2e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Jn 1, 29-34

Si les évangiles commencent en confrontant les deux personnages de Jean-Baptiste et de Jésus, c'est afin de nous inculquer un point essentiel. Survenant dans la longue lignée des Prophètes, Jésus ne s'y enferme pas : il est bien davantage qu'un porte-parole, qu'un messager de Dieu : il est SA PAROLE, SON FILS.

C'est pourquoi, après le récit de son baptême (dimanche passé), nous écoutons aujourd'hui le témoignage capital du Précurseur dans l'évangile de Jean :

"Comme Jean-Baptiste voyait Jésus venir vers lui, il dit :

Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde... C'est de lui que j'ai dit : " Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi car avant moi, il était" . Je ne le connaissais pas, mais si je suis venu baptiser dans l'eau, c'est pour qu'il soit manifesté au peuple d'Israël.

Alors Jean rendit ce témoignage :

J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas mais Celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit : "L'homme sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit-Saint".

Oui j'ai vu et je rends ce témoignage : c'est lui le Fils de Dieu".

( Jean 1, 29-34 )

Jean a beaucoup prêché, il a admonesté les gens, les a exhortés à avouer leurs péchés et à se laver dans les eaux du Jourdain. Mais il en a fait très vite l'expérience : nulle prédication, nulle ablution ne peuvent changer l'être humain ! La puissance du péché est telle qu'elle ne peut être enlevée par ces moyens dérisoires. Jean reconnaît son échec de prophète mais il a reçu une révélation : Jésus, lui, et le seul, pourra accomplir l'impossible : parce qu'il a reçu l'Esprit et qu'il en est comblé. Il est l'AGNEAU DE DIEU QUI ENLEVE LE PECHE DU MONDE. Qu'est-ce à dire ? D'où vient cette expression ?

VOICI L'AGNEAU DES BERGERS

Il y a bien longtemps, -peut-être déjà 15 siècles avant le Christ - les bergers du Proche-Orient célébraient une certaine fête. Pendant les deux mois d'hiver, les troupeaux étaient enfermés à l'abri des pluies et des températures plus basses. La nuit de la première lune de printemps, marquant l'entrée dans une nouvelle année, les bergers se réunissaient. On immolait un agneau nouveau-né et, de son sang, on marquait les linteaux des portes en vue de chasser les mauvais esprits ; ensuite, sur la broche, et sans en avoir brisé les os, on rôtissait l'agneau et on le consommait avec des pains sans levain. Après ce repas, les bergers se saluaient et, chacun emmenant son troupeau, ils se dispersaient à la recherche des nouveaux pâturages et des sources à nouveau alimentées. On se retrouverait à la fin de l'été. Cette fête de l'agneau s'appelait PESSAH - en français : passage, pâque.

VOICI L'AGNEAU DES ESCLAVES

Or, précisément, une certaine année, lors de cette fête de PESSAH, Moïse parvint à faire sortir d'Egypte ses frères hébreux qui y étaient esclaves depuis des siècles. Là, on le sait, se situe l'événement fondateur d'Israël. Ce peuple confesse qu'il est né parce que, en cette nuit de PESSAH, Dieu est intervenu afin de le libérer sans qu'il soit nécessaire de combattre. PESSAH est la célébration de la libération : elle proclame pour toujours que Dieu prend le parti des pauvres contre les tyrans totalitaires.

Il était donc impérieux qu'Israël n'oublie jamais cette nuit : c'est pourquoi les fils d'Israël prirent l'habitude de célébrer chaque année cette fête, d'immoler et de partager un agneau dont le sang avait permis l'"exode", la sortie de prison des ancêtres et, du coup, cette mémoire était en même temps promesse que YHWH, en Son Jour, procurerait la délivrance définitive de son peuple.

VOICI L'AGNEAU QUI ENLÈVE LE PÉCHÉ : JÉSUS

A la suite de Jean-Baptiste, Jésus a d'abord beaucoup prêché et appelé les foules à la conversion. En bon Juif, chaque année, il a célébré la Pâque de son peuple. Mais sa mission suscita une hostilité grandissante de la part des Autorités. C'est alors qu'il monta à Jérusalem pour y célébrer la Pâque - conscient que l'étau allait se refermer sur lui.

Et cette nuit-là, tout à coup, à la grande stupéfaction de ses disciples attablés, il "transfigura" le rite : il prit le pain, le bénit, le rompit et le leur donna en disant : "Prenez et mangez : ceci est mon corps" et il fit de même avec la coupe de vin : " Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance...".

Jésus se substitue à l'agneau pascal (dont la présence certaine sur la table n'est même pas mentionnée par les évangélistes) : il interprète son exécution - qui, il le sait, va avoir lieu dans quelques heures - comme un don de lui-même. Aucun sacrifice d'animal ne peut sauver l'humanité : seul le sang de Jésus, Fils de Dieu, - donc porteur d'amour infini - est capable de nous libérer de l'esclavage du péché et de nous combler de la Vie de l'Esprit, cet Esprit dont Jésus est plein.

A la fin de son évangile, rapportant la mort de Jésus en croix au Golgotha, Jean racontera un curieux incident : le soldat, de sa lance, perce le côté de Jésus, il en sort de l'eau et du sang et le témoin, d'un ton solennel, écrit :

"En effet tout cela est arrivé pour que s'accomplisse l'Ecriture :

Pas un de ses os ne sera brisé

Et il y a aussi un autre passage de l'Ecriture :

Ils regarderont Celui qu'ils ont transpercé"

Effectivement le rite de l'ancienne pâque stipulait qu'il ne fallait pas briser les os de l'agneau (Exode 12, 46) ; et un prophète avait prédit qu'un jour on "transpercerait" le Berger suscité par Dieu ( Zach 12, 10).

VOICI L'AGNEAU DANS L'EUCHARISTIE

Extraordinaire évolution du rite pascal ! Ce qui fut d'abord une fête pastorale, un rite de passage qui visait la protection et la fécondité des troupeaux, était devenu, en Israël, la grande célébration de la libération du peuple de pauvres. Et voici, qu'avec Jésus, le rite a pris sa forme définitive et des proportions inédites : Jésus est l'Agneau pascal qui s'offre, qui donne sa vie afin que ses disciples (enfermés dans la nuit du péché, esclaves de leur faiblesse et de leur trahison) soient libérés et entrent dans le Royaume de Lumière, guidés désormais par l'Agneau devenu leur Berger.

Désormais faites attention quand le prêtre tend l'Hostie et répète la phrase de Jean-Baptiste : regardez et croyez...mangez et buvez...

Vous êtes libres,

membres du peuple de Dieu

en route vers les pâturages éternels.