2e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

A chaque Eucharistie, avant la communion, le célébrant présente l'Hostie consacrée en proclamant la fameuse phrase par laquelle, selon l'évangile de Jean, Jean-Baptiste a désigné Jésus lorsque celui-ci s'est présenté à son baptême : "Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ".

Que signifie-t-elle exactement ? Un rapide parcours historique nous permet de percevoir la richesse extraordinaire de cette titulature et, du même coup, la merveilleuse histoire de l'Eucharistie.

1. LA FETE DE PRINTEMPS DES BERGERS

Depuis des temps immémoriaux, les bergers nomades du Proche-Orient célébraient le retour d'une nouvelle année par la fête de l'agneau. Après les quelques semaines de froid et de pluies d'hiver, au soir de la première lune de printemps, ils se rassemblaient en tenue de départ ; on immolait un jeune agneau mâle ; de son sang, on maculait les piquets de tente en vue d'écarter les mauvais esprits ; dans l'allégresse, debout, on consommait l'agneau rôti. Après les adieux, chaque berger emmenait son troupeau à la recherche des pâturages et des puits dans l'espoir que la divinité le protègerait des maladies et des attaques des prédateurs. On se retrouverait à la fin de la saison pour un nouvel hivernage. Cette coutume s'est pratiquée jusqu'à nos jours.

2. LA PÂQUE DES ESCLAVES HEBREUX

La Bible raconte que, vers le 13ème siècle avant notre ère, plusieurs clans de bergers hébreux étaient descendus dans les terres riches en pâtures du delta du Nil mais ils furent réquisitionnés pour réaliser des travaux de fortification à la frontière. Astreints à des rythmes effrénés, battus par les gardiens, ils criaient leur détresse vers leur Dieu sans recevoir de réponse.

Or un jour, un certain Moïse leur promit la fuite prochaine précisément en cette nuit de fête de l'agneau (appelée PESSAH) : on tâcherait les tentes de sang, on mangerait l'agneau rôti et on s'enfuirait. Et effectivement le miracle se produisit ! En pleine nuit, les esclaves s'en allèrent...et ne furent jamais rejoints par leurs poursuivants. Ils franchirent le fleuve, traversèrent le désert du Sinaï où leur Dieu fit alliance avec eux en leur donnant sa Loi. Quelques années plus tard, ils pénétraient en Canaan et fondaient le royaume d'Israël.

3. PESSAH, LA PÂQUE JUIVE

Cette sortie d'Egypte -appelée l' EXODE- devint l'événement fondateur du peuple d'Israël et, tout au long de la Bible, Dieu répéta : " C'est moi qui vous ai fait sortir du pays d'Egypte". C'est pourquoi la fête de PESSAH, avec le rite du sang et le repas de l'agneau, prit une importance essentielle et devint la fête obligatoire qu'il fallait célébrer chaque année, à la pleine lune de printemps.

Moment capital dans l'histoire : désormais, au lieu de demander la protection des troupeaux, Pessah célébrait la libération des hommes. On ne fêtait plus le cycle annuel des saisons mais un événement historique : contre la dictature du tout-puissant Pharaon, Dieu avait pris le parti des esclaves ! Selon la Tradition juive, chacun doit "se considérer soi-même comme sorti d'Egypte". Et le don de la libération miraculeuse fut attribué au jeune agneau innocent, le seul dont le sang avait été versé et qui devenait le mémorial perpétuel de cette révélation extraordinaire.

4. LE REPAS PASCAL DE JESUS

Célébrer PESSAH et en apprendre la signification à ses enfants était et reste une obligation fondamentale du père de famille. Saint Joseph le fit avec Jésus et lui-même, devenu adulte, la célébra avec ses disciples.

Or, en l' année 30 de notre ère, monté à Jérusalem pour le pèlerinage annuel de la Pâque, Jésus comprit que l'étau se refermait sur lui : les Autorités avaient décidé de supprimer ce Galiléen dangereux.

Jésus dit à ses disciples : " Allez à la ville chez un tel et dites-lui : Mon temps est proche : c'est chez toi que je fais la pâque avec mes disciples". Ils firent comme Jésus avait prescrit et préparèrent la pâque" (Matt 26, 17) . C'est alors, au cours de ce repas, qu'il allait prendre l'initiative la plus stupéfiante et la plus bouleversante de son existence : il allait transfigurer le rite séculaire :

Le soir venu, il était à table avec les Douze...Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit puis le donna aux disciples : " Prenez, mangez : ceci est mon Corps". Puis il prit une coupe et, après avoir rendu grâce, il la leur donna : " Buvez-en tous car ceci est mon sang, la sang de l'Alliance, versé pour la multitude pour le pardon des péchés". (Matth. 26, 20-30).

Pas un mot sur l'agneau ! qui, pourtant, a été immolé quelques heures auparavant par les prêtres du temple, qui a été rôti chez l'hôte et qui se trouve sur le grand plat au milieu de la table !

JESUS ASSUME LE ROLE DE L' AGNEAU. Conscient de sa mort prochaine, avant que ses ennemis lui PRENNENT sa vie, IL LA DONNE aux siens.

Sa mort n'est pas un accident ni même l'exécution d'un martyr pour une juste cause : par le don de lui-même, il les fait sortir non d'un pays mais de l'esclavage du péché et les constitue en peuple d'hommes libres, accueillis DANS LA NOUVELLE ALLIANCE ! Les disciples - qui vont lâchement abandonner leur maître dans les heures qui suivent - sont pardonnés par LE SANG REPANDU de leur Seigneur.

5. NOTRE EUCHARISTIE DOMINICALE

Dès sa naissance, la communauté des disciples a obéi à l'ordre de son Seigneur. Elle a compris qu'elle ne pouvait vivre qu'en recevant sa vie du sacrifice de l'Agneau et elle l'a célébré non plus au printemps de chaque année, non plus même au soir de la dernière Cène, mais le lendemain de chaque sabbat, au matin glorieux où Jésus était ressuscité (Jour du Seigneur = Dimanche). Lorsque le prêtre présente l'Hostie, regardons l'Agneau qui a été immolé ; avançons et recevons avec une immense gratitude Celui qui, en se partageant à ses frères, leur donne le pardon de leurs péchés et la communion à sa Vie. Chaque fois l'exode s'accomplit : Dieu nous fait sortir de la prison de notre égoïsme et nous devenons un PEUPLE LIBRE.