2e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LA RESURRECTION, C'EST DIMANCHE

Pendant les siècles bibliques, apparurent régulièrement des envoyés de Dieu, prophètes et sages, qui rappelaient la grandeur de la Loi divine, dénonçaient les déviances, appelaient le peuple à la conversion. Et lorsque ces grandes figures disparaissaient, leurs disciples éperdus de chagrin entretenaient leur mémoire en vénérant leur tombe et en copiant leurs enseignements afin de les transmettre à Israël. Ainsi en alla-t-il pour Elie, Isaïe, Jérémie, Esdras, Jean-Baptiste et tant d'autres. Mais lorsque Jésus de Nazareth disparut, ses disciples ne montrèrent nulle détresse, n'organisèrent pas de pèlerinage sur sa tombe, ne mirent pas par écrit ses enseignements (les évangiles furent rédigés par les générations suivantes). Remplis d'allégresse et gazouillant des alléluias, ils ne voulaient qu'une seule chose : d'urgence proclamer que Jésus était vivant, Seigneur ressuscité. Cette mission, il fallait l'accomplir quoi qu'il en coûte (ils firent rapidement l'expérience des sarcasmes, des rires, des critiques, des rages, des coups, des prisons) et cela non seulement près de leurs compatriotes juifs mais dans le monde entier. L'Evangile n'est pas d'abord une morale ni un texte, assuraient-il, il est une Personne vivante et ils appelaient leurs auditoires à leur faire confiance et à CROIRE. Saint Jean nous raconte aujourd'hui comment ces hommes ont été transfigurés : « Après la mort de Jésus, le soir du 1er jour de la semaine, les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient car ils avaient peur des Juifs. JESUS VINT, il était là au milieu d'eux. « La paix avec vous » dit-il et il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie. Il leur dit à nouveau : « La paix avec vous ! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Il souffla sur eux et dit : « Recevez l'Esprit-Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus ». Ces hommes étaient enfermés, non tant par les verrous des portes que par leur peur (les Autorités ne vont-elles pas pourchasser les disciples du condamné ?) et par leur remords (en dépit de nos promesses, nous avons lâchement abandonné notre maître !). Cependant Jésus les rejoint dans leur enfermement car plus rien ne peut arrêter le Vivant : sans reproche ni condamnation il leur donne sa paix en en montrant la source : ses plaies. La croix est pardon et réconciliation. Dans son langage imagé, la Genèse racontait que le Créateur avait soufflé sur l'effigie de l'homme fait de poussière pour le dresser en être vivant et debout (Genèse 2, 7) : à présent le Ressuscité souffle l'Esprit pour le recréer Saint Jean joint ainsi de la façon la plus étroite la mort de Jésus (les plaies), sa résurrection, la paix de la communauté croyante, le don de l'Esprit et la mission universelle. Croix et Gloire de Jésus, Pâques et Pentecôte, résurrection corporelle de Jésus et résurrection spirituelle des croyants, sont les facettes du mystère de Pâques. Et cette re-création se poursuivra jusqu'aux extrémités du monde par l'action des disciples. « Comme le Père m'a envoyé, je vous envoie ». La mission n'est donc pas un commandement auquel il faut bien obéir, le prosélytisme agressif d'une Eglise en quête de membres, la charge de certains qui s'expatrient : elle est l'unique élan de Vie qui se transmet du Père au Fils et du Fils aux hommes. Dès qu'une flamme est allumée, elle rayonne : dès que naît l'Eglise, elle est porteuse de lumière du Christ pour les hommes.

VOIR POUR CROIRE OU CROIRE POUR VOIR ?

Tout cela est très beau, dira-t-on, et les premiers apôtres ont eu bien de la chance de voir Jésus ressuscité. Mais nous qui n'avons rien vu ? Jean connaît l'objection et il y répond par l'histoire de Thomas. L'un des Douze, Thomas (ce nom signifie « jumeau ») n'était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ». Il déclare : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l'endroit des clous, si je ne mets la main dans son côté, non, je ne croirai pas ». « Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient à nouveau dans la maison et Thomas était avec eux. JESUS VIENT, alors que les portes étaient verrouillées, il était là au milieu d'eux. « La paix avec vous ». Et il dit à Thomas : « Avance ton doigt et vois mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté ; cesse d'être incrédule, sois croyant ». Thomas lui dit alors : » MON SEIGNEUR ET MON DIEU ». Jésus lui dit : « Parce que tu as vu, tu crois. HEUREUX ceux qui croient sans avoir vu » Thomas est bien notre semblable, le prototype du sceptique : que Jésus soit ressuscité, c'est tellement formidable, tellement invraisemblable, qu'il ne peut y croire. Et ses amis, les plus grands des apôtres, ont beau asséner leur certitude, multiplier les affirmations, concorder dans leurs témoignages, les jours passent et Thomas ne se rend pas. Comment parvenir à croire ? Non en exigeant une apparition, un miracle, une preuve immédiate, mais en acceptant de rejoindre la communauté croyante « 8 jours après ». Nous apprenons donc une chose essentielle : très vite les disciples de Jésus ont pris l'habitude de se réunir « le 1er jour de la semaine ». Dans une lettre qui date de l'an 56, saint Paul nous dit que les premiers chrétiens se réunissaient « le 1er jour de chaque semaine » (1 Cor 16, 2) ; saint Luc témoigne que « le 1er jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le Pain » (Ac 20, 7) : Jean notera qu'il a reçu ses visions de l'Apocalypse parce qu'il avait « été saisi par l'Esprit au jour du Seigneur » (Apo 1, 10). La « vision du Christ ressuscité », le mystère de Pâques n'est pas une faveur extorquée, un privilège individuel : le moyen normal d'y accéder, c'est de rejoindre humblement la communauté croyante, celle qui subsiste encore aujourd'hui parce qu'elle accepte le témoignage digne de foi des premiers disciples et réitère leur pratique hebdomadaire. La foi chrétienne n'est donc pas une croyance privée et secrète ni une existence parfaitement conforme aux enseignements de Jésus ni une vague spiritualité éthérée ni une adhésion à des valeurs philanthropiques. Elle est création par l'Esprit d'une communauté dont la vie bat au rythme du dimanche. Nos calendriers se trompent qui renvoient le dimanche en fin de semaine. Il faut lui rendre sa place de premier jour où les chrétiens sortent de leur vie privée (privée des autres) pour se réunir ensemble dans un même lieu. Ils expérimentent que leur centre n'est ni un espace sacré, ni un pontife solennel, ni une idéologie mais JESUS VIVANT qui vient « au milieu d'eux ». Ils l'accueillent dans sa Passion offerte pour eux : « Ceci est mon corps... ceci est mon sang... ». De ce fait, ils sont comblés de sa Paix et envahis par la JOIE (« En voyant Jésus ils furent remplis de joie »). Le Vent de Dieu, son Elan dynamique, son Amour, son Esprit souffle sur eux pour chasser leurs peurs et leurs remords et il les envoie communiquer cette Bonne Nouvelle. Forts de cette rencontre - qui est en même temps celle du Christ et celle des frères et s½urs dans la foi -, les disciples peuvent se disperser, retrouver leur environnement de semaine. Le dimanche reste pour eux la source du courage dans leurs engagements, de l'affection dans leurs relations, de l'espérance dans leurs entreprises et leurs projets. En ces dernières années, nos assemblées dominicales ont fondu ; combien de baptisés disent : « Je crois mais ne pratique pas » ? La situation nous interpelle : sommes-nous convaincus, comme Pierre et Jean, que Barthélemy devrait revenir ? Que Jésus ressuscité est apparent dans le corps entier de l'Eglise avec tous ses membres ? Comment préparer la rencontre, comment participer, comment célébrer ensemble la gloire du Christ qui apparaît dans une assemblée pleine de joie et chargée du pardon universel ?