Chacun de nous avons soif de bonheur, de plénitude de vie, de communion avec nos proches. Nous désirons étancher notre soif de ces choses, mais pour ce faire, nous n'avons qu'une petite cruche. Cette cruche représente tous ces moyens que nous mettons en ½uvre quotidiennement pour nous abreuver de bonheur : moments passés avec ceux qu'on aime, réussites professionnelles et sociales, ou encore ces petites choses de la vie, comme écouter une sonate de Beethoven.
Cette petite cruche nous sert tous les jours quand nous revenons au puits de nos multiples désirs. Lorsqu'il est environ midi, c'est-à-dire lorsque notre désir de bonheur se fait le plus sentir, alors nous revenons à ce puits et nous remplissons notre petite cruche d'un peu d'eau de bonheur.
Quand nous venons à notre puits, quelqu'un nous attend déjà, assis sur la margelle. Il s'agit de Jésus. Il sait, lui, que nous y venons constamment pour épancher notre soif de vie. Il le sait parce que lu aussi est humain comme nous et que, comme un être humain, il désire la vie et le bonheur.
Jésus ne nous attend pas au bord de notre puits pour nous demander de renoncer à notre désir de bonheur. Il ne demande pas le renoncement au désir. Jésus ne nous réprimande pas, ne nous repousse pas. Il ne nous fait pas la morale. Or, malheureusement, on nous a dit, au nom de l'évangile, que chercher le bonheur et le désirer est un sentiment qui éloigne de Dieu. C'est dire cela qui éloigne de Dieu. Non, Jésus nous dit la vérité : au fond de tous nos désirs de bonheur et de plénitude de vie, au-delà de tous nos appétits compréhensibles ou répréhensibles, nous portons en nous un vrai trésor et un grand secret !
« Si tu savais le don de Dieu ! » dit Jésus à la Samaritaine et à chacun de nous. Si tu savais qu'au c½ur de ton désir de bonheur, il y a cet « amour de Dieu qui a été répandu par l'Esprit Saint qui t'a été donné ! » Ton désir de bonheur t'indique que le bonheur, c'est aimer ! Ton désir de bonheur te montre aussi que celui que tu appelles Dieu est plus que ce que nous appelons Dieu par habitude ou par convenance. Celui qui est la source jaillissante de l'amour est notre Père. Il est Père parce qu'il donne tout ce qu'il a, ou mieux, tout ce qu'il est : son amour qui est l'Esprit saint.
Seul un Dieu qui est Père peut nous inviter à l'adorer en esprit et en vérité. Les dieux païens ou les idoles de nos désirs se font prier. Ils réclament qu'on leur soit soumis. Ils veulent qu'on se sacrifie pour eux. N'est-il pas vrai que parfois nous sacrifions notre bonheur à la recherche anxieuse et sans limites de ce même bonheur ? Notre Dieu, le Dieu de Jésus-Christ, nous invite à l'adorer en esprit et en vérité, c'est-à-dire à répondre à son amour uniquement par amour, dans l'Esprit saint. Seul un Dieu qui se rend aimable est un Dieu qui nous assure la source du bonheur car le bonheur exige que nous ne soyons pas contraints, mus par la peur ou la menace.
Mais avons-nous encore besoin de notre petite cruche pour puiser à l'eau du bonheur ?
Notre petite cruche nous servira encore, mais au lieu de puiser dans le puits habituel de nos désirs, nous nous en servirons pour nous abreuver à la source de l'Esprit, dans notre c½ur. Peu importe la taille ou la qualité de notre cruche, tant qu'on puise à la bonne eau.
Laissez-moi terminer en vous racontant une histoire :
Un porteur d'eau transportait deux cruches suspendues aux extrémités d'une pièce de bois reposant sur ses épaules. Mais l'une d'elles avait une fissure. Pendant que l'autre jarre conservait parfaitement toute son eau de source jusqu'au village, la première perdait la moitié de sa cargaison en cours de route.
La jarre parfaite était fière d'elle car elle remplissait sa fonction sans faille mais la cruche abîmée avait honte et se sentait déprimée parce qu'elle n'accomplissait que la moitié de ce que l'on attendait d'elle.
Un jour, elle s'adressa au porteur d'eau au moment où il la remplissait à la source :
Je me sens coupable et je te prie de m'excuser.
De quoi as-tu honte, demanda le porteur d'eau Je ne réussis qu'à porter la moitié de ma cargaison d'eau à cause de cette fissure qui laisse fuir l'eau. Par ma faute, tu fais tous ces efforts mais tu ne livres que la moitié de l'eau, tu n'obtiens pas le fruit de tes efforts à cause de moi.
Le porteur d'eau, touché de cette confession lui répondit : Ne songe plus à ça et pendant que nous retournons à la maison, regarde les magnifiques fleurs au bord du chemin. Sur la route, la vieille jarre vit de très jolies fleurs baignées de soleil et cela lui mit la joie au coeur. Mais elle se sentait toujours aussi coupable parce qu'elle avait encore perdu la moitié de son eau.
T'es-tu rendu compte qu'il n'y avait de belles fleurs que de ton côté du chemin, et presque aucune de l'autre de l'autre côté ?
J'ai toujours su que tu perdais de l'eau et j'en ai tiré parti.
J'ai semé des fleurs de ton côté et toi tu les arrosais pendant le parcours. Sans toi, jamais je n'aurais pu obtenir des fleurs aussi fraîches et gracieuses.