3e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2009-2010


Imaginez vous le futur pape, arrivant un jour à l'aéroport de Bierzet pour une visite de notre bonne ville de Liège. Il saute dans un taxi et dit au conducteur : « Je dois aller rue des prémontrés mais, s'il vous plaît, laissez moi conduire». Le conducteur, d'abord surpris, refuse. Le pape insiste, et finalement, le taximan accepte, lui donne le volant, et s'assied à l'arrière de la voiture. Le pape, un peu pressé, dépasse toutes les limites de vitesse, brûle trois feux rouges et se fait finalement arrêter par la police. Le policier, un peu décontenancé et gêné, appelle son chef et lui dit : « Chef, j'ai un problème. J'ai arrêté quelqu'un de très important... »

-- « Est-ce notre  bourgmestre ? » Non !

-- Plus important ? Le gouverneur de province ? Non.

-- Un député, un sénateur, un ministre ? Non. Plus important.

-- Le Roi ? Qui est plus important que le Roi ? lui dit le chef

-- Je ne sais pas --dit le policier-- mais il doit être vraiment très important, car le Pape est son conducteur !

En général les conducteurs --ou les prophètes comme Jean Baptiste-- conduisent des personnes plus importantes qu'eux! Et dans la page d'évangile que nous venons d'entendre, la foule se demande si Jean n'est pas la personne la plus importante. Elle se méprend sur son identité! Elle l'appelle son maître, et lui demande ce qu'elle doit faire. Mais finalement, Jean leur annonce qu'il y a encore plus grand que lui, et qu'il est là simplement pour nous conduire au Christ. C'est cela le baptême que Jean amène : annoncer en nous, qu'il y a plus grand que nous.

Cependant, la méprise première de la foule est avant tout de croire que ce qu'elle doit faire est une question simplement d'éducation. Sa méprise est de croire que si elle savait vraiment ce qu'elle devait faire, elle le ferait ! Et sur ce point, la réponse de Jean Baptiste est extraordinaire. Il dit à ceux qui se font baptiser ce qu'ils savent déjà ! Il ne leur apprend rien. Il demande aux soldats et aux collecteurs d'impôt ce qui est à leur portée, ce qui est à leur mesure.  « Ne faites ni violence ni tort à personne ; et contentez-vous de votre solde. » Rien de bien extraordinaire là-dedans.  Alors,  sur quoi la foule se méprend-t-elle ?  Elle pense que la source de ce qu'ils doivent faire et du changement est dans l'enseignement de Jean, et pas dans la joie qui leur est promise ; cette joie de la Bonne Nouvelle qui doit maintenant devenir le principe de leurs actions.

Aujourd'hui, nous sommes invités à découvrir que la source de notre agir est dans la joie, et non dans le commandement.  « Réjouissez vous »,  nous dit Paul. « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ». Et le livre de Sophonie insistait déjà sur cette joie : « Le Seigneur est en toi... Il aura en toi sa joie et son allégresse ».

Alors, la question «que devons-nous faire ? » ne doit plus prendre simplement sa source dans un enseignement, dans ce qui nous est demandé de faire, mais dans notre espérance et notre joie ! Attendre la venue du Christ à Noël, c'est attendre plus qu'une réponse à la question « que devons-nous faire ? » Jean nous donne plus qu'un message de repentance et d'action. Il annonce Celui qui nous amène sa joie, qui doit devenir la source de nos actions.

Friedriech Nietzsche ne s'est pas trompé quand il disait : « La mère de l'inconduite et de la débauche n'est pas la joie, mais l'absence de joie ! » En termes négatifs, il disait un peu ce que l'Evangile exprime en termes positifs. La mère de notre conduite doit être la joie, pas le commandement de ce que nous devons faire. Alors, réjouissons-nous ! Ce que nous devons combattre, c'est donc cette absence de joie et ce désespoir radical, qui n'arrive pas à voir Dieu dans son lieu natal, en l'homme et en sa capacité à se transcender et à aimer! Porter l'Evangile, ce n'est donc pas transmettre un contenu, mais permettre un relèvement, capable de transfigurer la tristesse en joie, permettre à chacun une nouvelle naissance qui conduit à l'espérance d'une joie qui ne passera pas.

Et bien plus, à l'approche de Noël, nous aussi sommes invités à nous réjouir ensemble. Car Noël est là pour nous faire découvrir en l'autre --dans la surprise de son être-- la vraie clé de notre bonheur. Comme le dit Bernanos, le secret du bonheur, « c'est être capable de trouver sa joie dans la joie de l'autre. » En effet, une joie thésaurisée n'est qu'un plaisir évanescent. La joie partagée, par contre,  conduit à ce bonheur qui ne finit pas. Notre joie ne viendra pas de ce que nous connaissons déjà, elle ne viendra pas simplement du diamant que nous avons reçu en nous. Elle passe par le trésor que nous n'avons pas encore découvert en l'autre.

Par conséquent, aujourd'hui nous est offert quelque chose de plus profond pour nous distinguer qu'un commandement: c'est notre joie capable de transfigurer la tristesse, une  espérance en cette joie qui ne finira pas! C'est à cela que nous devons désormais conduire nos frères et s½urs. Pas une joie mielleuse qui ne prend pas en compte ce que nous sommes et nos fragilités. Mais une joie à notre mesure, et qui paradoxalement dépasse tout ce que nous pouvons imaginer et traverser.

La Bonne Nouvelle qu'annonce Jean Baptiste est une véritable musique de joie, une musique dont  --permettez-moi le jeu de mot--  la clé et la tonalité sont à notre portée, à la mesure de ce que nous sommes. Alors, réjouissons-nous, car la musique des Chrétiens est dès la première note, une hymne à la fête et à la joie. Amen.