30e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Alors que peu à peu Jérusalem se remplit des foules de pèlerins qui viennent de partout pour célébrer la grande fête de la Pâque, Jésus poursuit son enseignement sur l'esplanade. Toutes les catégories qu'il dérange le harcèlent de questions sur les points fondamentaux de sa foi.

Matthieu rapporte quatre débats : après celui sur le tribut à César et celui sur la résurrection (omis par la liturgie), voici le 3ème.

LE GRAND, LE PREMIER COMMANDEMENT

Apprenant que Jésus a fermé la bouche aux Sadducéens, les Pharisiens se réunissent et l'un d'eux, un docteur de la Loi, pose une question à Jésus pour le mettre à l'épreuve :

Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ?

Les Pharisiens ont mauvaise réputation mais c'était des hommes extrêmement croyants, pieux et généreux. Ils ne croyaient pas à la révolte armée : pour eux, le salut d'Israël viendrait par une vie fidèle à Dieu, par l'observance sans faille des préceptes divins. Mais dans la multitude des pratiques léguées par la tradition, quelle était donc la plus importante : la circoncision ? le sabbat ? les fêtes ? les prières ? ...

Jésus lui répond :

-  Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c½ur, de toute ton âme et de tout ton esprit.

Voilà le grand, le premier commandement.

Et voici le second qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Jésus recentre toute la législation sur l'AMOUR. Il n'invente pas les termes de sa réponse : il joint deux versets qui sont séparés dans les Ecritures, tout en leur laissant un ordre.

TU AIMERAS DIEU : Alors qu'auparavant on disait : "craindre Dieu", c'est la première fois que la Bible ose cette expression. (Deutéronome 6, 6). Ainsi donc le rapport à Dieu n'est pas celui d'un esclave craintif face à une force irrésistible, celui d'un serviteur à un maître, mais il peut être un lien entre personnes, un lien d'amour et d'amitié.

Evidemment cet amour n'est pas un sentiment variant au gré des humeurs, un contrat qui sécurise à bon compte, une pulsion aux rythmes volages. C'est une relation forte, ferme, fidèle, qui s'applique à répondre par toute l'existence à un désir de Dieu qui ne peut être que le bonheur de l'homme.

DE TOUT TON C¼UR : dans la Bible, le c½ur n'est pas le siège des sentiments et des passions mais celui des décisions et des engagements. C'est le centre de la personne, là où elle se construit par ses volontés et ses projets.

DE TOUTE TON ÂME : ce qui signifie de toute ta vie. Celle-ci doit garder son orientation axiale vers son Dieu. A tel point que, s'il le faut, le croyant ira jusqu'à donner sa vie et acceptera le martyre plutôt que de manquer à son Dieu.

DE TOUTE TA PENSEE : Car la foi ne se réduit pas à une impression, elle doit être réfléchie, rationnelle. Aimer Dieu, ce n'est pas se laisser porter par l'hérédité, la foule, l'habitude : c'est chercher à connaître Dieu, s'appliquer à comprendre ce qu'il veut. Précisément afin de mieux l'aimer, afin de répondre à son désir.

UN SECOND EST SEMBLABLE :

 

TU AIMERAS TON PROCHAIN COMME TOI - MÊME

Ici Jésus reprend un verset du Lévitique (19, 18), signe que cet amour était déjà ordonné dans l'Ancien Testament et qu'il devait aller au-delà de la politesse, de la bienséance et de la tolérance. Agis envers l'autre comme tu voudrais que l'on agisse envers toi, dit la règle d'or.

L'amour pour Dieu l'Infini est premier afin que l'amour du proche ne soit pas particulariste, limité au cercle de la famille ou de la nation, et afin qu'il ose s'ouvrir au maximum des exigences sans se contenter d'une vague coexistence pacifique.

Mais le commandement d'amour du prochain s'enchaîne tout de suite au premier et lui est "semblable" sinon l'amour risquerait de se confiner dans l'idéalisme, la piété, les belles pensées.

C'est en aimant les êtres humains, en acte et en vérité, que nous vérifions l'authenticité de notre spiritualité.

La charité envers l'homme est le test de la foi envers Dieu.

TOUT DEPEND DE L'AMOUR

Jésus termine sa réponse en ajoutant :

Tout ce qu'il y a dans l'Ecriture - dans la Loi et les Prophètes -

dépend de ces deux commandements

La traduction exacte est "tout est suspendu". Jésus ne supprime donc pas les ordonnances et les pratiques contenues dans "La Loi et les Prophètes" mais il précise que l'amour est la source dont tout le reste dépend. Sans l'amour, on peut être un honnête citoyen, un pratiquant pointilleux, un théologien savant, un spécialiste des règlements (comme ces pharisiens qui questionnent Jésus) - mais tout cela est vain si pensées, paroles et actions ne sont pas engendrées par l'amour et si croyances et rites ne portent à aimer.

Inversement l'amour, pour ne pas demeurer une sensation stérile ou une vague impression religieuse, doit se concrétiser par l'obéissance à des lois.

La réponse vraie à Dieu n'est pas légale ou rituelle, religieuse ou pieuse mais amoureuse et vitale. Et, parce qu'elle est vitale, elle est effort de piété, de générosité, actes de prière et de service.

L'évangéliste ne dit rien de la réaction des interlocuteurs de Jésus : ils disparaissent de la scène sans rien dire. Signe qu'ils sont d'accord avec lui. Judaïsme et christianisme concordent sur cette proclamation de Jésus : notre vocation est d'aimer.

Et cependant, quelques heures plus tard, certains parviendront à faire condamner Jésus mais sur la croix il manifestera comment il a vécu et appliqué son enseignement.

Devant le crucifix ou lors de la célébration eucharistique, l'amour n'est plus une injonction : il est Don de Dieu puis réponse du croyant, offre d'un c½ur humain à un Dieu qui d'abord nous a donné le sien.

St Paul écrira : " En ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs" ( Rom 5, 8)

Et St Jean : " Voici ce qu'est l'amour : ce n'est pas nous qui aimons Dieu, c'est Lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime d'expiation pour nos péchés" ( 1 Jean 4, 10).

JOURNEE DE LA MISSION : notre programme est tout tracé. Portée par l'amour du Christ, et appliquée à vivre cet amour, l'Eglise est de soi évangélisatrice.