3e dimanche de Carême, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Le contexte de cet extrait d'évangile est celui d'une fête de la Pâque, non pas celle où Jésus allait lui-même s'offrir en sacrifice mais une première occasion pour Jésus d'indiquer l'enjeu de ce qui allait être son sacrifice. L'enjeu est dévoilé, bien involontairement sans doute, par l'interpellation des Juifs : « Quel signe peux-tu nous donner ? ». Le signe, l'évangile de Jean n'en fait pas mystère puisque dès ses premières pages, il l'annonce : ce sera la Passion-Résurrection de Jésus. Mais de quoi est-ce le signe et en quoi est-ce un signe pour nous ? Les disciples ne le comprirent eux-mêmes que bien plus tard, après que Jésus les eut physiquement quitté, comme s'il fallait que Dieu s'absente, que Dieu s'éclipse, pour que l'homme entre dans la compréhension de sa présence. C'est une expérience que chacun a pu faire : les choses les plus évidentes, on ne les voit plus ! C'est le sens de ce soupir de Jésus dans l'évangile de Marc après la multiplication des pains : « Qu'a cette génération à demander un signe ! », alors que le signe, Jésus comme incarnation, Jésus comme Parole de Dieu était là !, qu'ils pouvaient le voir, le toucher et l'entendre ! et ils ont le toupet de lui demander un signe (sous-entendu un autre signe) à lui, le signe par excellence.

L'épître aux Corinthiens se fait l'écho de cette difficulté à comprendre ce qui se passe pourtant sous nos yeux. Et le monde grec (entendons : cette approche qui ne se fie pas aux sens mais aux ressources de la raison) n'y réussit pas mieux. D'où vient cette difficulté de compréhension ? Il y a au moins deux sources à cette incompréhension. La première tient au message lui-même, non pas qu'il soit compliqué, mais il est paradoxal. Pensez donc ! Venir annoncer un Messie crucifié alors qu'on attendait un Messie réglant par sa toute-puissance tous les problèmes qu'on avait été incapable de surmonter (que l'on avait créé...) à cause de notre faiblesse morale ! S'entendre parler d'un Dieu victime d'un misérable complot humain dans un trou perdu alors qu'on attendait le Principe explicatif de la mécanique du monde !
Et nous, qu'attendons-nous ? Avons-nous compris le déplacement mental, l'inversion mentale que représente le message chrétien par rapport à la logique du monde ?

Mais notre incompréhension n'est pas qu'une affaire mentale ; elle a une autre source : comportementale. Les Juifs de l'évangile ont le toupet de demander à Jésus de donner un signe de son autorité à chasser les marchands du Temple mais ils ne se demandent pas un instant quel signe, quel contre-témoignage, donnaient ces marchands de ce que Dieu était pour eux. De même que pour comprendre quelque chose des sciences de la raison (celle des Grecs ou de nos sciences actuelles), il faut une discipline d'esprit ; de même, pour comprendre quelque chose de Dieu, il faut une discipline, pas seulement d'esprit, mais de vie, avant même d'être entré dans la compréhension du message divin et pour pouvoir y entrer. C'est bien pourquoi, la première étape dans l'histoire du Peuple hébreu, immédiatement liée à la libération par rapport au monde du mal, est le don de la Loi, du Décalogue. La voie que Dieu indique à son peuple pour le rejoindre, ce n'est pas un cours de théologie, mais de suivre quelques règles concrètes de comportement porteuses, bien sûr, d'un état d'esprit et des valeurs-clés qui prépareront les gens à entrer dans la compréhension du message divin. De plus, en mettant ces prescriptions en pratique, même sans trop comprendre, on rend Dieu présent, on rend le message divin visible au monde qui nous entoure car, oui, comme nous, aussi maladroitement que nous, il ne cesse de demander des signes.

Quel image, quel signe donnons-nous de notre relation à Dieu devant le monde ? Bonne question qui pourrait sans doute nous faire progresser dans notre montée vers Pâques.