Mt 15, 1-13
Je me rappelle de cette blague circulant dans le milieux ecclésiastiques et commençant par la question suivante : comment sait-on qu'un italien est catholique ? C'est très simple, il est catholique si sa femme va à la messe tous les dimanches. Intéressant comme réponse mais tout à fait à l'encontre de l'évangile de ce jour.
Nous la connaissons toutes et tous cette parabole des jeunes filles insensées et prévoyantes. Depuis le temps que nous l'entendons. Et puis, au premier abord, elle est choquante, dérangeante cette histoire. Elle va à l'encontre des bons principes chrétiens qui nous ont été inculqués tout au long de notre enfance : il faut prendre soin de l'autre, il faut partager avec celles et ceux qui ont moins ou voire même qui n'ont pas. Si nous le faisons, alors nous serons vraiment gentils et le petit Jésus sera content. Dans cette perspective évidemment l'évangile de ce jour est heurtant. Nous sommes un peu déboussolés par l'égoïsme des cinq jeunes filles prévoyantes. Or, je crois, le texte est nettement moins dur que ce qu'il n'y paraît à première vue.
Il rappelle simplement qu'il y a des choses qui ne se prêtent pas, qui ne s'empruntent pas. Je peux vous parler d'une relation d'amitié que j'ai avec quelqu'un, de la relation que je vis avec le Christ. Je peux vous en parler sans problème mais je ne peux pas vous la prêter. Vous ne pouvez pas me l'emprunter et c'est ce que notre cher italien de la blague de tout à l'heure n'a pas saisi. La relation à Dieu est d'abord et avant tout une relation personnelle. C'est à chacune et chacun dans son for intérieur de la trouver, de la composer et surtout de la vivre. Mais Dieu nous semble souvent bien silencieux et parfois ses échos résonnent peu en nous. Un des chemins proposés par Lui est alors sa rencontre au travers des Ecritures. Et aujourd'hui, dans la première lecture, il se présente à nous non pas en Père Tout Puissant mais en Mère pleine de douceur et de tendresse. Dieu dévoile de lui la face sensible de son Etre dans des mots que nous ne lassons pas d'entendre. Ils glissent doucement, ils frôlent tendrement les cordes fragiles de notre foi. Ces mots-là disent quelque chose du mystère de Dieu. Un Dieu d'amour. Un Dieu qui nous façonne puisqu'en le cherchant, il se laisse trouver nous dit l'Ecriture. Un peu comme si en apprenant comment nous sommes aimés, nous aussi nous apprenons à aimer. Mettons alors un peu de douceur dans notre liturgie pour écouter et faire vivre en nous à nouveau cette superbe lecture de la Sagesse.
Cette sagesse nous conduit au coeur d'une rencontre. Elle est là, elle existe. A nous de la trouver. Nous ne sommes plus dans l'ordre du savoir, de la connaissance mais plutôt dans celui de la confiance. Un peu comme l'enfant qui fait confiance à son grand-père même s'il ne comprend pas tout. La sagesse de Dieu, tendresse divine est ce vers quoi nous devons tendre. Elle n'est pas seulement quelque chose à regarder, à contempler. Il ne suffit pas d'y croire, il faut en vivre. Et ça, au risque de me répéter, cela ne se partage pas, cela ne s'emprunte pas. Nous sommes dans un champ éminemment personnel. La relation au Père est un peu à l'image des lampes d'huile de l'évangile. Cette foi en Lui s'entretient, se nourrit. Elle est comme un petit réservoir intérieur ayant ses propres réserves. Et de temps à autre, chacun à son rythme et selon ses propres besoins nous avons besoin de le remplir, de faire le plein de nos batteries.
C'est en ce sens que je comprends l'importance de nos eucharisties dominicales. Elles sont un temps, un moment dans cette course folle de la vie. Un temps donné pour recharger nos accus, pour prendre un peu de hauteur sur nous-mêmes, pour chercher du sens à ce que nous vivons. Un peu de temps pour Dieu et tant de temps pour nous. Les forces que nous trouvons en nous, dans nos réserves intérieures, sont des conduites essentielles de nos existences. Face à la dureté de certaines réalités, face aux souffrances et injustices endurées, notre relation à Dieu, notre rencontre avec la Sagesse divine, notre confiance et notre espérance trouvent leurs sources et leur sens dans le temps que nous nous donnons pour revenir à l'essence de nos vies. Celui qui cherche la Sagesse dès l'aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte. Ouvrons alors chacune et chacun la porte de notre coeur pour laisser entre en nous ce Dieu-Sagesse, Mère de Tendresse et de douceur.
Amen