Ce lundi 15 novembre, nous avons célébré en Belgique la fête de la dynastie, la fête du Roi. Et peut-être avez-vous suivi dans la presse le débat concernant la séparation des festivités qui ont eu lieu ce jour-là : une première célébration avait lieu à la cathédrale Saints Michel et Gudule, et une seconde célébration, laïque, avait lieu au Parlement fédéral. Séparation donc, de nos jours, entre la royauté et la religion. En effet, pour certains, lier la royauté à une quelconque confession de foi peut faire peur ou bien sembler d'un autre âge...
Mais aujourd'hui, une semaine après la fête de la dynastie, il ne s'agit pas de lier la royauté à une confession, mais notre confession de foi à la royauté du Christ, il s'agit de lier notre religion, notre conception de Dieu à une forme de pouvoir, celle de la royauté. Et, avouez que c'est un peu difficile. Le titre de ROI n'est-il pas chargé historiquement ? N'est-ce pas un titre dans lequel nous pouvons avoir des difficultés à nous retrouver ? Devons-nous entendre la royauté de manière forte et puissante, comme à l'époque qui vit justement naître la fête du Christ-Roi, dans les années 30 ? Le Christ-Roi est-il un « Roi Soleil » tout-puissant ? lui que nous appelons la lumière des nations ? N'y aurait-il pas un autre sens à donner pour redonner aujourd'hui vigueur à ce terme de Roi ?
Eh bien, à la lecture de l'Evangile de ce jour, m'est revenu en tête un professeur que j'ai eu y a quelques années... Non ce n'était pas un professeur du Collège du Christ-Roi à Ottignies, ce qui aujourd'hui serait bien tombé... Il s'agit d'un professeur de droit de Louvain que je nommerai pas. Il citait souvent un adage de droit constitutionnel qui, sans pousser à l'excès la comparaison, qualifie bien à mon sens la royauté décrite dans l'Evangile. Je le cite : « Le roi règne mais ne gouverne pas. »
Curieusement, j'ai l'intime conviction que, appliqué à notre foi, cet adage peut nous parler et nous questionner sur notre conception de la toute-puissance et de la royauté de Dieu. Oui, je crois que cet adage nous questionne bien sur la royauté de ce Dieu qui a besoin de nous, de gouverneurs pour réaliser son projet de vie. Car, en effet, c'est par son...inaction et sa seule parole que Jésus en croix nous montre sa souveraineté et nous rend notre dignité d'hommes libres. En effet, face aux insultes, dans l'Evangile, les seuls mots que Jésus nous adresse sont des mots d'amour et de libération... Voici un Roi qui ne juge pas, qui ne gouverne pas, voici un Dieu qui ne nous impose rien mais qui s'adresse à son peuple. C'est peut-être cela la folie de mystère chrétien. Celle de croire en un Dieu qui nous parle mais qui a besoin de nous pour agir, pour porter sa parole et se faire comprendre en ce monde ; et c'est aussi sans doute cela qui rend cette folie de la foi « crédible ». En effet, un dieu qui s'impose n'est pas un Dieu crédible et digne de foi puisqu'il ne nous laisse pas libres. Nous pourrions presque dire que ce Dieu en qui nous croyons est vraiment Dieu parce qu'il ne s'impose pas, parce qu'il ne nous gouverne pas. Oui, Dieu est Roi, parce qu'il ne nous gouverne pas. Et bien plus, parce qu'il nous laisse libres de le suivre ou non, nous le faisons alors régner sur nos vies. Le pouvoir se donne, il ne se prend pas.
C'est pourquoi, le jugement de Dieu n'est pas, n'est plus une condamnation, mais une force qui nous pousse à aller de l'avant, c'est un incroyable souffle qui peut nous aider à avancer. Le jugement de Dieu, la parole de Dieu nous libère plutôt que de nous enfermer. Et si enfer ou enfermement il y a, c'est peut-être à nous de voir si cela n'est pas dû à notre refus, personnel, de cette ½uvre libératrice Dieu.
Car, s'enfermer, c'est se couper de la Vérité... Et c'est pourquoi Jésus déclare au « bon larron » -appelons-le comme cela- qu'il accèdera au paradis : c'est parce que justement ce bon larron parvient à faire la vérité sur lui et sur les autres. Par ce fait même, par la vérité qu'il fait sur lui et sur Jésus, il se libère... Le jugement est d'une certaine manière entre ses mains, comme il l'est entre les nôtres. Le « bon larron » est le seul à se reconnaître responsable et à ne pas accuser Jésus. Vous avez compris : si le Christ nous libère par son jugement, alors nous sommes à notre tour les juges de nos vies.
Puissions-nous alors, en cette fête du Christ-Roi, avoir la force de croire à cette ½uvre libératrice de Dieu qui réside en nous ; Puissions-nous avoir la force de croire à cet Esprit qui nous pousse non pas à subir les événements, mais à agir en ce monde, et à le gouverner non pas pour régner, mais pour faire régner le royaume de Dieu.
Amen