32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

En quelques secondes, dans un stupide accident de voiture, il perd la femme de sa vie et ses deux jeunes enfants. Réalisant le drame, cet homme se met alors à crier la mort. Quelque chose en lui s'est déchiré à jamais. Trois vies se sont envolées vers ailleurs et lui, du plus profond de sa solitude, ne peut exprimer avec des mots humains, la souffrance intérieure qui le tenaille. Il a mal, tellement mal et rien ne peut le calmer, diminuer sa peine. En tout cas, pour le moment. Seul le temps adoucira cette blessure même si de temps à autre, sans comprendre pourquoi, une lame de fond à nouveau le submergera. Aujourd'hui, dans l'ensemble, il va mieux. Il continue de vivre ou de survivre. Mais c'est vrai aussi que par moment, il glisse sans pouvoir s'arrêter dans cette faille intérieure où il refait avec douleur l'expérience du vide insoutenable laissé en lui par la perte de ces trois vies qui sont de l'autre côté de la lumière.

De l'autre côté de la lumière, mais existe-t-il vraiment quelque chose ? Nous sommes en droit de nous la poser cette fameuse question. Aucune certitude. Juste une espérance. Cette dernière dépendra de l'intensité de notre foi en Dieu et du crédit que nous accordons aux Ecritures. Ce soir (matin), Jésus dévoile un coin du mystère. Il ne se laisse nullement piégé par ces Sadducéens qui ne croient pas à l'idée de la Résurrection. En déjouant leur intention malveillante, le Christ nous surprend à nouveau. Tout d'abord, en Dieu, la mort n'est qu'un instant. Nous la traversons et nous n'y résidons pas. Nous poursuivons ce que nous avons entamé sur cette terre. Dieu nous accueille en lui et aucune image connue ne peut décrire ce mystère. Nous sommes hélas bien incapables d'envisager ce qui peut bien se passer de l'autre côté. Un peu comme l'expérience suivante : lorsque nous visitons un zoo, nous découvrons les animaux, nous les voyons mais ils ne sont plus tout à fait eux-mêmes puisqu'ils sont enfermés, en cage. Ils sont tellement différents, ils ont perdu une partie de leur identité. Lorsque nous les visitons dans leurs milieux naturels, l'image qu'ils offrent, en pleine liberté, n'a plus rien à voir avec ce que nous avions découvert chez nous. Tant que nous n'en avons pas fait l'expérience, nous ne pouvons pas saisir la beauté de la vie animale dans leur milieu originel. Il en va de même avec la vie.

Nous vivons notre vie ici et maintenant. Demain, nous serons dans la vie éternelle. Tant que nous ne ferons pas ce grand saut nous ne pourrons pas nous émerveiller de tant de beauté et d'amour. Notre vie aujourd'hui n'est peut-être finalement qu'un avant-goût de ce qui nous attend. C'est possible et nous restons ici-bas avec nos questions : serons-nous les mêmes ? à la résurrection aurai-je le corps de mes 20, 40, 60 ans ou plus âgé encore ? si je perds un membre, est-ce que je le retrouverai de l'autre côté ? nous reconnaîtrons-nous les uns les autres ? où se situe-t-il notre au-delà ? celles et ceux qui sont de l'autre côté, sont-ils vraiment là alors que trop souvent nous butons sur un terrible silence ? Des questions qui resteront sans réponse pour longtemps encore. Sauf si nous prenons les dires de Jésus au sérieux. D'après lui, nos morts sont bien vivants. Quelle formule paradoxale. Ils sont vivants sans pour autant être réinstallés confortablement dans une demeure spéciale communément appelée le Ciel, le nouvel Eden. Les morts en effet ne sont plus dans un lieu. Ils sont dans un état. Un état de bonheur dans lequel ils nagent. C'est la raison pour laquelle, ils sont devenus semblables aux anges, filles et fils de Dieu. Il vivent dorénavant la vraie vie, la vie des enfants de Dieu. Qu'est-ce à dire ? Je n'en sais rien. Le monde de Dieu semble tellement différent du nôtre. Ma seule espérance est de croire ce que l'évangile dévoile aujourd'hui. N'appelons plus celles et ceux qui sont partis de l'autre côté de la vie : les morts. Ils sont vivants, les grands vivants de notre histoire puisqu'ils vivent en Dieu, dans cet état de bonheur éternel. Si nous y croyons, malgré notre tristesse d'être séparés, réjouissons-nous pour eux et vivons de cette espérance que leur état est à ce point merveilleux que pour rien au monde, ils ne souhaitent revenir sur notre petite terre. Ils vivent à jamais en Dieu l'immensité de l'éternité. Ils sont vivants, bien plus vivants que nous n'aurions pu l'imaginer. Ils sont les grands vivants. Amen.