3e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012


Ils sont pourtant cousins mais qu'est-ce qu'ils sont différents ces deux-là.  Nous ne savons pas grand chose de leur vie familiale et de leurs liens.  Leurs points communs : conceptions étonnantes, morts violentes.  Leurs différences : l'un est ascète, l'autre est traité d'ivrogne et de glouton ; l'un propose un baptême d'eau, l'autre un baptême dans l'Esprit ; l'un prêche dans le désert, l'autre dans les villes.  Il faut venir à Jean-Baptiste pour entendre son message.  Jésus fait le contraire : il va vers les autres pour annoncer sa Bonne nouvelle et pour nous aider à découvrir le Tout-Autre.

Le Christ s'en vient à nous.  Il part encore et toujours à notre rencontre et s'invite là où nous sommes dans nos vies.  Il marche à nos côtés tout en prêchant.  Sa parole est d'ailleurs un tant soit peu provocante : « les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche ».  Nous ne sommes donc pas ici sur terre pour vivoter mais bien pour vivre.  Le Père a besoin de ses créatures.  Il ne peut se passer de nous pour accomplir ce qu'il a commencé.  Pour ce faire, nous sommes une fois encore conviés à êtres des hommes et des femmes debout bien incarnés dans nos vies.  Contrairement à ce que certains pourraient penser, nous n'avons pas à nous « angéliser ».  L'angélisation risque de nous conduire dans un état où nous n'aurions plus les pieds sur terre et où nous pourrions nous enfermer dans de grands discours non suivis d'effets concrets.  Notre destinée est d'un autre ordre : nous avons à nous humaniser car plus nous nous humaniserons, plus nous nous diviniserons.  En effet, notre c½ur est ce lieu d'intimité où se noue en chacun de nous l'humain et le divin.  Poursuivons alors notre humanisation.  Devenons pleinement homme, pleinement femme. Chacun à notre rythme et en fonction de ce que nous avons reçu.  C'est ici que Dieu nous attend.  Nous avons à devenir qui nous souhaitons être.  Fort de cela, nous poserons les actes nécessaires en vue de notre accomplissement.  Toutefois, nous dit Jésus, cette humanisation passe par le chemin de la conversion.  La conversion, ce concept tellement biblique, ne signifie donc pas une vague résolution, un époussetage de l'âme, un instant de culpabilité, un projet éphémère.  Il s'agit plutôt d'un état de vie qui se fonde et se réalise dans l'évangile.

« Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » est une demande qui nous est faite de nous détourner de nous pour mieux nous retourner dans une autre direction.  Quelqu'un me disait, il y a quelques jours, que Dieu avait mal conçu l'être humain.  Il aurait mieux fait de mettre le nombril sur le front des gens.  De la sorte, nous ne prendrions plus le temps de regarder le nôtre mais lors de chacune de nos rencontres, nous pourrions voir celui de l'autre et ainsi s'intéresser à lui.  Mieux encore, aujourd'hui, nous sommes invités à nous détourner de nous pour nous retourner et contempler le nombril de Dieu.  Qu'est-ce à dire ?  Et bien peut-être simplement accepter que le fait de se dire croyant n'est pas un métier à temps partiel.  La foi ne peut se contenter que nous n'y consacrions  que nos temps de loisirs.  A l'instar des premiers disciples, nous sommes tenus à vivre à notre tour une conversion radicale.  Ils ont abandonné leur profession, leurs outils, leurs parents, leur milieu pour partir sans rien vers une nouvelle direction.  A notre tour, détournons-nous de ce qui nous rassure et nous conforte, et retournons-nous dans cette direction dont nous connaissons la destination : la vie divine.  Croire à la Bonne Nouvelle, c'est accepter que l'essentiel de toute vie est d'être avec le Christ.  Cette conviction nous conduit alors à vivre nos vies différemment.  Nous n'aurons plus les yeux rivés sur nous-mêmes mais nous les lèverons vers Dieu qui nous propose cette transformation intérieure, cette conversion du c½ur.  Dieu devient ainsi la finalité de nos existences et nous passons toujours par Lui pour construire avec Lui un monde où la terre tournera plus juste. Dans cette perspective la conversion n'est-elle pas synonyme de l'ouverture de nos vies à l'amour de l'autre en qui nous percevons la présence du Tout-Autre ?  Le nombril de Dieu devient alors le c½ur de chaque être humain.  Notre conversion nous ouvre de la sorte à nous retourner dans la direction du c½ur de tout un chacun. 

Amen