Comme il l'avait d'ailleurs annoncé, Jésus a échoué à convertir Jérusalem. En ces jours d'approche de la Pâque où affluaient les pèlerins, sur l'esplanade du temple, il a annoncé sa mission, il a appelé à la conversion, au changement de vie, il a répondu aux questions des sadducéens et scribes. Peine perdue : le "système religieux" sclérosé, refusant toute remise en question, est décidé à supprimer Jésus.
Alors, écrit Marc, "Jésus sort du temple" (13, 1) (c'est la dernière fois), il descend dans la ville basse, traverse le Cédron et remonte sur la colline d'en face, le mont des Oliviers, d'où l'on peut admirer la ville et le temple qui la domine. En effet, 50 ans auparavant, le roi Hérode avait lancé une grande campagne de travaux pour étendre la superficie de l'esplanade, réparer, agrandir et orner le sanctuaire avec des matériaux de luxe. Les disciples ne se lassent pas d'admirer cet ensemble majestueux mais quelle n'est pas leur stupeur lorsque Jésus leur déclare : " Ces grandes constructions, il n'en restera pas pierre sur pierre : TOUT SERA DETRUIT".
Serait-ce l'annonce de la fin du monde ?...Les disciples posent deux questions : " Quand cela arrivera-t-il et quel sera le signe que tout va finir ?"
LES CHRETIENS DANS UNE HISTOIRE DRAMATIQUE
Jésus leur tient alors un grand discours (tout le chapitre 13- le plus long dans st. Marc) où il leur annonce les grandes lignes de ce qui va arriver et leur intime leur mission capitale. Notons en résumé ( 13, 5-23) :
Ouvrez l'½il, restez sur vos gardes car beaucoup de faux Messies surgiront qui promettront bonheur, succès, paix, libération. Surtout ne jamais les suivre.
Il y aura encore des guerres et des calamités naturelles.
Il faudra annoncer l'Evangile à toutes les nations
Ce sera dangereux : vous serez persécutés violemment, traduits devant des tribunaux mais l'Esprit vous inspirera vos réponses.
Les familles se déchireront à cause de Jésus.
Un jour surviendra une tragédie en Judée : il faudra fuir la ville au plus vite.
C'est ici que s'accroche le passage lu aujourd'hui.
LA VENUE DU FILS DE L'HOMME
"En ces temps-là, après une terrible détresse, "le soleil s'obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées". Alors on verra le Fils de l'homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, de l'extrémité de la terre à l'extrémité du ciel".
Jésus s'exprime à la manière des apocalypses qui tentaient d'évoquer le bouleversement, le charivari cosmique provoqué par les ultimes interventions divines. Mise en scène grandiose pour faire percevoir l'essentiel de l'événement : LA VENUE DU FILS DE L'HOMME DANS LA GLOIRE DIVINE.
Quel contraste avec l'annonce faite naguère près de Jéricho quand Jésus avait calmé les ambitions de ses disciples en leur disant : "Le Fils de l'homme est venu non pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude" ( 10, 45)
Oui, pour l'heure, dans sa ville, Jésus se présente en condition humaine, pauvre, fragile, vulnérable, victime de l'injustice et de la haine. Mais il se sait Fils de l'Homme, ce personnage mystérieux, objet de la vision du prophète Daniel, qui devait un jour recevoir de Dieu la royauté universelle. Maintenant c'est l'heure de la croix mais ensuite, viendra le temps de la Gloire. Le crucifié vivant surgira et il enverra ses anges, ses envoyés pour rassembler les élus. Non ceux que Dieu choisirait de façon arbitraire, mais ceux qui auront eu le courage de vivre en conformité avec le message de Jésus. C'est donc le Crucifié Vivant qui réalisera ce que nous, les hommes, aurons toujours échoué à faire : UNIR LES HOMMES DANS L'AMOUR.
La ligne directrice de l'histoire est tracée, au moins en pointillé, les fausses illusions dissipées et l'ESPERANCE attribuée. Reste l'autre question des disciples : Jésus poursuit :
ET LA DATE ?...
Les épreuves et les malheurs ne manqueront pas mais Jésus donne un réconfort : quand vous remarquez l'arbre qui bourgeonne avec ses minuscules pousses vertes au bout des branches, vous êtes heureux : "ah ! La vie est là : voici la belle saison, on va avoir des fruits"... De même, soyez subtils, vigilants : au milieu des catastrophes, sachez discerner les petits signes qui indiquent la poussée de la vie. Ne soyez pas des prophètes de malheur, des pleurnicheurs, des défaitistes. Dans la prison même de vos souffrances, n'oubliez pas que le Fils de l'homme est derrière la porte, il arrive, il vient vous sauver. Ne doutez pas. Car il est impossible et vain de supputer la date de l'effondrement du monde qui surviendrait dans des milliers ou millions d'années. C'est toujours maintenant que le Fils de l'Homme vient.
Lorsque deux jours plus tard, au Sanhédrin, le Grand Prêtre questionnera le prisonnier Jésus : " Es-tu le Messie, le fils du Béni", il osera lui répondre : " Je le suis, et vous verrez le Fils de l'homme siégeant à la droite du Tout Puissant et venant avec les nuées du ciel" ( 14, 62). De rage, le Grand Prêtre déchirera son vêtement...comme, à la mort de Jésus, le voile du temple (symboliquement) se déchirera (15, 38).
Le système religieux qui était basé sur la magnificence des édifices, la splendeur des liturgies, la multiplication des sacrifices, mais qui fonctionnait avec des liturges hypocrites et vaniteux, qui excluait pauvres, malades et étrangers et qui avait fini par exécuter Jésus, s'est condamné lui-même. Lorsque, en l'an 70 ( 40 ans plus tard - le temps donné pour se convertir enfin !), les Romains écraseront la révolte juive, détruiront la ville et raseront le temple, les chrétiens se rappelleront que Jésus l'avait prédit. Sans jouer au Nostradamus, il restait à devenir "les anges", les messagers de la Bonne Nouvelle qui courent aux quatre coins du monde pour rassembler les hommes dans la Paix de Dieu. Il ne fallait pas pleurer un temple de pierres mais être des pierres vivantes et fières, formant ensemble un corps spirituel, le corps ressuscité de Jésus.