30e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Depuis toujours j'ai eu un faible pour les gens qui vivent en Nouvelle-Zélande et en Australie. J'apprécie également celles et ceux qui vivent au Japon ou encore en Indonésie. J'oserais même me risquer à dire que je les aime alors que je n'ai jamais mis les pieds dans aucun de ces pays. Vous allez me dire qu'il est évidemment aisé d'aimer ces gens qui vivent tellement éloignés de notre plat pays. Et c'est sans doute vrai. Mais si je suis capable d'aimer de telles personnes qui sont à des milliers de kilomètres de chez moi, il doit en être de même avec Dieu qui semble, lui, aussi habiter si loin de chez nous. Le Ciel n'est quand même pas la porte à côté quoiqu'en disent certains. Toutefois, à la lecture de l'évangile de ce jour, j'ai comme l'impression qu'il y a une erreur de logique dans mon raisonnement.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout c½ur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement ». Aimer Dieu. Facile à dire mais personne ne l'a jamais vu. Personne n'arrive à le décrire correctement. Je n'ai dans ma tête aucune image qui me permette de dire comment il est, où il habite, quelles sont ses activités. Dieu est Dieu et il dépasse tout entendement humain. Heureusement pour nous, le Père a décidé un jour d'envoyer son Fils unique parmi nous. Par Lui, Dieu devient plus palpable, plus proche. Mais c'était quand même il y a deux mille ans et beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis. Vu l'absence de moyens technologiques à l'époque, il m'est difficile d'en avoir une image précise. Je n'ai aucune preuve irréfutable de sa divinité. Il ne me reste qu'à croire celles et ceux qui l'ont rencontré et ont vécu avec Lui. Une fois encore, il est bon de se rappeler que Jésus refuse de s'enfermer en Lui-même. Il ramène toujours tout à son Père et c'est par Lui que ce Dieu qui nous semblait si éloigné se rapproche de sa propre création. En Christ, nous pouvons apprendre à découvrir et aimer le Père par ce qu'il nous en dit tout au long de l'évangile. Ce Dieu lointain se fait petit à petit le prochain de son humanité. Mais c'est sans doute face à notre incrédulité persistante que Jésus a estimé nécessaire d'ajouter un second commandement au premier. Et il le met au même niveau car il lui est semblable, proclame-t-il : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Comme l'épisode du bon samaritain nous le rappelle, le prochain n'est jamais une personne éloignée de moi. Le prochain est toujours celle ou celui de qui je choisis de me faire proche.

En d'autres termes, le prochain, c'est moi lorsque je me rapproche de tout être humain. Je ne suis donc pas appelé à aimer la terre entière. Dieu ne nous demande pas l'impossible mais j'ai à découvrir la beauté de l'amour dans les relations de proximité que j'instaure avec celles et ceux qui croisent ma route. Dans la foi, tout prochain, quel qu'il soit, n'est pas seulement humain. Il y a aussi une parcelle de divinité en chaque être. Etre humain, être divin. Telle semble bien être notre condition terrestre. En effet, l'Esprit de Dieu est en chacune et chacun de nous. Il est présent. Il est vivant. Toutes et tous, nous sommes « maison de Dieu » sur terre. C'est dans la relation à l'autre que je peux alors aussi aimer Dieu. Le Père dans l'Esprit est proche de nous. Il est notre prochain par son inhabitation en nous et nous pouvons choisir d'être le sien si nous acceptons d'aimer celles et ceux de qui nous nous faisons proches. C'est aussi simple que cela. Aimer mon prochain me conduit à aimer Dieu. Et cela se vit tous les jours dans les gestes les plus anodins de nos existences, dans une attention renouvelée aux personnes. C'est donc bien par l'autre de l'être humain que je peux commencer un chemin de rencontre avec le Père. De cette manière, je puis entrer en relation directe et personnelle avec la divinité. Il ne s'agit plus d'un mystère éloigné de ma compréhension mais plutôt une occasion d'amour d'amitié entre Lui et moi. Ayant pris conscience que, dans l'Incarnation du Fils et dans le don de l'Esprit, Dieu s'est fait mon prochain, je puis alors en toute liberté répondre à son invitation de le rencontrer pour l'aimer au c½ur même de sa divinité. Amen.