2e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Lorsque j'étais étudiant en droit, je fréquentais très rarement les auditoires. J'étais d'ailleurs tellement peu assidu aux cours qu'il m'est un jour arrivé de découvrir la tête de mon professeur lors de l'examen.  Cependant, il y avait un cours que je ne voulais rater sous aucun prétexte : celui de mon professeur de logique ! J'y allais non pas parce que cette matière m'intéressait, mais parce que ce professeur avait l'habitude de terminer ses cours par des tours de magie, plus hallucinants les uns que les autres ! ?Avouez que dans la magie --en ce qu'elle déguise la vérité-- il y a toujours quelque chose de fascinant.

Vous le savez, l'épisode de Cana a très souvent été caricaturé comme un miracle presque magique de Jésus. Or, l'évangile n'a rien à voir avec du miraculeux, encore moins avec de l'illusion. ??Le récit de Cana nous offre le premier signe qui préfigure tous les autres signes. C'est le signe d'une transformation, d'un passage, le signe de Pâques tout simplement.

Et les six jarres vides en pierre constituent l'élément de départ du récit, tout comme le tombeau vide pour les récits de Pâques.?Mais ces jarres de pierre demandent à être remplies. Elles symbolisent cette humanité vide, en quête de sens, obsédée par la tension entre le permis et le défendu. Et à ce vide, cette angoisse existentielle, Jésus vient substituer une dynamique d'amour symbolisée par le vin nouveau de l'Esprit,
le vin de la joie. ?
Le symbole de l'eau nous plonge dans les premières lignes de la bible, ?au commencement, où l'esprit de dieu planait sur les eaux. ?Le vin, par contre, nous plonge dans les dernières lignes de la bible. ?C'est le symbole de l'accomplissement, des noces. ?Et entre les deux, il y a vous !
Oui, vous comme moi : nous avons à vivre cette transformation de Cana ?au quotidien. Vivre Cana, c'est quitter l'eau d'une vie stagnante, ?transformer l'homme ancien qui sommeille en nous, ?pour découvrir cette joie profonde, ce vin de la fête, qui se risque à croire que le meilleur est devant !
Nous sommes invités à voir le bon pour la fin, à avoir cette conviction, ?--qui n'est justement pas une illusion-- que du meilleur est toujours possible et à faire advenir.

***

Dans son livre « Stupeur et tremblements », la romancière belge Amélie Nothomb écrit ceci : « Moi, quand j'étais petite, je voulais devenir Dieu. Mais vers l'âge de cinq ans, j'ai compris que mon ambition était irréalisable. Alors, j'ai mis un peu d'eau dans mon vin et j'ai décidé de suivre le Christ. »

Citation curieuse et amusante, mais j'ai l'impression que c'est l'inverse qu'il faut faire ! ?Suivre le Christ, ?c'est mettre du vin dans son eau.
C'est mettre de la joie et du goût là où il n'y en a pas.
C'est agir non par devoir, de manière rituelle,
mais par amour, par gratuité.

Oui, permettez-moi la formule, mais comme chrétiens, ?nous sommes invités non pas à mettre de l'eau dans notre vin, ?c'est à dire à mettre du devoir et des obligations partout, ?mais plutôt à mettre du vin dans notre eau !
à mettre un peu d'ivresse dans la vie?à mettre un peu joie dans nos existences parfois pleines de larmes.
à mettre un peu d'évangile de nos vies.??L'évangile est le meilleur vin qui soit. Mais il faut le boire. Pas le conserver bien au chaud. Avouez qu'il n'y a rien de plus triste qu'une belle cave de vin quand toutes les bouteilles sont passées !! Alors, reprenons un peu d'évangile ! Pour mettre de la joie divine dans notre humanité blessée.

Et cet évangile de liberté passera toujours par nous !?
D'ailleurs, l'eau se change en vin non pas dans les jarres mais  lorsqu'on la sert. C'est donc bien dans la relation et dans le don que se réalise cette promesse du Christ. Pour cela, il ne s'agit pas de s'illusionner soi-même, de faire comme si la tristesse n'était pas là ou affirmer que le devoir et les limites n'ont pas de sens.

Mais si nous voulons prendre l'évangile au sérieux, il s'agit plutôt de découvrir que l'espérance chrétienne veut que la tristesse peut toujours être transfigurée en joie, pour de vrai. ?Que le premier signe que Jésus opère à Cana
n'est pas une manifestation de puissance, ?mais l'unique signe, celui de Pâques,
où l'eau de nos larmes fait place à la joie de Pâques,
où un tombeau vide nous invite au festin des noces. Amen.