Beethoven étant devenu sourd, tomba dans la dépression et s'en prit un jour de colère à Dieu en lui criant : « Pourquoi, Dieu, suis-je devenu sourd ? Ce que tu m'as donné, était-ce pour me l'enlever au moment où je pouvais donner le meilleur de moi-même ? Etais-je devenu trop encombrant pour toi ? Je comprends mieux maintenant pourquoi il est écrit que tu es un Dieu jaloux. Mais qu'ai-je donc fait de mal pour mériter une punition pareille ? » Aussitôt, il entend une voix toute intérieure qui lui répond : « De là où je suis, je ne t'ai rien imposé du tout. Tu découvres simplement l'histoire de la vie dans sa fragilité inexorable. Alors, soit tu peux continuer à te lamenter et à me rendre responsable de ce qui t'arrive, soit tu cherches à découvrir une autre musique, celle du ciel et des anges. » C'est peu après que Beethoven composa une véritable musique céleste : la 9ème symphonie avec ch½ur en ré mineur qui contient le célèbre Hymne à la Joie. Cet hymne est devenu la musique la plus enregistrée de tout le répertoire musical de tous les temps ; la musique la plus écoutée et jouée dans toutes les cultures. D'ailleurs, depuis le 19 janvier 1972, son prélude est devenu l'hymne de l'Union européenne. L'Hymne à la joie n'a rien de terrestre. C'est une musique divine, une ode du ciel où les dernières paroles nous chantent : « au-dessus de la tente céleste, doit régner un tendre père. Vous prosternez-vous millions d'êtres ? Monde, Pressens-tu ce créateur ? Cherche-le au-dessus de la tente céleste, au-delà des étoiles, il demeure nécessairement. » C'est un Père plein de tendresse qui s'adresse à nous aujourd'hui encore et il nous appelle chacune et chacun par notre prénom pour vivre de sa vie. A l'image de Samuel, toutes et tous, nous sommes des êtres appelés. L'appel n'est pas un privilège réservé à une catégorie spécifique de personnes. De par notre simple condition humaine, nous sommes appelés par Dieu à la Vie. Le Père ne nous regarde pas du haut de sa divinité et encore moins, il ne jette un simple coup d'½il sur sa Création. Non, comme son Fils, le Père pose son regard sur nous. Il pose son regard pour nous inviter à parler avec nos yeux. En effet, notre regard est bien souvent le reflet de notre âme. Il dit quelque chose de ce que nous traversons. Il n'arrive pas à cacher nos émotions. Le regard de tout être humain est comme une page qui n'attend qu'à se laisser déchiffrer par celles et ceux qui acceptent de la lire. Il est cette porte d'entrée qui nous conduit à l'essentiel de notre être, là où se trouve le fondement de notre fondement, c'est-à-dire notre pierre intérieure. Un peu comme si le Christ venait nous dire : « oui, toi aussi tu es pierre ». En nous, il y a comme un socle qui ne peut s'abîmer, se fracasser. Il est cette pierre angulaire qui nous ramène à cette part intouchable malgré notre fragilité qu'elle soit due à la maladie, à la mort d'un être cher, aux blessures de l'existence. En chaque créature humaine, il y a ce lieu intérieur qui nous confirme dans notre dignité et ce, qui que nous soyons, quoique nous ayons fait ou subi. Il y a de l'intact en nous, mieux encore du merveilleux divin. Cette part divine n'est pas à sous-estimer mais plutôt à reconnaître pour nous faire entrer dans la musique céleste de Dieu. Ne serions-nous pas inviter malgré ce par quoi nous passons à composer l'hymne de notre vie mais autrement ? Trop souvent, nous nous sentons submergés. Nous avons pu parfois ou encore maintenant avoir le sentiment de vivre l'existence au rythme effréné d'une société en quête de sens et qui n'arrive plus toujours à se trouver. Les lectures de ce jour viennent alors susurrer au creux de notre c½ur de prendre conscience de notre condition d'appelés à la vraie vie, celle qui se décline au temps de Dieu où le passé renforce le présent pour mieux entrer dans l'avenir céleste. Puissions-nous alors vivre chaque seconde comme cet hymne à la joie né au c½ur de la fragilité de celui qui l'a composé. Osons, nous aussi, découvrir cette musique du ciel et des anges, pétris de cette certitude que ce chemin est aisé puisque, grâce à la venue du Fils de Dieu sur terre, le ciel est dorénavant en nous. Tournons-nous alors vers notre pierre intérieure tout fragile que nous puissions être pour laisser le Père nous conduire vers une dimension éternelle de la Vie qui prend sa source dans la douceur de regards échangés. Que l'Hymne à la Joie devienne à son tour notre hymne intérieur.
Amen