3e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

ENFIN UNE BONNE NOUVELLE !!!

Après les fêtes éclairées par les évangiles de Matthieu, Luc et Jean, nous retrouvons aujourd'hui celui de Marc que nous allons suivre tout au long de cette année. A sa manière rapide, il a commencé son livre en racontant que Jésus de Nazareth, venu se faire baptiser par Jean et remontant de l'eau, a fait une expérience spirituelle. Bouleversé, au lieu de rentrer chez lui, il s'est enfoncé dans la solitude afin de réfléchir à la mission qu'il venait de recevoir. Or tout à coup la nouvelle se répand : Jean a été arrêté ! En effet l'historien juif Flavius Josèphe rapporte que la foule était très exaltée en écoutant la prédication de Jean ; aussi, craignant une révolte, le roi l'avait enfermé dans la forteresse de Machéronte (« Antiquités juives » chap.18). Marc racontera plus tard pour quelle raison le roi fit décapiter le prophète (Marc 6, 17). Cette fin de la mission du prophète suscite le commencement de celle de Jésus.

LA MISSION ESSENTIELLE DE JESUS

Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : «  Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est tout proche : convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».

Au contraire de son maître qui s'était posté en Judée, dans le désert, à l'écart, et qui attendait que les pèlerins convergent vers lui, Jésus retourne dans sa province et il ne cessera de circuler dans cette Galilée appelée « district des nations » parce que, située à la frontière du Liban et de la Syrie, sillonnée par des routes commerciales, elle était fortement imprégnée d'influences païennes. C'est en plein monde, là où les gens vivent, où la civilisation hellénistique bâtissait ses villes nouvelles, ses gymnases, ses théâtres, ses cirques, ses commerces, c'est au c½ur de cette société mêlée que l'Evangile va retentir. Jésus n'attend pas que les gens viennent à lui : c'est lui qui va vers eux.
Il ne va pas se plaindre de la décadence ni vitupérer contre les m½urs relâchées ni menacer les pécheurs des châtiments éternels. Dans les rues et près des boutiques, à côté des ateliers d'artisans ou sur le rivage du lac, il ANNONCE LA BONNE NOUVELLE. Dans un monde gangrené par le mal, parcouru de « mauvaises nouvelles », il proclame la joie de l'Evangile. Quelle audace !
« Proclamer » : le message de Jésus se dit, se répète, se colporte, se répercute. Trop souvent nous confondons l'évangélisation avec nos activités : rites, pèlerinages, bonnes ½uvres, constructions. Marc insiste : la première chose que Jésus fait et qui restera son action fondamentale, c'est de parler, de « prêcher » ! (Oh le vilain mot, si dévalué aujourd'hui - parce qu'il a servi de paravent à de la piété fade, un galimatias incompréhensible, une éloquence ampoulée !). Pourtant « une nouvelle » se dit, s'énonce, se lance. Brève, percutante, libératrice. -------     Que dit Jésus ? 4 choses.

« LE KAÏROS (mot grec qui désigne un moment grave) EST ACCOMPLI ». La Bible n'est pas un catéchisme, un code moral ou rituel mais une histoire. Si Dieu demeure un mystère indicible, il est certain pour les acteurs bibliques qu'il est en train de réaliser un projet au creux de notre histoire. Nous ne sommes pas des pantins manipulés, nous disposons même d'une énorme force de résistance au dessein de Dieu. Mais quoi que fassent les hommes, Dieu agit dans un seul but : nous libérer du mal et nous conduire à la communion amoureuse avec Lui. Au cadran de l'histoire, telle que Dieu la lit et non telle que les hommes politiques l'imaginent selon leurs idées, le moment (le kaïros) a sonné. Aucun éclat ne le manifeste. A Rome, l'empereur s'imagine maître absolu du monde. Mais là-bas, en Galilée, un ancien artisan de village se met à circuler et à lancer à tous vents la Bonne Nouvelle. Pointe alors l'aurore du nouveau monde ! Plus rien d'égal ne surviendra dans la suite.

« LE REGNE DE DIEU S'EST APPROCHE ». Israël avait toujours cru obtenir la grandeur grâce à un roi de génie. Las, tous se succédèrent et tous échouèrent. D'ailleurs depuis plus de 5 siècles, Israël n'avait plus de souverain mais un des derniers prophètes avait annoncé :
«  Le Seigneur mon Dieu arrivera...Ce sera un Jour unique...Alors le Seigneur se montrera le Roi de la toute la terre.
En ce jour-là, le Seigneur sera unique et son Nom unique »      (Zacharie 14, 8-9).
Le pauvre Jésus du minuscule village de Nazareth, seul, démuni de tout, sans moyen de puissance, proclame : Moi aujourd'hui je vous l'annonce : Dieu vient, avec moi, instaurer son règne maintenant sur cette terre des hommes. Il ne transforme pas le monde par un coup de baguette magique, il n'anéantit pas le mal, ne supprime pas la souffrance, n' « angélise » pas les hommes. Car son règne n'a d'autre puissance que celle de l'amour et l'amour ne s'impose pas, il s'offre.
Ainsi donc, du côté de Dieu, tout est fait : en Jésus le Règne divin commence en vérité, ici et maintenant.  Rien ni personne ne pourra lui imposer un délai ni encore moins le contrecarrer. Encore faut-il que l'homme l'accueille. Comment ?

« CONVERTISSEZ-VOUS ». L'appel n'est pas réservé à une certaine catégorie de gens plus mauvais que les autres. Il s'adresse à tous sans exception. Chacun et chacune - même les plus observants des pharisiens, les plus pieux des grands prêtres - est invité à se détourner de ses façons de voir, de penser, d'imaginer, de faire, d'espérer. La conversion (« teshouvah » en hébreu ; « metanoïa » en grec) est une notion capitale dans la bible : elle ne signifie pas un simple remords, un époussetage de l'âme, une vague résolution, un projet de se rendre meilleur car l'homme ne peut pas « se faire » pour devenir citoyen du Royaume de Dieu. Mais il lui est demandé de se détourner pour se retourner dans une autre direction.

« ET CROYEZ A LA BONNE NOUVELLE ». C'est une vraie question de confiance car tout contredit cette annonce: le mal qui paraît omniprésent, le passé qui prouve que toutes les tentatives du bonheur de l'humanité ont avorté, notre égoïsme qui s'affirme incurable...et même, pour nous aujourd'hui, l'Eglise qui serine ses sempiternelles fredaines et qui présente le visage lamentable d'une organisation qui échoue sans cesse à faire ce qu'elle dit. Il faut CROIRE, oui, faire confiance. Jésus va opérer ce que David et Isaïe, Platon et Aristote, Cyrus et Alexandre le Grand n'ont jamais réussi à faire. Vous en doutez ? Thérèse de Lisieux rongée par la tuberculose dans son minable carmel de Lisieux, le père Damien mourant de la lèpre à Molokaï, Maximilien Kolbe écroulé dans le blockhaus d'Auschwitz, Soljenitsyne cassant des cailloux dans le froid glacial du goulag sibérien, tous CROYAIENT A LA BONNE NOUVELLE. Non par un miracle soudain, une guérison immédiate. Mais JESUS ETAIT LA ET DIEU AVEC LUI.

APPEL DES 4 PREMIERS DISCIPLES

Passant au bord du lac de Galilée, Jésus voit Simon et son frère André en train de jeter leurs filets (c'était des pêcheurs). Il leur dit : «  Venez derrière moi : je ferai de vous des pêcheurs d'hommes ». Aussitôt laissant là leurs filets, ils le suivent. Un peu plus loin, il voit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean qui étaient dans leur barque et préparaient les filets. Jésus les appelle aussitôt. Alors laissant dans la barque leur père avec ses ouvriers, ils partent derrière lui ».

On reste perplexe devant cette obéissance immédiate que rien n'explique. Mais l'évangile de Jean nous a éclairés la semaine passée : tous ces hommes étaient des disciples de Jean-Baptiste, ils se connaissaient et là ils ont rencontré Jésus. Baptisés dans le Jourdain, ils sont rentrés chez eux et ont repris leur métier. Maintenant l'heure est venue : oseront-ils croire à l'appel, faire confiance à ce charpentier ?
La mission à remplir est gigantesque : « pêcher les hommes ». Car les hommes se noient (dans les soucis et les chagrins), ils barbotent (dans les futilités), ils coulent (dans la dépression), ils s'abîment (dans le désespoir), ils perdent pied (dans le déluge des mauvaises nouvelles). Il faut d'urgence les sortir des flots, les redresser, les replacer sur le roc solide de la foi, leur permettre de respirer le souffle de l'Esprit.
On ne s'érige pas en sauveur : on doit apprendre à le devenir. Non par des cours de relaxation ou des méthodes transactionnelles, mais « en suivant Jésus », en mettant ses pas dans les siens, donc en lisant l'Evangile, en regardant, en écoutant celui-là seul qui rend capables de poursuivre cette tâche. « Je ferai de vous... ». On n'exerce pas ce « métier » à temps partiel, en y consacrant quelques moments de loisirs. Les pêcheurs sont tenus à une « conversion » radicale : abandonner leur profession, leurs outils, leurs parents, leur milieu pour partir sans rien, sans connaître la destination, sans savoir de quoi on vivra ni ce qu'on aura à dire et à faire. L'essentiel est là : être avec Jésus.

Jésus n'exigera pas de tous ce détachement total : la majorité des premiers disciples seront des gens engagés dans les responsabilités familiales et professionnelles et qui auront à vivre les exigences de l'Evangile dans leur état de vie. Mais il fallait au préalable et il faudra toujours, des « apôtres » dont la mission sera d'être, à la suite de Jésus, les hérauts de la Bonne Nouvelle.
N'est-ce pas la 1ère fonction à rétablir dans notre Eglise ?...