Dans le spectacle intitulé « Les hommes viennent de Mars, les femmes de Venus », l'auteur raconte que lorsqu'un couple arrive chez un couple d'amis, les deux hommes, après s'être salués, discuteront plutôt en termes de compétences, c'est-à-dire, par exemple, de la durée du trajet. Par contre, les femmes auront du plaisir à prendre des nouvelles des enfants, de l'état d'âme du mari pendant le voyage. J'ose supposer que c'est sur base d'un tel constat que l'auteur de l'évangile n'a pas souhaité mentionner une dialogue qui aurait pu y avoir entre Zacharie et Joseph qui se seraient également rencontrer lors de la visitation de Marie à Elisabeth. En tout cas, ce qui est clair, c'est que la conversation entre ces deux femmes confirme la thèse énoncée dans le spectacle. En effet, Marie et Elisabeth ne s'encombrent pas des détails de la route. Elisabeth va directement à l'essentiel, aux émotions les plus intimes qui l'ont traversée. Elles ne se sont sans doute plus vues depuis quelques temps et pourtant, tout paraît tellement simple. Il aura suffit d'un simple regard, d'une joyeuse salutation, d'une présence empreinte de tendresse pour que les mots échangés témoignent de la profondeur de ce qui les habitent toutes les deux.
Les émotions sont-elles exacerbées par le fait qu'elles attendent toutes les deux un heureux événement tellement imprévisible ou bien ont-elles déjà pleinement conscience que par leurs maternités respectives, elles vont changer le cours de l'histoire de notre humanité ? L'événement de la visitation semble en tout cas témoigner de la reconnaissance par l'une de la grandeur de l'enfant que l'autre portait. Un tressaillement aura suffi pour qu'Elisabeth, remplie de l'Esprit-Saint, se transforme en prophétesse. Elle est la première à reconnaître que Marie porte en elle le Sauveur de notre humanité. Nous pourrions même aller jusqu'à affirmer que, tout s'est joué dans leurs entrailles. Jean-Baptiste tressaille car il ressent qu'il est en présence de plus grand que lui et le fruit des entrailles de Marie est béni à jamais. Au-delà du récit, je pense qu'il y a une invitation qui nous est faite en ce dernier dimanche de l'Avent pour que nous puissions à notre tour mieux encore entrer dans le mystère de Noël. Elisabeth a fait confiance en ses émotions et elle s'est laissée émouvoir par ce qui vivait en elle. C'est un peu comme si nous étions invités à faire de même. Ne cherchons pas Dieu en dehors de nous. Depuis l'événement de la Pentecôte, Dieu est venu habiter chacune de ses créatures. Par notre propre baptême, toutes et tous, nous avons également été rempli de l'Esprit Saint. Devenons alors aujourd'hui ces prophètes et ces prophétesses dont le Père a tant besoin en notre monde qui semble s'être éloigné de sa présence divine. Pour ce faire, il suffit que nous ne gardions pas le silence sur ce mystère qui habite au plus profond de nous mais que nous devenions des messagers de vérité, des messagers capables de reconnaître la présence de Dieu au c½ur de notre humanité. En effet, à nous aussi, il nous arrive de vivre des rencontres d'une telle intensité de vérité, d'une telle grandeur de tendresse et de respect mutuel que nous pouvons avoir le sentiment que quelque chose nous a dépassé, que nous étions transcendés dans le temps de ce partage vécu en toute beauté. C'était comme si Dieu était présent non seulement au-dedans de nous mais entre nous. Lorsque nous avons le privilège de vivre une telle expérience, ne la gardons pas pour nous mais devenons ces prophètes qui sont à même de reconnaître la sacramentalité de l'événement qui vient de se vivre. Osons nous dire alors l'un à l'autre : cette fois Dieu était vraiment parmi nous. Nous avons été dépassé par quelque chose de merveilleux qui était de l'ordre de l'indicible, de l'ineffable. Ayant accepté ce simple rôle de prophétie à notre niveau, nous découvrons alors que nous sommes capables de reconnaître que Dieu est présent non seulement en nous-mêmes mais également en l'autre. Chacune et chacun d'entre nous, sommes parcelles privilégiées où le Père a choisi dans le Fils et par l'Esprit de venir habiter. Nos corps respectifs sont à leur tour le tabernacle de la présence divine en notre monde. Aujourd'hui, sans chercher à être plus saint que tous les saints du ciel, nous sommes conviés à prendre conscience qu'à l'instar de Marie, nous portons Dieu en nous. Il suffit de nous pencher tout au bord de notre c½ur pour le rencontrer, pour l'aimer. Dès à présent, il nous ouvres ses bras et nous les tend pour que nous le prenions avec nous sur le chemin de la route. Dieu n'est pas extérieur à nous. Il est en dedans de nous. Que cette espérance et cette confiance nous suffisent pour entrer ensemble plus avant encore dans le mystère de ce Dieu qui a voulu se faire si proche de nous, qu'il est devenu l'un d'entre nous pour ne plus jamais nous quitter.
Amen