3e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2009-2010

Les conversions de Jean - Baptiste et la nôtre

Pour notre 3ème étape de préparation à Noël, nous retrouvons Jean-Baptiste, ce personnage incontournable pour découvrir Jésus car il demeure à jamais le " pré-curseur" qui nous conduit à lui.

Nous avions déjà évoqué l'itinéraire douloureux de ce Iohanan, le fils de Zacharie et Anne. De famille sacerdotale, il aurait dû se marier et exercer sa fonction au temple de Jérusalem: revêtu de beaux atours, il aurait célébré les liturgies, offert les sacrifices, béni les pèlerins. Mais Jean, sous la guidance de l'Esprit, a constaté le fréquent échec de ces cérémonies somptueuses, le vide de cette ambiance sacrée. Certes les rites y étaient strictement observés selon la Loi mais ils ne changeaient pas les comportements: on sacrifiait des animaux sans vouloir sacrifier son égoïsme, on brûlait de l'encens sans brûler d'amour pour Dieu, on demandait aux prêtres de soigner la liturgie mais en refusant de mettre la Loi de Dieu en pratique. Terrible danger du culte : enfermer la foi dans un rituel !

Alors un jour, Jean a quitté le temple et son faste superficiel pour rejoindre la communauté essénienne de Qumran dans le désert de Judas. Dans la solitude brûlante près de la Mer Morte, vêtu d'une simple robe blanche, symbole de pureté, il s'appliqua à observer la Loi de Dieu dans toute sa rigueur, avec une obéissance sans faille et, plusieurs fois par jour, il se lavait à grandes eaux dans les bassins de purification pour expier ses péchés. C'est de la sorte que "la communauté de l'Alliance" entendait réaliser ce qu'un grand prophète avait crié jadis lorsque les déportés revinrent de leur long exil en Babylonie :

A travers le désert, une voix crie : «  Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route" ( Isaïe 40 - cf. dimanche passé)

Ce qui s'était produit jadis ne pouvait manquer de se reproduire: il fallait demeurer dans le désert, y mener ensemble une vie impeccable afin de préparer l'arrivée du Messie.

Mais cette existence rigoureuse ne conduisait-elle pas à l'orgueil spirituel - le pire de tous - à la certitude d'être "les purs", au mépris de la foule pécheresse ?...Dieu appelait Jean à aller plus loin encore: une nouvelle fois, l'Esprit lui parla et lui fit faire une deuxième rupture. Il quitta les Esséniens et seul, pauvre, vêtu du manteau rugueux en poils de chameau, se nourrissant de miel et de sauterelles, il se mit à arpenter la vallée du Jourdain là où se trouvaient les gués par lesquels transitaient les voyageurs. C'est là que le grand Prophète ELIE avait été enlevé au ciel (2 Rois 2) et l'ultime oracle des Ecritures annonçait qu'il reviendrait pour annoncer la venue imminente du Messie :

« Voici que je vais vous envoyer ÉLIE le prophète avant que ne vienne le Jour du Seigneur,

jour grand et redoutable » ( Malachie 3, 23).

L'ancien prêtre, l'ancien moine est devenu prophète. Il interpelle les passants, il les exhorte à accepter son baptême (non une ablution que l'on se donne mais une "plongée" que l'on accepte d'un autre) et il les presse d'obéir à la Loi de Dieu.

Les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : " Que devons-nous faire ? ». Jean leur répondait : «  Celui qui a deux vêtements, qu'il partage avec celui qui n'en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu'il fasse de même ». Des publicains (collecteurs d'impôts) vinrent aussi : «  Maître, que devons-nous faire ? ». Il dit: "N'exigez rien de plus que ce qui vous est fixé". À leur tour des soldats demandaient : «  Et nous, que devons-nous faire ? ». Il leur répondit : « Ne faites ni tort ni violence à personne » ; contentez-vous de votre solde ».

Au temple, on peut se contenter d'assister pieusement en chantant quelques cantiques; le prophète, lui, vous accule à chercher la vérité de la vie : « QUE FAUT-IL FAIRE ? ». Là est l'ouverture, la disponibilité nécessaire car la "pratique" religieuse n'est pas d'abord cérémonielle mais existentielle: c'est pourquoi, afin d'éviter la magie, le baptisé doit s'informer sur les conséquences logiques du rite qu'il a accepté.

Que faire ? A la première Pentecôte, lorsque Pierre annoncera la Bonne Nouvelle de Jésus ressuscité, les foules demanderont : «  Que ferons-nous, frères ? » ( Actes 2, 37) . De même, lorsque Saül de Tarse sera terrassé par l'apparition du Ressuscité sur le chemin de Damas, il interrogera : «  Que dois-je faire, Seigneur ? » ( Actes 22, 10 ).

La foi n'est vraie que si elle est obéissance, acceptation de la volonté de Dieu sur nous.

En réponse, le prophète Jean rappelle les principes de base de la Loi divine : vivre selon le droit et la justice, donc partager ses biens, venir en aide aux nécessiteux, ne pas abuser de son pouvoir, ne pas tricher, ne pas s'enrichir au détriment du prochain, ne pas user de violence sur les personnes.

QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? Pour préparer un vrai Noël, c'est la question que le chrétien baptisé doit se poser aujourd'hui. Retenons trois niveaux essentiels dans la conjoncture actuelle:

LE PARTAGE: nos frères et s½urs des pays pauvres appellent au secours. Nos communautés installées dans un monde opulent, entendent-elles ces cris ? Y répondent-elles avec suffisamment de générosité ? Des écoles, des églises et des dispensaires voudraient un soutien de survie: devant cette détresse, peut-on se permettre du gaspillage, des décorations somptueuses ?

LE CLIMAT : La conférence de Copenhague s'ouvre dans l'angoisse: le climat se réchauffe, des cataclysmes sont en vue, la planète même est en danger. Or, depuis des dizaines d'années, des prophètes nous alertent : il faut impérativement changer notre mode de vie, respecter la terre, ménager les ressources, ne prendre l'avion qu'en cas de nécessité, favoriser les transports en commun, économiser l'énergie, etc. Les chrétiens se doivent d'être à l'avant-garde de ce combat ( cf. texte ci-dessous )

LES COMMUNAUTES CHRETIENNES : Dans notre société en crise (crise spirituelle plus encore que financière), nos paroisses ne peuvent continuer d'être des juxtapositions de pratiquants. En manque de repères, perdus dans un monde d'hyperconsommation et de matérialisme, des hommes errent en quête non d'un morceau de pain mais d'une communauté où la foi se dynamise en espérance joyeuse et se concrétise en rapports cordiaux. Où sont l'accueil, la concorde, la miséricorde, l'hospitalité qui doivent être les caractéristiques premières des lieux où l'on annonce l'Evangile ?

L'INSUFFISANCE DE LA LOI - DANS L'ATTENTE DE .....

Et cependant, dans cette 3ème fonction de son itinéraire, Jean prend conscience qu'il ne pourra jamais opérer le salut des gens: exhorter, adjurer le peuple de suivre les commandements reste insuffisant, inefficace. Jean le baptiseur reconnaît ses limites et humblement il avoue n'être qu'un « précurseur ».

Le peuple était en attente, tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie.

Alors il s'adressa à tous : «  Moi, je vous baptise avec de l'eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Et je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit-Saint et le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera dans le feu qui ne s'éteint pas ».

Par ces exhortations et bien d'autres encore, Jean annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.

Pas plus que la liturgie du temple ni que la vie ascétique du désert, la Loi clamée par le prophète ne peut sauver. Tous les prophètes en avaient auparavant fait l'expérience. Quelqu'un d'autre doit venir ensuite, quelqu'un qui ne sera pas seulement un prophète plus percutant. Un saut immense va se produire. Plus encore qu'entre un maître et son esclave qui lui dénoue les courroies de ses chaussures, la différence entre Jean et Celui qui vient sera infinie. Le premier ne pouvait que prêcher, admonester et baptiser dans l'eau: Celui qui vient plongera les hommes dans le feu de l'Esprit divin: ½uvre divine que seul Jésus peut opérer. Mais Jean se trompe : il annonce un Juge qui vient terminer l'histoire par un décret définitif. Or Jésus ne déchaînera pas son courroux, il ne triera pas les gens comme blé et paille. Au contraire, il inaugurera le Royaume de Dieu son Père, il proposera le chemin des béatitudes, il sera le bon berger en quête de la brebis perdue, il pardonnera au pécheur repentant. Et finalement il acceptera d'être plongé dans la fournaise de la souffrance et de la mort. Mais c'est ainsi qu'il donnera, enfin, l'Esprit, le Souffle qui transformera l'humanité.

L'itinéraire du Baptiste nous invite à comprendre le nôtre. Belles et nécessaires doivent être nos liturgies - mais à condition d'y entendre une Parole qui nous bouscule et exige notre engagement. Grand est le baptême - à condition qu'il nous conduise à implorer le feu de l'Esprit. Grands sont les prophètes - mais à condition de nous envoyer vers CELUI QUI VIENT.

Nous avons rencontré un prêtre, puis un ascète, puis un prophète. Voici l'ENFANT : il ne demande que d'être accueilli pour renaître encore en nous. Il réussira là où le prêtre, l'ascète et le prophète ont échoué.