2e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Coulée André
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2002-2003

A Yaoundé, au Cameroun, j'étais responsable de la catéchèse scolaire d'un lycée. Un jour, une jeune fille de 17 ans arrive en retard. Elle se justifie : j'ai rencontré mon oncle sur la route, cet oncle qui était décédé plusieurs mois auparavant. Sceptique comme savent l'être des blancs devant certains phénomènes étranges, j'essaie de lui dire qu'elle a sans doute dû penser fort à lui pour le voir ainsi et que si les esprits des morts peuvent bien être présents, cela n'était pas possible que le corps soit à la fois au cimetière et sur sa route. Il faudrait que je le voie pour y croire. Et elle de me répondre : Si vous ne me croyez pas, pourquoi m'obligez-vous à croire que Jésus est ressuscité ? J'avoue être resté un peu paf sur le moment car mes arguments pour la convaincre que ce n'était pas son oncle en chair et en os se retournaient contre moi, pauvre maître en catéchèse que j'étais. Eh oui ! Thomas le Jumeau n'est pas mort ; nous sommes enclins à dire la même chose. Aujourd'hui encore si quelqu'un nous raconte un fait merveilleux, n'allons-nous pas lui demander de nous le montrer pour y croire ?

Et pourtant !...Tous les récits de la résurrection nous montrent ceci : en fait ce qu'on croit, ce n'est pas ce qu'on voit, mais autre chose. Tenez : quand Jean et Pierre courent au tombeau, Jean raconte qu'il arrive le premier et voit le tombeau vide avec les bandelettes et le linceul plié. Et il dit qu' " il a vu et qu'il a cru ". Mais qu'est-ce qu'il a vu : une grotte vide. Qu'est-ce qu'il a cru : Jésus est vivant (or il ne l'a pas vu) Il en va de même des femmes qui interpellent le jardinier qu'elles voient Ainsi également les disciples d'Emmaüs : ils rencontrent un étranger qui dit ne rien savoir de ce qui s'est passé à Jérusalem. Bien. A la fin du récit, cet étranger disparaît et ils reconnaissent que c'était Jésus et le proclament vivant. Et Thomas ? le récit de ce jour dit que Jésus lui présente ses plaies à toucher, mais Thomas ne dit pas : bonjour Jésus, heureux de te revoir, mais " voilà mon Dieu ", il croit Dieu.

La foi dépasse ce qu'on voit ou entend ; elle est d'un autre ordre. Quand on voit quelque chose, c'est une évidence, ce n'est pas la foi (c'est pourquoi la foi disparaît dans la vie éternelle). En fait ce que nous voyons peuvent être des signes qui nous donnent des indications ; et la foi nous invite à pénétrer et à croire ce qu'il y a derrière ces signes. Ainsi Marie reconnaît Jésus quand le jardinier l'appelle par son nom : elle reconnaît sa voix Les disciples d'Emmaüs reconnaissent Jésus vivant quand ils voient cet étranger rompre le pain et le partager : ils reconnaissent un geste fait par le Christ avant sa mort.

Tout cela c'est très bien, mais aujourd'hui ? A qui, ou à quoi se fier pour croire ? Tout simplement à nous à qui le Seigneur a confié la même mission qu'il avait lui-même reçue de son Père : " De même que le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie " C'est notre responsabilité, Jésus nous en donne le mandat. Oui, Jésus est venu pour sauver le monde, afin que les gens croient que l'amour du Père les fait vivre. Lui parti, c'est à nous de continuer cette mission. Et pour cela il nous donne son esprit qui est l'Esprit de Dieu. En disant cela c'est à tous ses disciples qu'il s'adresse, pas seulement aux apôtres ; c'est donc à nous tous qu'il confie la mission de remettre les péchés, c'est-à-dire d'offrir le salut, dans la foi.

C'est extraordinaire : voilà que nous, communauté des croyants, nous avons pour mission d'aider les hommes et les femmes de notre époque à croire. C'est nous qu'ils voient, mais c'est en Jésus, envoyé du Père, qu'ils sont appelés à croire.

Nous pouvons dès lors mieux comprendre l'importance de la première lecture qui nous décrit, avec quelque idéalisme certes, la première communauté chrétienne. C'est à la vue de cette communauté, nous disent les Actes des Apôtres, "que chaque jour ceux qui étaient appelés au salut entraient dans la communauté des croyants " et donc, à leur tour, croyaient.

De le même façon que Jésus invite à croire qu'il est vivant en se manifestant à travers d'autres personnes : faisant réentendre sa voix, accomplissant des gestes déjà connus de ceux qui avaient vécu avec lui : pêche miraculeuse, fraction du pain ; ainsi nous, communauté chrétienne, c'est à notre tour en annonçant la même parole de Dieu, en refaisant les mêmes gestes sauveurs que le Christ avant accompli, en guérissant les malades, en étant attentifs aux pauvres et aux exclus, et surtout en vivant en communion le partage, c'est dans notre fidélité à cette parole de Dieu et aux actes qu'elle entraîne, que nous annonçons aussi le salut, c'est-à-dire que Jésus est vivant et que tous les êtres humains sont donc appelés à la vie. La connaissance de la parole du Christ, notre fidélité à cette parole, aideront les gens à voir ce que nous sommes et à croire à travers nous au Dieu de Jésus-Christ, vivant ; à recevoir ainsi le salut proposé par Dieu dans la foi.

Au tombeau les gardes ont vu la même chose que Jean, Pierre et les femmes, mais ils n'ont pas cru ! Pourquoi ? Quelle est l'expérience qui permet de croire ? Je pense que c'est l'accompagnement quotidien de Jésus et l'amitié qui en naît qui ouvre les yeux et rend disponible au don de la foi, en nous donnant un regard autre. Autour de nous, le Christ ressuscité pourra être discerné grâce aux attitudes hommes ou de femmes qui manifesteront par leurs gestes et paroles la présence vivante de Jésus en eux, et dans la communauté que nous sommes.

Telle est notre mission : la réception du don de la foi, venant de Dieu, dépend aussi de la façon dont dans notre communauté nous ferons revivre le Christ et ses attitudes. Le corps du Christ que Thomas voulait toucher, c'est aujourd'hui le corps de notre communauté qu'on peut voir et toucher et qui aidera d'autres personnes à croire non pas nous, mais celui dont nous vivons : Jésus ressuscité, fils de Dieu.