Et dire qu'à notre époque, il faut encore compter plus de trois minutes pour qu'un plat soit prêt au-micro-ondes, mon ordinateur quant à lui a besoin de deux minutes vingt sept secondes pour installer tous les programmes afin de pouvoir être utilisé. C'est dingue ce que nous pouvons perdre comme temps chaque jour à devoir attendre bêtement devant un appareil alors que nous avons autre chose à faire et que nos journées sont si courtes puisque nous ne disposons que de 86.400 secondes à pouvoir dépenser et de ce chiffre ; il faut encore soustraire 28.800 secondes c'est-à-dire huit heures de sommeil. Cela ne nous laisse alors plus que 55.800 secondes à dépenser. Il est donc grand temps que les fabricants d'appareils ménagers et autres se mettent au travail pour que nous ne perdions plus de temps bêtement. C'est éreintant de courir de la sorte après le temps.
Toutefois à force de courir après le temps, nous devenons impatients, tout va trop lentement et nous ne respectons même plus les gens et leurs propres rythmes d'avancement dans la vie. Il faut aller vite, très vite. Peut-être trop vite ce qui conduit à une certaine violence d'impatience. Mais finalement n'avons-nous pas un mauvais rapport au temps. N'est-il pas préférable d'ajouter de la vie au temps plutôt que du temps à la vie. N'est-ce pas une illusion de croire que plus nous aurons de secondes disponibles à dépenser, plus nous serons heureux. Donner plus de temps à la vie ne nous appartient pas. C'est la nature qui le décidera. Par contre donner de la vie au temps est du ressort de notre propre liberté. La qualité de l'occupation de mon temps m'appartient. C'est à moi, en lien avec celles et ceux qui m'entourent, de décider comment je vais l'occuper.
Alors plutôt que de courir après le temps, n'est-il pas nécessaire, voire vital, de reprendre le temps de vivre, de ne pas s'enfermer dans une spirale d'impatience. Finalement de laisser le temps au temps pour vivre de cette espérance qui habite au plus profond de nos êtres. Mais comment remettre de la vie dans le temps se demandent sans doute certains ? Tout simplement en réintégrant la mort dans la vie, en reconnaissant cette limite ultime et certaine par laquelle toutes et tous nous passerons sans exception. Nous ne sommes pas des êtres immortels, nous sommes des êtres appelés à recevoir l'éternité, don de Dieu par excellence. Telle est notre espérance de la mort. Comme le disait Alexandre (un jeune de notre commune), " Moi, la mort, j'y pense à luche. Ca me fout le cafard ". Je traduis : " Moi la mort, j'y pense beaucoup. Cela me donne le cafard ".
Et je le comprends car nous sommes là face à un mystère qui nous dépasse et dont nous ne savons rien par définition. La mort est un non-savoir par excellence. Nous ne pouvons qu'espérer et croire que Dieu nous proposera quelque chose de merveilleux où nous pourrons chacune et chacun poursuivre ce que nous avons commencé sur cette terre. Ce qui est en tout cas clair à partir de l'évangile de ce jour, c'est que la mort ne se mérite pas. Elle n'est pas une punition dues à certaines mauvaises actions. La mort nous surprend tout simplement parfois de manière paisible, parfois de façon tragique aussi et les événements en Espagne de cette semaine nous le rappellent. La mort nous surprendra toujours. Telle est notre condition humaine.
La vie nous a été offerte, ne soyons donc pas fatalistes car être fatalistes c'est subir les événements, c'est comprendre la vie comme un destin, à l'image de ces gens dans l'évangile. Or il n'y a rien de pire qu'un destin. Le destin se subit, la destinée se vit et s'accomplit. Dieu nous invite à vivre notre destinée. Cette dernière varie de personne à personne. C'est à chacune et chacun de découvrir sa propre destinée, son chemin d'accomplissement. C'est pour cette raison précise que la mort donne sens à la vie, car elle nous permet de vivre un recentrement sur l'essentiel. En d'autres termes, prendre conscience de sa propre mortalité, nous permet de vivre une conversion intérieure car s'il n'y a pas de fatalité, de déterminisme, mais bien une destinée, alors tout être humain peut accomplir son chemin de manière libre tout en prenant le temps. Il ne nous reste plus qu'à réintégrer la mort dans notre vie pour, tout simplement, ajouter de la vie au temps.
Amen.