Certains prétendent aujourd'hui que la confession n'est plus à la mode. Que c'est un sacrement qui n'a plus sa place dans la vie de beaucoup de croyants. S'avouer pécheur face à un autre semble de plus en plus démodé. Il est vrai que nos confessionnaux sont très souvent vides (ou comme ici à Froidmont, il n'y en a même pas). Cependant je suis convaincu que la confession n'a pas pour autant diminuer. Nous continuons à confesser les péchés. Souvent, très souvent et bien plus qu'on ne le pense. Oh, nous ne confessons pas les nôtres mais plutôt ceux des autres. Un peu à l'image du pharisien de notre évangile lorsqu'il affirme qu'il n'est pas comme les autres : voleurs, injustes, adultères.
Nous n'allons sans doute pas aussi loin. Nous ne sommes peut-être pas aussi durs dans nos propos. En tout cas nous en avons l'impression. Mais combien de fois, ne sommes nous pas entrain de parler des autres aux autres. Et cela peut se vivre que nous soyons à deux ou en groupe. C'est tellement rassurant et si facile. Tant que je parle de l'autre, je ne me dévoile pas, je me protège. Je passe un bon moment tout en ne permettant à personne de venir vaguer dans les méandres de ma propre pensée. Cette distance me rassure. Je ne crains pas d'être abusé voire même trahi puisque je ne te dis pas qui je suis. Pharisiens, nous le sommes donc parfois et nous avons alors à quitter ce sourire amusé pensant que l'évangile ne nous est pas personnellement adressé. Si nous ne parlons pas des autres aux autres, nous avons encore un autre moyen de nous protéger. Je ne parle toujours pas de qui je suis mais de ce que je fais. Et nous voilà à nouveau dans la peau du pharisien : " je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne ". Phrase à transposer dans notre langage d'aujourd'hui : " j'ai fait ceci et encore cela ". J'acquiers une certaine valeur à mes propres yeux et à ceux à qui je m'adresse. M'enfermer dans la spirale du " faire " me conduira peut-être à être admiré. En effet, j'ai la conviction profonde, que nous sommes admirés pour ce que nous faisons et aimés pour ce que nous sommes. Il y a donc du pharisianisme en chacune et chacun de nous et nous sommes conviés avec les lectures de ce jour à dépasser nos propres craintes, nos propres attitudes d'auto-protection pour faire ce chemin intérieur d'oser dire qui nous sommes. A l'image, cette fois du publicain qui susurre : " Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ". " Que je suis ". Mais pour oser dire " qui je suis ", je dois me sentir en sécurité, en confiance. La relation doit être simple, désencombrée de toute crainte. C'est dans l'amitié, dans l'amour que je peux le vivre. Et cette fois, je prends un risque parce que m'offrant de la sorte, j'accepte d'être confronté au regard de l'autre même si je sais que puisqu'il ou elle m'aime, je ne serai pas jugé, condamné. N'oublions jamais que plus grand est le risque, plus grand sera la récompense (le rendement pour reprendre les termes de notre seconde lecture). La vérité partagée de qui nous sommes et de ce que nous ressentons au plus profond de nous, submerge notre être d'un sentiment de bonheur indicible. Je peux vraiment être qui je suis, sans ombre, sans bruit, face à quelqu'un d'autre. Notre condition humaine fait que nous avons l'impression que puisque nous sommes dans le champ de l'amitié et de l'amour de sentiments, cela ne peut pas se vivre très souvent. Le chemin de la confiance prend du temps. Entre nous c'est vrai. Mais il en va tout autrement avec Dieu. Dieu, pour nous croyantes et croyants est le lieu par définition de vérité et de confiance. A Dieu, je peux tout dire, tout partager et j'ai en moi ce sentiment profond qu'il m'entend et qu'il m'aime. Nous avons donc une chance, un privilège unique sur cette terre : celui de croire avec force qu'en nous Dieu vit à chaque instant, à tout moment. Il est là présent et chaque fois que nous en ressentons le besoin, nous pouvons nous tourner vers lui, lui partager ce que nous sommes, ce que nous ressentons. Avec lui, je peux m'avouer mes contradictions, mes paradoxes. Il m'accueille et m'accepte tel que je suis. Dieu est amour et confiance. Ne passons pas à côté d'une telle aubaine : vivons en Dieu de cette vérité qui nous façonne et éclaire l'être que nous sommes. Fort de cette expérience en Dieu peut-être arriverons-nous, entre nous, plus facilement à nous dévoiler nous aussi sans crainte, sans bruit. Amen.