toujours été incapable de la pratiquer fidèlement tout au long de son histoire. Toutefois, après la catastrophe de l'Exil, les prophètes avaient transmis la grande Promesse de Dieu : « Je vous donnerai un c½ur nouveau, Je mettrai ma Loi au fond de vos c½urs, Je vous donnerai un Esprit nouveau ». ( Jér 31, Ez 36). Alléluia ! clame saint Luc, la Promesse s'est réalisée : à la Pentecôte, Dieu a envoyé son Esprit sur les apôtres au cénacle. Non pour déclarer le dépassement de la Loi ancienne ni pour offrir une grâce facile, mais pour permettre précisément aux croyants de pratiquer les commandements de Dieu de façon radicale.

Il nous faut donc articuler les deux récits des évangélistes.

Jean nous assure que l'Esprit est donné aujourd'hui à ceux qui rejoignent la communauté qui, chaque 1er jour de la semaine, accueille Jésus vivant dans le souvenir de sa croix (mon corps et mon sang).

Luc nous invite à demeurer en état d'éveil, à ne pas nous croire trop vite propriétaires de l'Esprit et à demeurer sans cesse ouverts à sa venue.

Après le carême ( QUARANTAINE d'efforts à FAIRE) voici venu le TEMPS PASCAL : CINQUANTAINE de jours de prière, de supplication, d'ouverture pour RECEVOIR. Voici le temps de « changer de disque » et d'entonner l'autre cantique : « Donne-nous, Seigneur, un c½ur nouveau ; mets en nous, Seigneur, un Esprit nouveau ».

Nous ne prétendons plus nous dresser tels des matamores sûrs de pratiquer un impératif : nous devenons des mendiants, qui ont expérimenté leur faiblesse et implorent une puissance qu'ils sont incapables de s'attribuer. Voici le temps de comprendre que la condition préalable à la conversion chrétienne n'est pas de présenter à Dieu la liste de nos dévouements mais d'accepter, en communauté, de nous reconnaître pécheurs et de nous laisser recréer gratuitement par l'Esprit. Car le pardon n'est pas coup d'éponge, encore moins indifférence au péché : il n'est pas banal que S.Jean note que le Ressuscité a « soufflé » sur ses disciples - de la même manière que Dieu avait soufflé sur Adam pour lui donner la vie (Genèse 2, 7) Le temps pascal est le temps de la re-création de l'homme. Celui-ci peut alors chanter Alléluia sans oublier que ce cri est rouge du sang de son Sauveur.