Il y a quelques jours, un jeune d'une vingtaine d'années appartenant au courant traditionaliste de l'Eglise était venu me voir pour discuter de certains thèmes et voilà qu'est abordé celui de la mort. Il m'affirmait avec force qu'à l'instant de la mort, il y aurait ceux qui irait soit au paradis, soit au purgatoire pour une seconde chance et puis il y aurait tous ceux qui seraient damnés éternellement. Pour celles et ceux qui me connaissent, j'ai quelques difficultés avec ce type d'assertions. Lui donnant alors ma perspective de la mort comme étant une continuation de ce que nous avions commencé sur terre, il me répondit tout simplement et avec beaucoup de gentillesse que j'étais un hérétique. A ces mots, je souris en moi-même me disant que dans l'histoire la plus noire de l'Eglise, c'est plutôt nous les dominicains qui traitions les autres d'hérétiques. Voilà que les choses s'inversaient. Puis je lui posai une seule petite question : je suppose que toi-même tu ne t'es jamais envisagé comme étant un de ceux qui pourrait être damné éternellement ? Le silence qui s'ensuivit était éloquent. Je suis toujours frappé d'entendre la facilité avec laquelle certaines personnes peuvent condamner d'autres en les damnant éternellement sans jamais envisager qu'une telle damnation puisse être leur sort. A chacun ses contradictions, me direz-vous.
Le texte d'évangile que nous venons d'entendre pourrait lui donner raison puisque le Christ affirme " et ils s'en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle ".
En ce temps d'automne, bonjour la déprime. Alors, pour dépasser ce risque de dépression, il est important de se rappeler que la Bible est un livre merveilleux et que nous pouvons lui faire dire n'importe quoi lorsque nous ne la comprenons pas dans une perspective globale. Il est vrai que les propos du Christ sont durs mais ils doivent être réintégrés dans l'ensemble de sa prédication. En effet, le c½ur de la prédication du Fils de Dieu réside dans l'affirmation de l'amour divin, un amour actif et souverain qui passe également par celles et ceux qui croisent notre chemin. Si c'est le cas, il y a lieu de reconnaître comme incroyable voire même blasphématoire l'idée d'un Dieu qui envisagerait d'infliger une torture perpétuelle à certains de ses enfants. Non le Dieu de Jésus-Christ est tout autre, il est un Dieu qui prenant tellement au sérieux notre humanité à décider d'être l'un des nôtres. Mais l'extrait d'évangile de ce jour, nous fait découvrir que non seulement il s'est incarné, il y a un peu plus de deux mille ans mais que d'une certaine manière, il continue de s'incarner en chacune et chacun de nous. Peut-être que certains d'entre vous se disent là, il est de nouveau hérétique. Je ne le pense pas.
Dans l'évangile, Jésus se déclare solidaire de celles et ceux qui ont des besoins élémentaires tels que manger, boire, être vêtu, être accueilli, recevoir une visite... Mais plus encore, Jésus ne dit pas : ils ont eu faim, ils ont eu soif, ils étaient nus... Non, Jésus affirme : j'ai eu faim, j'ai eu soif, j'étais nu... Ce " je " du Christ est lourd de signification. Dieu ne se dissocie pas de ses créatures, il fait un avec nous dès notre conception. Dieu inhabite en chacun de nous et le Christ vient nous le rappeler. Le regard que je porte sur l'autre, le geste de tendresse que j'offre, l'acte que je pose est à la fois humain et divin. Dieu vit en l'autre.
Alors dans une vie de foi, une telle affirmation doit devenir certitude. Si Dieu habite vraiment en chacune et chacun de nous, si nous sommes toutes et tous images de Dieu, la manière dont nous nous percevons les uns les autres doit également changer. J'ai la conviction intime que lorsque quelqu'un m'énerve et que je me dis que malgré cet énervement, Dieu vit aussi dans cette personne, je suis invité à faire une démarche personnelle pour transformer mon propre regard puisque l'autre à tellement de prix aux yeux de Dieu qu'il a choisi de faire de celui-ci une de ses demeures. Nous sommes par notre humanité parcelle de Dieu. Ce que nous faisons s'inscrit dans la mémoire divine non pas pour nous condamner mais pour nous faire découvrir la beauté de notre humanité et accepter que Dieu prend résidence en chacune et chacun de nous. Si nous croyants arrivons à mettre en pratique ce que nous croyons alors la manière de vivre notre vie doit être une révolution en ce monde puisque chaque être humain, quel que soit sa condition sociale, culturelle, intellectuelle, familiale, est un lieu de Dieu. Un lieu de Dieu : puissions-nous ne jamais l'oublier.
Amen.