Il y a, m'a-t-on toujours prétendu, un de nos organes qui ne grandit pas et qui a atteint sa taille dès la naissance. Je parlerai donc sous l'autorité des ophtalmologues de cette assemblée. Il s'agirait de nos yeux. Ces derniers ne changeraient donc plus. Nos yeux sont d'ailleurs étonnants. Nous ne pouvons pas les contrôler. Pire encore, nous ne pouvons pas les tromper. Il est impossible de mentir avec ses yeux. Ils dévoilent souvent quelque chose de l'âme d'une personne. Il est vrai que dans la vie, il y a tellement de manière différentes de communiquer. Nous pouvons le faire par la parole, par l'écrit, par des gestes de tendresse, par le don de quelques fleurs ou autres objets. Et nous pouvons également parler par nos yeux. Ceux-ci peuvent facilement trahir les sentiments qui nous habitent.
Me vient à l'esprit, le regard de douceur où s'exprime tout l'amour d'un être pour une autre personne. De tels yeux vous réchauffent à jamais le c½ur et s'inscrivent dans la mémoire de nos sentiments. Il suffit également parfois d'un regard pour dire toute la complicité entre deux êtres humains ou encore pour exprimer une compréhension, une compassion à ce qui vient d'être dit ou à ce qui se vit. Me vient également à l'esprit, le regard de confiance où tout a pu se dire sans qu'aucun mot ne soit sorti de notre bouche. Nos yeux ont parlé. Tout simplement. Tout tendrement. De tels regards nous font grandir en humanité. Ils sont nécessaires à notre croissance, à notre devenir car ils nous façonnent et nous ouvrent de la sorte le regard vers un horizon de paix intérieure.
Il y a hélas également dans la vie des regards qui nous glacent à jamais tellement ils expriment la froideur de ce que l'autre ressent à notre égard. Mais il y a pire encore, il s'agit du regard de suffisance, voire de mépris où notre interlocuteur nous fait comprendre dans le silence de ses yeux à quel point nous n'avons aucune valeur à ses yeux. Un tel regard est humiliant, dégradant car ces yeux-là nous tuent sur place, à l'instant même où ils croisent notre regard. Nous sommes alors confrontés à la solitude de l'incompréhension, voire d'un jugement sans appel possible. Quoiqu'il en soit, un regard n'est jamais neutre. Il est d'une certaine manière le miroir de notre âme offert à la contemplation de tous ceux et celles qui nous regardent. Il est cette offrande infinie que nous cherchons à déchiffrer chez l'autre afin de pouvoir entamer une relation. Rien de pire alors que d'être confronté à un regard de jugement, un regard de condamnation comme si l'autre pouvait voir au plus profond de nous même. Je te juge et te condamne car j'ai la prétention de croire que je sais tout. Erreur ô combien humaine. Le tréfonds de l'âme n'est offert qu'au regard de Dieu.
Lui et lui seul peut nous connaître dans le plus intime de notre être là où aucune être humain ne pourra jamais prétendre avoir la connaissance totale de l'autre.
Il y a en chacune et chacun de nous un jardin secret où seul Dieu vient se promener. Il y a en chacune et chacun de nous un part de mystère qui nous dépasse et auquel seul le divin peut accéder. Cette partie de notre être lui est réservée. Elle contient toutes les potentialités de ce que nous sommes appelés à devenir un jour que ce soit dans cette vie-ci ou dans la vie éternelle. Trop souvent, nous voyons chez les autres l'imperfection, les manquements et nous nous arrêtons à ces premières impressions. Nous portons un regard dur, un regard qui juge et nous n'allons pas au-delà. Il en va tout autrement pour Dieu d'après les textes de ce jour. Le Dieu qui s'est révélé par les prophètes et dans l'Incarnation est un Dieu qui ferme les yeux sur nos manques d'amour, nos péchés pour que nous puissions nous convertir. Ils ne nous enferment pas en ces derniers car lorsque nous tombons, il nous reprend à notre rythme, il nous avertit pour que nous nous détournions de ce qui nous empêchent de devenir nous-mêmes. Le Fils Jésus, notre frère, voit en chacune et chacun de nous ce saint qui sommeille et toute cette pureté que nous sommes appelés à découvrir, à devenir. Comme pour Zachée, le Christ porte aujourd'hui encore sur nous un regard bienveillant de compassion et de miséricorde. Un regard nous appelant à exister mais à exister autrement c'est-à-dire à inscrire notre vie en Dieu en l'écrivant avec l'encre de l'Esprit Saint, une encre indélébile qui nous conduit à ne poser que des actes d'amour révélant ainsi la divinité existant en chaque être.
Amen