34e dimanche ordinaire, année B (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Et si la clef du mystère de la fête du Christ-Roi que nous célébrons aujourd'hui se trouvait dans une simple petite conjonction de coordination. Celles qui nous viennent à l'esprit sont le « ou » ou bien le « et ». Il semble qu'une tradition constante en théologie ait la préférence pour la conjonction de coordination « et » qui relie ensemble ce qui, à première vue, pourrait s'opposer. En voici quelques exemples : les Ecritures et la tradition, la foi et la raison, la nature et la grâce, l'église et le monde, la foi et les ½uvres. La conjonction de coordination « et » ne peut jamais être remplacée par celle du « ou » car agir de la sorte serait nier toute la complexité du mystère divin. Et voici, qu'aujourd'hui, nous pouvons rallonger cette liste par les mots suivants : ouranopolite et cosmopolite. En effet, par notre naissance, toutes et tous, nous devenons des cosmopolites, c'est-à-dire des citoyens du cosmos. Nous appartenons à un monde précis et de par notre histoire, nous nous inscrivons dans un contexte donné pour accomplir la destinée à laquelle nous sommes appelés. Notre condition humaine fait de nous des cosmopolites. Mais, nombreux sont celles et ceux qui ne peuvent se contenter d'une telle citoyenneté car, de par leur baptême cette fois, ils sont devenus ouranopolites, c'est-à-dire citoyens des cieux puisqu'en grec, le mot ouranos désigne le ciel. En tant que croyants, nous sommes donc cosmopolites et ouranopolite. N'est-ce d'ailleurs pas ce que le Christ répond à Pilate. « ma royauté ne vient pas de ce monde, ma royauté n'est pas de ce monde ». Il est intéressant de souligner que Jésus ne dit pas : « ma royauté n'est pas en ce monde ». Comme si, pour lui, il était évident que le royaume de Dieu est en ce monde et non pas de ce monde, c'est-à-dire que la loi première qui doit régir ce royaume n'est pas inscrite sur des parchemins terrestres mais dans le Ciel ou mieux encore dans le c½ur de chaque être humain. Le Christ ne nie pas notre condition humaine. Il la respecte. Mieux encore, il la considère au plus haut niveau puisque de toute éternité, il a choisi de devenir l'un des nôtres en s'incarnant. Il nous reconnaît ainsi toute la validité de notre citoyenneté terrestre. Il ne rejette donc pas notre participation à la vie du monde. Bien au contraire. Mais il semble ne pas pouvoir s'en satisfaire. Effectivement, notre citoyenneté terrestre s'inscrit, s'enracine et se développe dans une autre citoyenneté, dans un autre royaume : celui du Ciel. Ce royaume-ci n'a plus de codes, ni de lois. Au royaume de Dieu, les facultés de droit sont abolies et les juristes sont au chômage car ce qui lie et relie les personnes entre elles, c'est tout simplement la règle de l'amour. Quand l'amour est là, aucune loi ne régit les rapports humains. L'amour se suffit à lui-même. Par contre, lorsque l'amour brille par son absence, alors heureux sommes-nous d'avoir des codes et des juristes qui nous aident à construire un vivre ensemble sur base de règles précises. Quand je vois parfois comment le monde tourne, je me dis que ce n'est pas de si tôt que certains d'entre nous qui ont étudié le droit seront au chômage. Qu'ils soient donc rassurés. La règle de l'amour qui sévit au royaume de Dieu est donc notre première loi de conduite. C'est elle qui nous guide et qui fait de nous des ouranopolites. Et en même temps, dans notre monde où sévit encore et toujours l'injustice, la jalousie, le désir de domination, nous avons besoin d'autres lois qui nous rappellent que nous sommes des cosmopolites. Sur cette terre, nous sommes donc bien l'un et l'autre et malgré tout, ils ne sont pas tout à fait similaires. Notre foi est une invitation permanente à mettre de l'ouranopolisme, philosophie de vie fondée sur l'amour, dans notre statut de cosmopolite car l'ouranopolisme est la visée, l'espérance à atteindre de tout croyant. Nous sommes conviés à partager la vie divine, à vivre éternellement au Royaume de Dieu. Et ce dernier se construit dès ici-bas, c'est-à-dire dès maintenant. Nous ne sommes plus l'un ou l'autre, nous sommes l'un et l'autre. Citoyens d'un royaume terrestre et citoyens d'un royaume céleste. Ouranopolite et cosmopolite, voilà la destinée à laquelle nous sommes appelés. Ces deux royaumes ne sont plus indépendants l'un de l'autre, ils s'enchevêtrent et c'est par nous qu'ils s'accomplissement. Que notre citoyenneté du Ciel éclaire notre citoyenneté terrestre. Devenons des ourano-cosmopolites.