Parvenue au dernier dimanche de l'année liturgique sous la guidance de saint Marc, l'Eglise proclame aujourd'hui que le CHRIST est SON ROI. Titre obsolète ? En tout cas confession paradoxale puisque Jésus revendique ce titre alors qu'il est ligoté, seul, pauvre prisonnier comparaissant devant le représentant tout-puissant de l'Empire romain. C'est saint Jean qui a mis en scène cette confrontation avec son incomparable génie dramatique. Car évidemment il ne s'agit pas d'un reportage mais d'une reconstruction théologique pour faire comprendre ce qu'est le ROYAUME DE JÉSUS inauguré au milieu des affrontements des Puissances de l'univers.
LE PROCES DE JESUS DEVANT PILATE
Selon les 4 évangiles, quelques Grands Prêtres (pas tous) de Jérusalem sont les responsables de l'arrestation de Jésus. Dès ses débuts, ils se sont dressés contre lui : tout le temps de sa mission (le récit de l'évangile) a été comme un interminable procès si bien que Jean ne rapporte rien de la comparution de Jésus devant Caïphe : l'affaire était décidée de longtemps. Mais comme le Sanhédrin n'avait plus le pouvoir de procéder à des mises à mort, il fallait arracher cette sentence au gouverneur Ponce Pilate. Au petit matin, on amène Jésus ligoté et on le livre à la garde romaine du Prétoire mais, afin de ne pas se souiller en entrant dans une demeure païenne (le soir débute la célébration de la Pâque), les Grands Prêtres et une populace ameutée pour l'occasion restent dehors. Si bien que Pilate va devoir faire le va-et-vient entre son prisonnier et ses juges. Suspense dramatique : de quel côté va-t-il pencher ? D'emblée les juges lui ont clairement manifesté leur intention : ils viennent pour exiger l'exécution de leur compatriote. Or, pour cela, il faut une raison. Perplexe, Pilate rentre pour un premier dialogue avec ce bizarre inconnu.Après la multiplication des pains, la foule émerveillée avait voulu proclamer Jésus roi mais il s'était dérobé. En entrant à Jérusalem, lorsque la foule, dans l'espoir du fameux messie annoncé par les Ecritures, l'avait acclamé : " Hosanna au fils de David", Jésus avait enfourché un ânon pour manifester clairement sa non-violence et son refus de toute insurrection guerrière. Mais à présent, réduit à la totale impuissance, sûr de l'épouvantable supplice auquel il va être condamné, il assume son titre : oui il est bien ROI.
Es-tu le roi des Juifs ?
Dis-tu cela de toi-même, ou bien parce que d'autres te l'ont dit ?
Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et les chefs des prêtres t'ont livré à moi : qu'as-tu fait ?
Ma royauté ne vient pas de ce monde. Si ma royauté venait de ce monde, j'aurais des gardes qui auraient combattu afin que je ne sois pas livré. Non, ma royauté ne vient pas d'ici.
Ainsi, tu es roi ?
Tu le dis. Je suis né et suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix.
Bah, qu'est-ce que la vérité ? ....." Et sur ces mots, Pilate sortit pour retrouver les Juifs dehors.
Mot ambigu que Pilate ne peut comprendre qu'au sens politique : une autorité centrale sur un territoire donné, défendu par une armée. Or le Royaume de Jésus "n'est pas de ce monde". Attention de ne pas transférer ce royaume dans le ciel avec les anges, ou dans le faux monde intérieur des âmes pieuses, ou de le rejeter à la fin des temps. Jésus est bien roi ici, maintenant et pour toujours, sur cette terre, dans notre monde. Mais son pouvoir ne naît pas à la manière des puissances politiques, il ne s'établit ni ne se défend avec la force "sinon, dit Jésus, mes gardes auraient combattu" pour moi. ALORS QUELLE ROYAUTE ?
Pilate est désarçonné par ce prisonnier qui ne ressemble à aucun autre : ses propres conceptions politiques et militaires l'empêchent de même soupçonner de quoi il s'agit dans les déclarations de Jésus : " Tu es roi ??!!!...". Après avoir dit ce que son royaume n'est pas (pas de ce monde), Jésus explique ce qu'il est :
Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité.
Jésus vient de son Père, du ciel, d'en haut : il a été envoyé pour remplir une mission, pour témoigner de la VERITE- un mot essentiel pour S.Jean (25 fois dans son livre). Dès le Prologue, il a écrit :
" Au commencement était le Verbe - Et le Verbe s'est fait chair Et il a habité parmi nous -- Et nous avons vu sa Gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père... Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Personne n'a jamais vu Dieu : Le Fils unique, dans le sein du Père, nous l'a dévoilé."
Dans la grande Révélation du Sinaï, Dieu YHWH s'était révélé comme "plein de grâce et de vérité"( Ex 34) càd. aimant, miséricordieux et absolument sûr, solide, fiable. Moïse n'avait apporté qu'une Loi, sainte mais insuffisante, donnant la connaissance de la volonté de Dieu sans offrir la capacité de l'accomplir. Jésus, seul, unique, peut témoigner de la Grâce et de la Vérité qu'est Dieu YHWH, il les révèle en transparence et les donne ! Avec lui, la connaissance de Dieu n'est plus une leçon, une idée, une morale mais une "communion", une rencontre vraie, une union, un amour. Encore faut-il que l'homme accepte cette révélation qui lui est proposée et qui lui parvient sous des apparences si déconcertantes : un petit Juif de la campagne, impuissant, et qui sera bientôt un crucifié.
" TOUT HOMME QUI EST DE LA VERITE ECOUTE MA VOIX ".
Par derrière nos caractères et nos tempéraments, nos qualités et nos défauts, gît un point d'origine, une inspiration de fond pour notre existence. Quiconque (de toute nationalité, de toute culture) désire que sa vie soit authentique, sans mensonge, est de Dieu, "appartient à la Vérité" et du coup s'ouvre à entendre, à comprendre, à accueillir ce que dit Jésus. Comme la brebis écoute son Bon Pasteur (10, 3), l'homme vrai, qui accepte de se laisser guider par plus grand que lui, choisit l'Evangile comme chemin, découvre Jésus qui est LA VOIE, LA VERITE ET LA VIE( 14, 6) . Il devient membre du Royaume, IL A LA VIE ETERNELLE. Il est sauvé.
Mais Pilate hausse les épaules : " Qu'est-ce que la Vérité ?" et, sceptique, se détournant de ce pauvre QUI EST LA VERITE DEVANT LUI, il sort pour rencontrer les accusateurs. Il a basculé dans les ténèbres du crime. Tout en affirmant à plusieurs reprises qu'il ne voit aucune raison de condamner Jésus, il va céder à la pression des ennemis et signer l'arrêt de mort. Tout homme se juge devant Jésus : ou il accepte d'apprendre de lui ce qu'est la vérité ou bien il ricane, se croit fort et consent à laisser tuer un innocent. Le refus de la Vérité qu'est Jésus crée une société inhumaine, dure, implacable. Le pouvoir romain pouvait bien s'enorgueillir de sa puissance : quelques siècles plus tard il s'écroulera. Comme tous les Pouvoirs bâtis sur la force et le mensonge. Seul demeure, à travers les âges, le Royaume de Jésus. Aujourd'hui en Occident, des multitudes ont "balancé" comme Pilate et se sont détournées d'une Eglise fragile, tournée en dérision. Mais le c½ur sur lequel règne Jésus est libéré de la dictature des idoles