Depuis qu'il est entré à Jérusalem, Jésus enseigne sur l'esplanade du temple et la foule applaudit lorsqu'il répond aux questions pièges des autorités religieuses. Mais après plusieurs débats, c'est Jésus lui-même qui contre-attaque : avec force, il dénonce les défauts très graves de certains qui se présentent comme les guides du peuple.
Dans une religion centrée sur le Livre des Ecritures - la Torah sacrée, trésor des révélations de Dieu -, les docteurs de la Loi ou scribes (ou rabbins comme on dit aujourd'hui) tenaient une place centrale : ayant suivi une très longue formation, devenus spécialistes de l'explication de textes et de connaissance de la tradition, ils dégageaient le sens précis des versets des Ecritures et résolvaient les cas compliqués de jurisprudence. C'était des experts érudits, des théologiens revêtus d'une très haute autorité, des sages renommés dans tout le pays. Mais Jésus dénonce le mal caché 5 fois sous leurs belles apparences :
Pour marquer leur rang, ces hommes portaient d'amples vêtements, bien décorés, qui les signalaient comme des êtres à part, une "élite". Vanité.
Ils étaient sensibles aux marques d'honneur et aux révérences qu'on avait coutume de témoigner aux "grands maîtres" dans les lieux publics. Vanité
Bien entendu, à la synagogue et dans les réceptions, ils siégeaient aux premiers rangs. Vanité.
Mais cette parade cachait la ruse : ces beaux messieurs savaient l'art d'embobiner de riches veuves pour détourner à leur profit une part d'héritage. Cupidité
Ils se manifestaient comme très croyants et très pieux en faisant de longues stations de prière en pleine rue. Hypocrisie.
"Ils seront sévèrement condamnés" : Sur ce jugement sans appel de Jésus, il convient de faire trois remarques.
D'abord il est évident que tous les scribes ne correspondaient pas à ce portrait et que beaucoup, la majorité sans doute, se comportaient de façon très simple et très honnête. Jésus ne dit pas que ceux qui détiennent des responsabilités sont automatiquement condamnables pour de tels excès.
Ensuite il ne faut pas oublier que Marc écrit son évangile dans les années 60-70, à un moment où les communautés chrétiennes se développent partout et sont violemment attaquées par les scribes qui sont les dirigeants du judaïsme de l'époque.
Enfin il ne faut pas être dupe : en dénonçant cette hypocrisie, cette vanité et cette cupidité des scribes du temps de Jésus, Marc met en garde les autorités de son Eglise chrétienne. Il ne faut absolument pas que les guides des communautés reproduisent de tels errements. Que les évêques, anciens, diacres et théologiens chrétiens prennent bien garde à ne pas basculer dans ces vices, qu'ils se rappellent l'enseignement de Jésus : " Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous" ( Mc 10, 40). Dans l'Eglise des premiers temps, nul ne portait des insignes spéciaux ni des vêtements d'apparat, tous les titres honorifiques étaient bannis. Rien ne distinguait extérieurement saint Pierre ou saint Paul des autres chrétiens.
Comment, après ces précisions si claires, l'Eglise a-t-elle par la suite toléré, sinon encouragé, la course aux honneurs, la fringale des titres, le déploiement des fastes, le goût des brocarts, des colifichets, des capes...et même des chaussettes violettes ( sic !) Vanité qui serait risible...si elle n'avait pas été la cause de l'incroyance de beaucoup, éc½urés par cet aspect mondain d'une Eglise parlant si bien des pauvres et courant aux richesses, vantant l'humilité et imbue d'elle-même, dressant la croix mais guignant les trônes. Le dernier Concile Vatican II a heureusement mis un frein à beaucoup d'antiques extravagances, il a promu un retour à plus de sobriété - mais qui ne voit qu'il y a encore beaucoup à faire pour retrouver une Eglise au visage d'Evangile !?...
QU' EST - CE QUE LA GÉNÉROSITÉ ?
Jésus s'était assis dans le temple, en face de la salle du trésor et il regardait la foule déposer de l'argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s'avança et déposa deux piécettes. Jésus s'adressa à ses disciples : " Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu'elle avait pour vivre".
A un endroit de l'esplanade du temple, sur un mur, étaient tallées les fentes destinées à recueillir les oboles des pèlerins. A quelque distance, l'air de rien, Jésus observe les manèges.
Des dignitaires, des commerçants enrichis, des gens très bien, superbement vêtus, s'approchent des troncs et font en sorte que l'on voie bien à quel point ils sont généreux. Les disciples de Jésus doivent être parfois sidérés par les grosses sommes offertes par certains. "Quelle générosité !" murmure un apôtre à Jésus. Survient une pauvre vieille qui glisse deux sous ! Ridicule ! ???
Et Jésus de faire une leçon magistrale aux siens : la générosité ne dépend pas de la somme donnée mais de la proportion entre ce que l'on a et ce que l'on donne. En effet quel mérite a un multipropriétaire de donner un gros billet ? Ce geste ne grèvera absolument pas son budget, n'altérera en rien son train de vie, ne l'empêchera nullement de faire bonne chère et de se payer de beaux voyages. Il n'a pas encore approché la charité. Mais cette femme, qui a donné le peu qu'elle avait, a révélé une générosité folle. Pour Dieu qui voit tout, c'est elle évidemment qui a le plus donné.
Que cela nous conduise à réviser nos jugements superficiels : les plus pauvres sont parfois les plus généreux.
Jésus semble très frappé par ce geste. Mais lui, il va aller encore plus loin dans l'offrande : dans quelques heures, ce sera la grande fête de la Pâque. Juste avant les festivités, on va arrêter, juger, condamner et exécuter Jésus au Golgotha et là il va "tout donner". Non son AVOIR mais son ETRE, non ses biens mais sa VIE, pour le pardon des péchés du monde. Celui qui n'avait jamais porté de signes ostentatoires sera, nu, pendu au gibet, : il sera à jamais le SIGNE authentique de l'amour total sans vanité ni hypocrisie