3e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Racontez ce que vous voyez et entendez

Une des objections majeures adressée au christianisme est celle-ci : " Comment pouvez-vous prétendre que Jésus de Nazareth est le Sauveur du monde alors qu'il arrive encore tant de malheurs ? Les cris des innocents condamnés, les larmes des enfants martyrs ne sont-ils pas la preuve que votre foi est une illusion ?". Question qui devient lancinante lorsque le chrétien lui-même est frappé par le mal, souffre durement dans sa chair, pleure un enfant disparu. Le doute alors semble désagréger la foi.

LE PROPHETE TENAILLÉ PAR LE DOUTE

Eh bien, le prédicateur impétueux, le grand Jean-Baptiste lui-même a connu cette épreuve. Jeune, il avait reçu la vocation prophétique : plongeant dans le dénuement total du désert, il avait appelé les foules à la conversion car le Messie allait survenir avec éclat : "Il vient, celui est plus fort que moi, et il vous plongera dans l'Esprit...Il tient sa pelle à vanner et va nettoyer son aire" ( Evangile de dimanche passé)

Et voilà que maintenant, parce qu'il a eu le front de dénoncer les m½urs du roi, Jean est arrêté et jeté en prison. A la veille de son exécution, il s'interroge avec angoisse : " Pourquoi Jésus n'intervient-il pas ?". Lui qu'il décrivait comme un justicier tout-puissant qui allait manifester la colère de Dieu, pourquoi ne vient-il pas délivrer son héraut ? Serait-ce possible qu'il le laisse à son sort cruel ?.

Jean le Baptiste, dans sa prison, avait appris ce que faisait le Christ. Il lui envoya demander par ses disciples : "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?".

"Me serais-je trompé, ne faut-il pas mettre notre espérance en un autre ?" : tout au long de l'histoire, d'immenses multitudes de baptisés ont été déchirés, comme Jean, par cette question. Du fond de leur détresse, ils ont abdiqué de leur foi et reporté leurs espoirs sur un autre. Puisque Dieu ne répond pas à nos supplications, c'est un nouveau régime politique ou la révolution ou le communisme ou la science ou un mystérieux gourou qui apportera la libération et le bonheur. L' Eglise nous a trompés avec un mythe, un opium, une illusion.

Mais que pouvait faire Jésus pour Jean ? Tenter un coup de mains, mener une opération commando ? Sa mission lui interdisait d'user de violence, de verser le sang des gardiens. Opérer un miracle, ouvrir la geôle par un tour de passe-passe ? Il ne pouvait pas davantage utiliser la magie, le stratagème qui hypnotise le peuple crédule.

Jésus leur répondit : " Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.

Jean ne s'est pas trompé : Jésus est bien l'unique Messie. Mais il n'est pas venu imposer un Royaume par la force. Sa méthode est de douceur, de respect des libertés.

IL AGIT : Ici un aveugle recouvre la vue, là un paralytique remarche... : partout des guérisons s'effectuent. Certes Jésus ne fait pas sauter les murs des prisons, ne libère pas tous les captifs, ne guérit pas tous les malades, ne ferme pas les hôpitaux, ne résout pas les problèmes de chacun. C'est bien peu devant la foule innombrable des malheureux mais ces SIGNES sont suffisants pour induire à la foi.

ET IL PARLE : L'évangile poursuit sa course, allume partout un feu d'amour, la bonne nouvelle continue d' être annoncée aux pauvres de coeur. La mort qui menace son prophète ne fait pas taire Jésus et il n'ignore pas que s'il dénonce la corruption des Autorités, il subira le même sort que lui.

Quant à Jean, le prisonnier, il doit, à la suite de tant de prophètes, accepter de donner sa vie pour un message qui est vrai, pour un homme qui est bien le Messie. Il lui faut perdre ses conceptions d'un Libérateur nationaliste et guerrier, ses rêves d'une transformation subite du monde, ses désirs de la venue soudaine d'un paradis où il n'y aurait plus ni souffrances ni mort.

Et Jésus dit : "Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi".

Jésus est une pierre, un roc sur quoi le croyant peut édifier sa vie ; il est aussi une "pierre d'achoppement", un scandale sur lequel on trébuche et que l'on maudit de rage ! HEUREUX sera Jean si, en entrant dans son agonie et en acceptant sa mort, il garde foi en Celui qu'il annonçait. Plus tard Saint Paul écrira :

" Les Juifs demandent des miracles et les Grecs recherchent la Sagesse. Mais nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens. Mais pour ceux qui sont appelés, il est Christ, puissance de Dieu et Sagesse de Dieu" (1 Cor. 1, 22).

RAPPORTER CE QUE NOUS ENTENDONS ET VOYONS

A tous les déçus de l'Eglise, à tous ceux qui sont désespérés par leurs malheurs, nous ne pouvons toujours apporter une solution mais nous pouvons livrer un récit. Au lieu de dénigrer l'Eglise et de n'en voir que ses défaillances (réelles), savons-nous voir et raconter les SIGNES de l'action universelle de l'Esprit ?

Sur tous les continents, dans l'ombre, loin des médias, des hommes et des femmes travaillent sans relâche pour soigner, consoler, remettre debout. En Mongolie comme en Patagonie, partout, des missionnaires annoncent, à des pauvres avides d'espérance, la Bonne Nouvelle d'un Dieu qui s'approche de l'homme. En Chine, les conversions se multiplient à foison. Dans plusieurs pays, certains de nos frères et soeurs croupissent dans des geôles infectes, subissent des traitements ignobles depuis des années. Mais ils ne doutent pas que Jésus est avec eux dans leur solitude et qu'il les accompagnera dans leur montée au golgotha. Comment se fait-il que les chrétiens, ici, sont toujours au courant des péripéties de la politique, des frasques des vedettes, des lieux de la "bonne bouffe" et des spectacles "qu'il faut voir"... et ignorent ce que réalise leur Eglise ? Et quand ils le savent, ils n'en disent rien. L'immense majorité des jeunes occidentaux reste persuadée que l'Eglise est un club inutile qui, à la veille de sa disparition, rassemble des gens pieux dans des cérémonies inefficaces.

" Allez rapporter..." : Notre péché n'est-il pas notre mutisme ?