2e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Merci à l'apôtre St. Jean d'avoir osé rapporter dans son Evangile le témoignage d'un apôtre qui a vécu l'incrédulité. Thomas a connu le doute qui travaille le c½ur du croyant. A ce titre, comme il nous ressemble avec son besoin de réel et de tangible, sa méfiance pour tout savoir qui n'a pas de prise sur le quotidien !

Thomas est un homme qui se fie à son bon sens, voire à ses cinq sens tout court et qui se méfie du Seigneur. Comme l'homme moderne et l'esprit positif, il a besoin d'évidence sensible. Si l'épisode est historique, j'imagine que les apôtres ont essayé de faire partager à Thomas leur certitude, en lui disant à peu près « Thomas, nous sommes là dix hommes que tu connais, comment peux-tu penser que nous voulons te tromper. Tu pourrais te méfier d'un témoignage unique, mais pas de celui de dix frères ! » Et Thomas répondrait « Je ne mets pas en cause votre bonne foi, mais que voulez-vous, je suis fait ainsi. Je ne serai sûr qu'à condition de voir et de toucher. »

Voilà une attitude imparfaite, sans nul doute, puisque Thomas s'entendra reprocher par Jésus ce manque de confiance dans la foi. Mais, si dans la foi de Thomas, il y a une imperfection, il y a aussi une attitude humainement respectable. On ne croit pas simplement parce que les autres croient. Si nous croyons en Jésus, c'est parce que nous percevons sa présence vivante et agissante dans nos vies et dans le monde. Aussi, Jésus ne parlera-t-il pas à Thomas comme aux Pharisiens. Il ne dit pas « Malheur à ceux qui n'ont pas cru sans avoir vu ». Il dit seulement, dans un reproche teinté d'ironie « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

L'incroyance du monde ou nos incroyances personnelles momentanées ressemblent-elles au scepticisme des Pharisiens ou à l'exigence d'expérience de Thomas ? En fait, l'apparent scepticisme de Thomas nous apprend comment la foi chemine au c½ur de l'homme. Thomas l'incrédule nous enseigne à ne pas être trop vite crédule et à ne pas donner sa foi à n'importe quel discours ou témoignage. Il faut penser aussi que sa revendication n'était pas si déplacée puisque le Seigneur va y répondre. Mais pas tout de suite.

En effet, le soir de Pâques, lors de la première apparition du Seigneur à ses disciples, Thomas était absent. Il avait exprimé son scepticisme à ses frères. Une semaine après, un dimanche, Jésus réapparaît et Thomas est présent. Mais tout ne se passe pas comme Thomas l'avait prévu. Que se passe-t-il au juste ? A ce moment-là, Thomas ne mettra pas sa main au côté blessé du Seigneur. C'est le Seigneur qui, lui-même, l'invite à ce geste. Thomas ne songe plus à exiger les conditions qu'il avait lui-même fixées à sa foi. Il est comme arraché et soulevé de tout son être par une certitude fulgurante. Pour lui, il ne s'agit plus de preuves mais d'une lumière venue d'ailleurs. C'est une lumière intime qui donne au c½ur sa certitude et il s'écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Que fut cette lumière pour Thomas ? Nous sommes un dimanche. Les apôtres sont réunis pour la célébration eucharistique. Jésus vient au c½ur de ce rassemblement où il est fait mémoire du sacrifice de la Croix, avec les stigmates de sa Passion. Ce que Thomas comprend, c'est que la résurrection échappe à la perception humaine. Le toucher est devenu inutile. Thomas comprend qu'on a la foi, c'est à dire que l'on fait l'expérience de la Résurrection du Seigneur et que celle-ci descend dans la vie quand on la célèbre dans un témoignage d'amour, lors de la célébration eucharistique. Thomas veut dire : « être émerveillé, admirer, se laisser ravir ». Thomas va admirer ce qu'il a compris ! Il a compris que même invisible le Seigneur est là dans sa présence d'amour comme il l'était dans sa Passion. Et les plaies sont les signes de cet amour pour nous.

Thomas nous dit que nous rencontrerons le Christ dans la foi en expérimentant l'amour de Dieu dans son eucharistie et dans l'amour de nos frères, nourris de la grâce de Dieu par l'eucharistie. La foi, c'est expérimenter la puissance de la résurrection dans la force de l'amour que peut manifester notre vie. La foi, c'est faire que cette force du Seigneur vivant, par nous, guérisse les plaies de nos frères les hommes. La foi, c'est relever d'entre les morts toutes les bonnes volontés enlisées dans le deuil. Cet épisode nous dit : la foi ne naît pas d'évidence mais d'amour. On croit parce qu'on aime. Et l'amour ne se nourrit pas de preuves mais d'épreuves. Et l'on comprend Thomas car, même si la lumière de la foi est vive, elle n'est jamais irrésistible. Un questionnement sans fin nous anime. Tous nous sommes habités par tant d'interrogations et de doutes ! Toutes ces questions font éclater nos frontières étroites et notre être précautionneux. La foi est une prise de conscience qui a ses raisons et sa justification. Aussi, dans nos doutes, faut-il se dire deux choses : 1. Si Dieu est mystère, Dieu seul peut nous éclairer sur nos doutes et se révéler lui-même. Quand on doute, il faut continuer à prier et à faire confiance au Seigneur. Il ne faut pas être trop fier ou orgueilleux pour croire. Ce supplément d'intelligence que donne la foi sera toujours difficilement accessible à ceux qui sont tentés de se complaire dans la suffisance de leurs dons. 2 Après la prière, le recours à nos frères, à leur lumière et à leur intercession, est le second moyen d'apaiser nos inquiétudes. Seul, Thomas doute, appuyé par ses frères il voit clair. Croire sans avoir vu ! Bien sûr les yeux de chair ne verront jamais le Jésus de l'histoire. Mais, si le Jésus de l'histoire ne nous est plus accessible aujourd'hui que par les textes, le Jésus vivant aujourd'hui c'est dans le témoignage de la vie des chrétiens que nous devrions le toucher en priorité. Le Christ est mystérieusement présent au milieu des hommes partout où germent des semences de bonheur et de paix. Nous le rendons visible quand nous semons l'amour et l'espérance. Nous le rendons présent par la transparence de notre témoignage de foi, par la valeur de nos services et par la ferveur de nos prières.

Aujourd'hui, témoigner du Christ ressuscité, cela ne veut pas dire que dans le monde, l'enfer n'existe pas (quand nous pensons à tous les points chauds du globe), cela ne veut pas dire qu'en bien des endroits encore les ténèbres ne recouvrent pas la terre, mais confesser sa foi, cela veut dire que nos enfers ont été visités. Il existe quelqu'un qui croit en nous, qui souffre avec nous, qui nous appelle à la vie. Aussi, laissons derrière nous ce qui assombrit notre foi et osons reprendre à notre crédit le cri de ravissement de l'apôtre Thomas et dire « Mon Seigneur et mon Dieu ». Et les feux de cette confession de foi qui est une prière réussiront encore à parsemer la terre de ses merveilles d'espérance et d'amour.